Le socialisme européen n’existe pas
François Hollande a été bien imprudent dans la
dernière campagne européenne. Le premier secrétaire
du PS français avait
axé tout son discours sur le thème d’une convergence, porteuse
à terme de résultats tangibles, entre les sociaux-démocrates
du Vieux Continent. Les apparences militaient en sa faveur : les partis
membres de l’Internationale socialiste participent au pouvoir dans onze
des quinze pays de l’Union européenne. Parmi les grandes contrées,
seule l’Espagne résiste dans le camp conservateur – en menant au
demeurant une politique aussi modérée que la plupart de ses
vis-à-vis de gauche.
Le dirigeant socialiste français a même cru à son
apothéose lorsqu’il a réuni sur la même estrade, un
beau soir de mai 1999, le gotha du socialisme gouvernemental européen.
Tony Blair, Gerhard Schröder et quelques autres entouraient Lionel
Jospin et François Hollande. Ce soir-là, on pouvait presque
croire que le Parti des socialistes
européens (PSE) existait vraiment Et qu’il allait utiliser le
levier de ses positions institutionnelles pour donner enfin réalité
au slogan de « l’Europe sociale ».
Las, c’était d’abord oublier que les principales composantes
de la social-démocratie européenne n’ont pas une approche
commune des grandes questions économiques et sociales de l’heure.
Le «Pacte européen
pour l’emploi» adopté par le congrès de Milan du
PSE, en mars 1999, est d’une rare indigence. Chacun peut y lire ce qui
lui convient, sur un mode non contraignant.
La réalité des désaccords qui minent le socialisme
européen a éclaté le 8 juin, à quelques jours
du scrutin, avec la publication d’un étrange document. Les chefs
de gouvernement allemand et britannique ont signé un commun un texte
intitulé «La
troisième voie – le nouveau centre», censé développer
leur philosophie politique. Ce libelle, qui porte plus l’inspiration des
théories social-libérales du blairisme que d’une improbable
doctrine de Schröder, appelle les sociaux-démocrates à
abandonner «les dogmes de la gauche et de la droite». Le credo
du New Labour et du Neue SPD est résolument libéral. Il n’est
question que de réduire les dépenses publiques, de libérer
l’énergie des entreprises grâce à la flexibilité
de tous les marchés, de réformer les systèmes de protection
sociale au nom de la responsabilité individuelle…
La droite française n’ose parler un langage aussi cru. La gauche
hexagonale s’est bien gardée de répliquer sur le terrain
idéologique. Ses dirigeants se sont contentés de brandir
leur différence nationale. La gauche est manifestement éminemment
plurielle, selon que l’on regarde à Berlin et à Londres ou
à Paris et à Rome.
Pour couronner le tout, l’Europe rose a subi un sérieux revers
le 13 juin lors des élections au Parlement. Allemands et Britanniques
ont sévèrement sanctionné leurs partis de gauche modernes
– pas forcément pour des raisons idéologiques. Au total,
le PSE
s’est trouvé devancé par les chrétiens-démocrates
du PPE, dont est proche Romano Prodi, le nouveau président de
la Commission. L’ «Europe socialiste» est de plus en plus introuvable.
Eric Dupin, le 16 juin 1999.
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Voir aussi:
BALKANS: QUELLE VICTOIRE POUR L'OTAN
TROIS REMARQUES SUR LE CONFLIT DU KOSOVO
REFLECHIR AUTREMENT A LA GUERRE DES BALKANS
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