Lettre d'analyses politiques

édition du 16 juin 1999 - Rédacteur en chef: Eric Dupin


Le socialisme européen n’existe pas

François Hollande a été bien imprudent dans la dernière campagne européenne. Le premier secrétaire du PS français avait axé tout son discours sur le thème d’une convergence, porteuse à terme de résultats tangibles, entre les sociaux-démocrates du Vieux Continent. Les apparences militaient en sa faveur : les partis membres de l’Internationale socialiste participent au pouvoir dans onze des quinze pays de l’Union européenne. Parmi les grandes contrées, seule l’Espagne résiste dans le camp conservateur – en menant au demeurant une politique aussi modérée que la plupart de ses vis-à-vis de gauche.
Le dirigeant socialiste français a même cru à son apothéose lorsqu’il a réuni sur la même estrade, un beau soir de mai 1999, le gotha du socialisme gouvernemental européen. Tony Blair, Gerhard Schröder et quelques autres entouraient Lionel Jospin et François Hollande. Ce soir-là, on pouvait presque croire que le Parti des socialistes européens (PSE) existait vraiment Et qu’il allait utiliser le levier de ses positions institutionnelles pour donner enfin réalité au slogan de « l’Europe sociale ».
Las, c’était d’abord oublier que les principales composantes de la social-démocratie européenne n’ont pas une approche commune des grandes questions économiques et sociales de l’heure. Le «Pacte européen pour l’emploi» adopté par le congrès de Milan du PSE, en mars 1999, est d’une rare indigence. Chacun peut y lire ce qui lui convient, sur un mode non contraignant.
La réalité des désaccords qui minent le socialisme européen a éclaté le 8 juin, à quelques jours du scrutin, avec la publication d’un étrange document. Les chefs de gouvernement allemand et britannique ont signé un commun un texte intitulé «La troisième voie – le nouveau centre», censé développer leur philosophie politique. Ce libelle, qui porte plus l’inspiration des théories social-libérales du blairisme que d’une improbable doctrine de Schröder, appelle les sociaux-démocrates à abandonner «les dogmes de la gauche et de la droite». Le credo du New Labour et du Neue SPD est résolument libéral. Il n’est question que de réduire les dépenses publiques, de libérer l’énergie des entreprises grâce à la flexibilité de tous les marchés, de réformer les systèmes de protection sociale au nom de la responsabilité individuelle…
La droite française n’ose parler un langage aussi cru. La gauche hexagonale s’est bien gardée de répliquer sur le terrain idéologique. Ses dirigeants se sont contentés de brandir leur différence nationale. La gauche est manifestement éminemment plurielle, selon que l’on regarde à Berlin et à Londres ou à Paris et à Rome.
Pour couronner le tout, l’Europe rose a subi un sérieux revers le 13 juin lors des élections au Parlement. Allemands et Britanniques ont sévèrement sanctionné leurs partis de gauche modernes – pas forcément  pour des raisons idéologiques. Au total, le PSE s’est trouvé devancé par les chrétiens-démocrates du PPE, dont est proche Romano Prodi, le nouveau président de la Commission. L’ «Europe socialiste» est de plus en plus introuvable.

Eric Dupin, le 16 juin 1999.
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Voir aussi:

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TROIS REMARQUES SUR LE CONFLIT DU KOSOVO

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