TROIS REMARQUES SUR LA GUERRE DES BALKANS
L'opinion d'un expert
"Quel est le genre d'humanisme qui exprime sa répugnance
envers la souffrance de victimes militaires en dévastant
l'économie domestiques de ses adversaires pour des décades
?" Ce jugement au vitriol sur l'actuelle intervention de
l'OTAN dans les Balkans est dû à Henry Kissinger,
ancien secrétaire d'Etat américain et prix Nobel
de la paix. C'est une des nombreuses réflexions que lui
insispire ce conflit dans un article de "Newsweek"
clairement intitulé "New World Disorder". La critique
de la diplomatie de l'équipe Clinton "obsessionnellement
conduite par les sondages" et ne traitant, de ce fait, "la
politique étrangère que comme une extension de
la politique intérieure" est féroce. Kissinger
démontre que, tout en aggravant la situation dans les
Balkans, les frappes aériennes auront des conséquences
durables et fâcheuses pour les relations des Etats-Unis
avec la Russie, la Chine... et l'Europe. Un autre adepte du réalisme
diplomatique, l'ancien chancelier allemand Helmut Schmidt, a
également pris une position critique à l'égard
de l'opération lancée par l'Alliance atlantique.
Le "Washington Post" met également en cause
cette "guerre des bonnes intentions" en
critiquant vigoureusement l'amoralité de la conduite réelle
du président.
Le poids des vies humaines
Les exactions serbes ont causé plusieurs milliers des
victimes. Les bombardements de l'OTAN ont fait plusieurs centaines
de morts. Sauf erreur, les militaires occidentaux n'ont eu à
déplorer, jusqu'à présent, que deux décès
par accident d'entrainement.
On ne peut que s'interroger, avec Norman Mailer, sur le choix
d'un type d'opération qui privilégie la vie des
militaires à celles des civils. Dans un article publié
par "Libération" et intitulé "Va-t-en-guerre humanistes", l'écrivain
américain souligne "l'obscénité"
de cette priorité et pointe la rancoeur que "l'oppression"
des bombardements va inévitablement créer.
Le problème, c'est que Bill Clinton semble assumer
avec un beau cynisme ce caractère sacré des vies
américaines qui l'emporte sur la réthorique humanitaire.
"Ce que nous faisons aujourd'hui sauvera des vies, et aussi
des vies américaines, dans le futur", a-t-il bizarrement
déclaré le 31 mai, rapporte le "New York Times". Illustration
de ce principe de sauvegarde nationale: alors que les trois-quarts
des raids aériens sont américains, le président
des Etats-Unis a annoncé que "l'écrasante
majorité" des troupes qui pourront être envoyées
au sol pour rétablir la paix au Kosovo seront européennes...
Les malheureux sont méchants
"Milosevic est tétu comme un âne rouge",
aurait confié Jacques Chirac. "C'est l'escroc le
plus rusé des Balkans", juge Warren Zimmermann, ambassadeur
des Etats-Unis dans l'ancienne Yougoslavie. D'autres le décrivent
comme un "menteur pathologique" et comme quelqu'un
dénué de tout sens moral et uniquement préoccupé
de "maximiser son propre pouvoir". Il est vrai que
sa vie est une suite de reniements et de trahisons guidés
par l'intelligence opportuniste.
S'il doit comparaître devant le Tribunel pénal
international, ses avocats plaideront peut-être classiquement
l'enfance malheureuse du tyran serbe. Son père s'est suicidé
quand il avait 19 ans, sa mère a fait de même lorsqu'il
atteignait la trentaine. Le suicide d'un de ses oncles complète
ce tableau macabre. La biographie de CNN précise encore que
l'influente femme de Milosevic, Mirjana Markovic, a également
connu une jeunesse dramatique. Résistante, sa mère
a été assassinée par ses compagnons d'armes
qui lui reprochaient d'avoir parlé lors de son arrestation
par la Gestapo.
Eric DUPIN, le 2 juin 1999
Voir aussi: REFLECHIR AUTREMENT A
LA GUERRE DES BALKANS
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