Lettre d'analyses politiques

édition du 8 juin 1999 - Rédacteur en chef: Eric Dupin

Balkans: quelle victoire pour l'OTAN ?

A l'heure où les bombardements semblent devoir cesser sous peu dans les Balkans, après douze semaines de frappes, peut-on vraiment parler de victoire de l'OTAN ? La question est légitime aux yeux de ceux qui se méfient, par principe, de la prégnance des propagandes en temps de guerre. Un phénomène classique, qui n'épargne nullement les démocraties, et qu'analyse le site "Gridlock & Load". Les mauvais esprits se moqueront des commentateurs à géométrie variable qui ont applaudi l'intervention militaire de l'Alliance à ses débuts, avant de la condamner lorsque ses résultats apparaissaient plus qu'incertains, avant de la féliciter au moment de l'accord du 3 juin...
C'est, en définitive, sur le terrain de l'application concrète du "plan de paix" que l'on jugera du bilan de l'action militaire entreprise par l'OTAN. En attendant, il semble s'agir plus d'une défaite de Slobodan Milosevic que d'un triomphe de l'Alliance atlantique. La comparaison des textes de l'accord de Rambouillet et de celui du 3 juin accepté par les Yougoslaves n'incite pas à conclure à une pure et simple capitulation de Belgrade. Le plan de paix arraché par les envoyés européen Martti Ahtisaari et russe Viktor Tchernomyrdine est autrement plus flou que le document minutieux élaboré à Rambouillet. Certes, les forces serbes sont, cette fois-ci, sommées de quitter le Kosovo beaucoup plus rapidement qu'en mars. Mais deux différences vont dans le sens des intérêts yougoslaves. Premièrement, la force militaire internationale de rétablissement de la paix se déploiera "sous l'égide de l'ONU" avec une "participation essentielle de l'OTAN". D'après Rambouillet, c'était directement à l'OTAN qu'il revenait de "mettre en place" une telle force. Deuxièmement, il n'est plus fait allusion au référendum d'auto-détermination du Kosovo en 2002 évoqué en mars. Si Milosevic a bien dû accepter l'essentiel de l'accord de Rambouillet - et la mise sous tutelle internationale de fait du Kosovo - les Occidentaux ont tout de même consenti de réelles concessions. Sans parler de la mention, explicite cette fois-ci, de la démilitarisation de l'UCK.
L'accord du 3 juin, fortement impulsé par les Européens, permet aussi aux Américains de sortir de ce qui risquait de devenir une impasse. Leurs menaces d'intervention terrestre auraient été très difficiles à mettre à exécution, comme l'explique fort bien Michel Tatu dans le numéro de mai de "Perspectives Stratégiques".
Outre-Atlantique, nombreux sont ceux qui regrettent cependant les concessions faites par l'OTAN et qui laissent le "criminel de guerre" Milosevic au pouvoir à Belgrade. Le "Boston Globe" proteste contre ce qu'il appelle "une paix sans honneur". Plus nuancé, le "Los Angeles Times" met en garde ceux qui voient cette intervention comme un modèle pour une nouvelle génération de guerres humanitaires. Pointant "les coûts élevés politiques, financiers et humains" de cette opération (1,4 million d'expulsés pour les Albanais, 10 milliards de dollars de dépenses pour l'Amérique), son commentateur en vient à se demander si le conflit des Balkans ne renforcera pas la tentation isolationniste aux Etats-Unis.

Eric Dupin, le 8 juin 1999.
Voir aussi:

TROIS REMARQUES SUR LE CONFLIT DU KOSOVO

REFLECHIR AUTREMENT A LA GUERRE DES BALKANS
















 

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