CENTRE D'ETUDES SUPERIEURES D'ØSTFOLD
Français des Affaires et Commerce International
Renaud Soufflot de Magny

Régionales, cantonales, ... Pourquoi ces élections ?

En France, cinq niveaux administratifs se superposent aujourd'hui : l'Union européenne, l'Etat, la région, le département et la commune. La France reste aujourd'hui un Etat assez centralisé par rapport à beaucoup de ses voisins, mais depuis la loi du 2 mars 1982, les régions, les départements et les communes se sont vues accorder davantage de pouvoirs.

A chacun de ces échelons, les citoyens élisent une assemblée. Celle-ci se choisit ensuite un président.

Elections

Périodicité

Mode de
scrutin
Nom de
l'assemblée élue
Chef de
l'exécutif local
REGION
régionales
6 ans
Proportionnel
(1 tour)
Conseil régional
Président
du conseil régional
DEPARTEMENT
cantonales
6 ans
Majoritaire
(2 tours)
Conseil général
Président
du conseil général
COMMUNE
municipales
6 ans
Mixte
(2 tours)
Conseil municipal
Maire

Alors que les conseillers régionaux et les conseillers municipaux sont élus en bloc tous les six ans, les conseillers généraux sont renouvelés par moitié. En mars 1998, il y a à la fois élection des conseillers régionaux sur tout le territoire (en un seul tour, le 15 mars) et élection de la moitié des conseillers généraux (en deux tours, les 15 et 22 mars).
En mars 2001, devraient être élus à la fois les conseillers municipaux et l'autre moitié des conseillers généraux.

Europe, Etat, région, département, commune : n'y a-t-il pas trop d'échelons ?

Il est vrai que le découpage administratif du territoire est composé de plusieurs strates, résultat de l'histoire, dont l'efficacité laisse à désirer. Par exemple, il y a en France pas loin de 37000 communes,... soit plus que dans tout le reste de l'Union européenne. Les régions françaises semblent en revanche bien petites (par la taille comme par le budget dont elles disposent) comparées à leurs homologues allemandes, italiennes ou espagnoles; cela les affaiblit lorsqu'elles cherchent à mettre sur pied des accords transfrontaliers avec des régions européennes voisines.
Surtout, les citoyens ont du mal à comprendre qui fait quoi et cette dilution des responsabilités accroît le sentiment d'opacité des cicuits décisionnels.

Une remise à plat du système a souvent été évoquée, mais elle s'est heurtée tant au blocage des élus qu'à l'inertie des populations (qui veulent conserver "leur" territoire).

Les régions : combien y en a-t-il ?
On compte 21 régions dans l’hexagone, auxquelles s’ajoute la Corse, qui bénéficie d’un statut spécial, et quatre régions d’outre-mer, ces dernières n’étant composées chacune que d’un département. Les velléités d’instauration d’une “Assemblée unique” dans les DOM, après l’élection de François Mitterrand en 1981, ont été brisées par la mobilisation des “départementalistes” qui y voyaient un premier pas vers une éventuelle indépendance et par la censure du Conseil constitutionnel.

En métropole même, le découpage n'est pas forcément des plus heureux : est-il logique que Nantes ne fasse administrativement pas partie de la Bretagne ? Plusieurs petites régions n'auraient-elles pas pu être regroupées pour former des ensembles plus efficaces et plus puissants ?


(Image : Minstère des Affaires étrangères)
NB: Les DOM ne sont pas à l'échelle.

Quels sont les pouvoirs du Conseil régional ?

Il ne faut pas se leurrer : malgré les lois de décentralisation, qui ont tranféré une partie des compétences de l'Etat aux collectivités locales, la France reste un pays de tradition jacobine. Les régions françaises ne jouent qu'un rôle secondaire dans la vie politique et économique du pays. Cela s'explique notamment par leur taille modeste et par des ressources budgétaires limitées. Au total, les régions gèrent environ 75 milliards de francs, soit moins de 2 % des prélèvements obligatoires. Jean-Paul Besset signalait dans Le Monde du 4 mars que "le budget moyen d'une région française est inférieur à celui d'un film à grand spectacle, genre Titanic ou Amistad. Pas de quoi mener une action d'envergure".

