Lettre d'analyses politiques
édition du 2 juin 1999 - Rédacteur en chef: Eric Dupin

TROIS REMARQUES  SUR LA GUERRE DES BALKANS

L'opinion d'un expert

"Quel est le genre d'humanisme qui exprime sa répugnance envers la souffrance de victimes militaires en dévastant l'économie domestiques de ses adversaires pour des décades ?" Ce jugement au vitriol sur l'actuelle intervention de l'OTAN dans les Balkans est dû à Henry Kissinger, ancien secrétaire d'Etat américain et prix Nobel de la paix. C'est une des nombreuses réflexions que lui insispire ce conflit dans un article de "Newsweek" clairement intitulé "New World Disorder". La critique de la diplomatie de l'équipe Clinton "obsessionnellement conduite par les sondages" et ne traitant, de ce fait, "la politique étrangère que comme une extension de la politique intérieure" est féroce. Kissinger démontre que, tout en aggravant la situation dans les Balkans, les frappes aériennes auront des conséquences durables et fâcheuses pour les relations des Etats-Unis avec la Russie, la Chine... et l'Europe. Un autre adepte du réalisme diplomatique, l'ancien chancelier allemand Helmut Schmidt, a également pris une position critique à l'égard de l'opération lancée par l'Alliance atlantique. Le "Washington Post" met également en cause cette "guerre des bonnes intentions" en critiquant vigoureusement l'amoralité de la conduite réelle du président.

Le poids des vies humaines

Les exactions serbes ont causé plusieurs milliers des victimes. Les bombardements de l'OTAN ont fait plusieurs centaines de morts. Sauf erreur, les militaires occidentaux n'ont eu à déplorer, jusqu'à présent, que deux décès par accident d'entrainement.

On ne peut que s'interroger, avec Norman Mailer, sur le choix d'un type d'opération qui privilégie la vie des militaires à celles des civils. Dans un article publié par "Libération" et intitulé "Va-t-en-guerre humanistes", l'écrivain américain souligne "l'obscénité" de cette priorité et pointe la rancoeur que "l'oppression" des bombardements va inévitablement créer.

Le problème, c'est que Bill Clinton semble assumer avec un beau cynisme ce caractère sacré des vies américaines qui l'emporte sur la réthorique humanitaire. "Ce que nous faisons aujourd'hui sauvera des vies, et aussi des vies américaines, dans le futur", a-t-il bizarrement déclaré le 31 mai, rapporte le "New York Times". Illustration de ce principe de sauvegarde nationale: alors que les trois-quarts des raids aériens sont américains, le président des Etats-Unis a annoncé que "l'écrasante majorité" des troupes qui pourront être envoyées au sol pour rétablir la paix au Kosovo seront européennes...

Les malheureux sont méchants

"Milosevic est tétu comme un âne rouge", aurait confié Jacques Chirac. "C'est l'escroc le plus rusé des Balkans", juge Warren Zimmermann, ambassadeur des Etats-Unis dans l'ancienne Yougoslavie. D'autres le décrivent comme un "menteur pathologique" et comme quelqu'un dénué de tout sens moral et uniquement préoccupé de "maximiser son propre pouvoir". Il est vrai que sa vie est une suite de reniements et de trahisons guidés par l'intelligence opportuniste.

S'il doit comparaître devant le Tribunel pénal international, ses avocats plaideront peut-être classiquement l'enfance malheureuse du tyran serbe. Son père s'est suicidé quand il avait 19 ans, sa mère a fait de même lorsqu'il atteignait la trentaine. Le suicide d'un de ses oncles complète ce tableau macabre. La biographie de CNN précise encore que l'influente femme de Milosevic, Mirjana Markovic, a également connu une jeunesse dramatique. Résistante, sa mère a été assassinée par ses compagnons d'armes qui lui reprochaient d'avoir parlé lors de son arrestation par la Gestapo.

Eric DUPIN, le 2 juin 1999

Voir aussi: REFLECHIR AUTREMENT A LA GUERRE DES BALKANS
















 

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