Cependant, les régions contribuent à préparer l'avenir. Près des deux-tiers de leurs dépenses vont aux investissements à long terme (alors que les dépenses de fonctionnement mangent l'essentiel du budget des départements et des communes). C'est dans le secteur de la formation que leur responsabilité est la plus visible : les régions sont en effet en charge de la construction et de l'entretien des lycées (mais les personnels restent rémunérés par l'Etat) et de la formation profesionnelle des jeunes. Leur compétence s'exerce aussi en matière de transport (pour les liaisons d'intérêt régional) et de plus en plus dans le domaine de l'environnement (exemple des parcs naturels régionaux). Des aides directes ou indirectes au développement économique sont en principe possibles, mais force est de constater que celles-ci sont encore embryonnaires.

Toutefois, le président du Conseil régional peut infléchir l'action de l'Etat sur le terrain. Il signe en effet avec le représentant de celui-ci (le préfet de région) un contrat de plan. L'Etat et les collectivités locales cofinancent ainsi des projets conformes aux objectifs prioritaires du plan national. Parfois combinés avec les aides européennes du FEDER, ces moyens complémentaires permettent aux régions d'influencer leur futur.

Comment est élu un Conseil régional ?

C’est un scrutin de liste à la proportionnelle dans le cadre départemental. Autrement dit, pour une même région, des listes différentes se présentent dans chaque département. Les configurations ne sont pas nécessairement les mêmes d’un département à l’autre au sein d’une même région. Prenons pour exemple les trois départements de la région Poitou-Charente : la “gauche plurielle” va unie à la bataille en Charente-Maritime, mais en Charente, le PRG (radicaux de gauche) fait liste à part; dans la Vienne, c’est une autre composante de la majorité, les Verts, qui n’a pas voulu se retrouver sur la liste menée par un socialiste et qui présente une liste autonome.

Le nombre de liste varie donc selon les départements. Le record toute catégorie va cette année à l’île de la Réunion avec… 22 listes ! En revanche, les électeurs de l’Aveyron, du Cher, de l’Indre ou de la Haute-Loire n’auront à choisir qu’entre quatre bulletins pour ces régionales.

Le nombre de conseillers régionaux attribué à un département dépend de la taille de celui-ci. La Lozère, peu peuplée, n’envoie que trois élus au Conseil régional du Languedoc-Roussillon alors que les habitants du département du Nord élisent 72 conseillers régionaux.

Le scrutin a lieu EN UN SEUL TOUR (cette année le 15 mars). Dans chaque département, les listes ayant obtenu moins de 5 % des suffrages sont automatiquement éliminées de la course. Les autres listes obtiennent un nombre de sièges proportionnel au nombre de suffrages qu’elles ont recueilli. La répartition se fait selon la technique de la plus forte moyenne, qui donne une légère prime aux grandes listes.

Y a-t-il des risques de blocage en cas d’absence de majorité ?

Ce mode de scrutin proportionnel, s’il peut apparaître de prime abord plus “juste” que le scrutin majoritaire, peut assez facilement conduire à une absence de majorité. A la suite des dernières élections, en 1992, dix-huit régions se sont retrouvées sans majorité absolue. Même si certains groupes charnières (écologistes, chasseurs, …) ont permis de constituer a posteriori des coalitions plus ou moins solides, certaines régions ont vu leur budget rejeté, comme l’Ile-de-France en 1997. Dans ce cas, c’est l’Etat, représenté par le préfet, qui administre les comptes de la région.

Cette année, tout laisse prévoir qu'un nombre important de régions pourraient se retrouver dans des situations inextricables. La gauche a beau jeu de dénoncer par avance d'éventuelles alliances entre la droite et le Front national, même si c'est elle qui a choisi le mode de scrutin proportionnel (les premières régionales, en 1986, étaient couplées avec les législatives : toutes deux eurent lieu au scrutin proportionnel, un des objectifs étant de profiter de l'émergence du Front national pour empêcher la droite classique d'obtenir la majorité absolue).

Toutefois, pour éviter que la paralysie ne devienne la règle, le Parlement a adopté en février une réforme visant à rendre plus difficile le rejet du budget régionale. En cas de vote contre le projet de budget, le président du Conseil régional pourra en présenter un autre dans les dix jours. Celui-ci sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure et un projet de budget alternatif sont votés par la majorité absolue des conseillers. Par exemple, dans une région où la droite ne dispose que d'une majorité relative, on imagine mal la gauche et le Front national s'entendre sur un budget de rechange... La réforme ne concerne toutefois que le budget et ne règle en rien le fonctionnement quotidien d'une région ingouvernable. Il est probable que le débat sur la réforme du mode de scrutin ressurgira peu après le vote; un système mixte, combinant prime majoritaire et représentation des listes minoritaires a souvent été envisagé.

Ces élections régionales présentent-elles un enjeu national ?

Il s'agit du premier scrutin qui concerne le pays tout entier depuis les législatives anticipées de mai-juin 1997. Aussi ont-elles dans une certaine mesure valeur de test national. Tout en gardant en tête l'influence des enjeux régionaux et les limites que pourrait imposer à l'interprétation un possible taux de participation médiocre, on pourra les considérer comme un indicateur intéressant. Certaines élections perçues comme "mineures" ont pu révéler des phénomènes qui se sont confirmés par la suite (l'apparition à grande échelle du Front national aux européennes de 1984, l'échec de la gauche et la poussée écologiste aux régionales de 1992 se sont retrouvés dans les urnes aux législatives qui ont suivi).

Ces élections interviennent dans un contexte plutôt favorable pour le gouvernement. La popularité du Premier ministre contraste avec le rejet qu'avait subi son prédécesseur. Malgré une érosion fin 1997-début 1998 (période correspondant au pic du mouvement des chômeurs), sa cote telle qu'elle est mesurée par différents instituts s'est spectaculairement redressée ces dernières semaines. Le phénomène d'union nationale provoqué par l'assassinat du préfet de Corse et les risques de conflit dans le Golfe persique n'expliquent pas tout.

Si la gauche est certaine d'améliorer son score par rapport aux précédentes régionales (1992) où elle avait connu un échec cuisant, l'ampleur de sa progression fait question. Aujourd'hui, seuls le Limousin et le Nord-Pas-de-Calais sont gérés par la gauche. Cette dernière devrait notamment enregistrer une forte poussée dans le Sud-ouest, qui constitue traditionnellement une de ses zones de force.

Mais on suivra surtout de près certaines régions phares dont le basculement pourrait être symbolique. C'est par exemple le cas de l'Ile-de-France où se présentent des leaders nationaux comme Edouard Balladur et Dominique Strauss-Kahn (quoi que ce dernier ait renoncé à la présidence de la région pour pouvoir conserver son poste de Ministre de l'économie et des finances). L'enjeu est certes moindre, mais si l'Auvergne passait à gauche, ce serait un échec cuisant pour l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing. La région PACA (Provence-Alpes-Côte-d'Azur) sera aussi un test. La droite modérée, conduite par François Léotard y affrontera non seulement la gauche, mais aussi un Front national qui se sent "chez lui" dans la région, avec notamment Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret en têtes de liste. Plus largement, la performance du Front national sera examinée de près : dans bien des régions, il pourrait se trouver en position d'arbitre pour l'élection des présidents de conseils régionaux, qui aura lieu vendredi 20 mars (48 heures avant le second tour des cantonales...)

(6 mars 1998)


A quoi sert un Conseil régional ? Comment élit-on ses membres ?
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© Renaud Soufflot de Magny, 1998

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