Les Municipales

En 1995, elle remportait plusieurs villes, dont Toulon.
Funestes municipales pour l'extrême droite
Le FN de Le Pen et le MNR de Mégret ont eu les pires difficultés à présenter des listes. Orange fait exception.

Par CHRISTOPHE FORCARI

Après avoir annoncé qu'il présenterait plus de 400 listes, le FN ne sera présent que dans 224 villes. Le MNR annonce des candidats dans 398 villes.

 
Le Pen rame et Mégret galère. Trois ans après la scission du Front national, les municipales devaient permettre aux frères ennemis de l'extrême droite de juger de la reconstitution de leur appareil militant. Sans l'avouer, le Mouvement national républicain (MNR), conduit par Bruno Mégret, comme la maison mère Front national ont été obligés de revoir leurs ambitions à la baisse. Les nouvelles règles de la parité et le nombre de candidats requis ont accentué leurs difficultés. Sans parler de choix stratégiques opposés.

Le FN mise plutôt sur les cantonales, élection plus facile pour lui, et le MNR sur les municipales dont il fait un test de son implantation et de sa survie. Après avoir annoncé qu'il présenterait plus de 400 listes, le parti de Le Pen ne sera présent que dans 224 villes. De leur côté, les mégrétistes annoncent des candidats dans 398 villes. Sans compter les cantonales où le MNR claironne sa présence dans 70 % des cantons renouvelables avec 1 318 candidats, devancé par le FN qui compte plus de 1 700 prétendants.

Les deux organisations seraient donc à nouveau en ordre de bataille. Mais depuis le dépôt officiel des listes, elles épluchent soigneusement celles du concurrent, à la recherche de candidatures factices ou extorquées. Souvent avec succès. Dans certaines villes symboles, ni le FN ni le MNR ne sont au départ. Enfin, Bruno Mégret, fidèle à sa stratégie d'alliance avec les droites, a annoncé que son mouvement était présent sur 39 listes d'union, mais la plupart du temps pour fournir les personnes indispensables au bouclage de la liste, sans candidat éligible. Tour de France des petites et grandes misères de l'extrême droite.

Les trous noirs

Ville symbole de la percée de l'extrême droite dans les années 80, Dreux n'intéresse plus le Front. Sa tête d'affiche locale, Marie-France Stirbois, a été priée par son parti d'aller batailler à Nice contre le maire sortant, Jacques Peyrat (ex-FN). Le parti a été incapable de constituer une liste comprenant autant d'hommes que de femmes. Pour ne pas laisser ce terrain en jachère, le MNR présente une liste sur laquelle deux noms au moins semblent litigieux. Jean-Marie Le Pen avait par ailleurs promis de concurrencer partout où cela serait possible les maires sortants MNR. Si le FN à monté des listes à Marignane et à Toulon, il est en revanche absent à Vitrolles. A Carcassonne, les mégrétistes ont dû jeter l'éponge. A Lyon, ils ne seront présents que dans deux arrondissements, alors que le FN est partout. Et les deux partis sont absents à Orléans.

Les «malgré nous»

Enrôlés de force dans la bataille, des candidats «malgré nous» se rebiffent. A Poitiers, la moitié (27) des 53 candidats mégrétistes a écrit au préfet pour se désister. La liste a donc été purement et simplement invalidée. A Poissy (Yvelines), une vingtaine de personnes ont décidé de porter plainte contre le MNR. Après une garde à vue, la tête de liste, Michel Mosnier, devrait comparaître devant le tribunal correctionnel le 11 avril pour «recel de documents obtenus par abus de faiblesse». Le MNR a riposté en déposant plainte contre le commissaire de police de Poissy et le substitut du procureur de Versailles.

La méthode utilisée ne varie guère. Des personnes sont sollicitées pour une pétition contre l'insécurité et se retrouvent candidates. Des plaintes contre le MNR ont également été déposées à Sartrouville et à Bonnières-sur-Seine (Yvelines), en Seine-Saint-Denis et en Moselle. A Valence, trois personnes figurent à la fois sur les listes FN et MNR, et neuf se sont élevées contre leur «inscription de force» sur la liste mégrétiste. A Quimper, «Tous ensemble à gauche» a déposé un recours contre la liste MNR après s'être aperçu qu'une des colistières résidait en Guadeloupe et s'était inscrite par fax, et non en produisant un document administratif authentifié comme l'exige la loi.

Le parti de Jean-Marie Le Pen n'est pas épargné. A Beauvais, la tête de liste mégrétiste, Laurent Isoré, a dénombré neuf personnes inscrites contre leur gré sur la liste FN. A Feurs (Loire), six habitants ont déposé plainte après avoir découvert leur nom sur la liste frontiste. La Licra a également porté plainte contre le candidat FN à Vitry-le-François (Marne) pour inscription abusive d'une dame de 95 ans, troisième sur la liste.

L'union cache-misère

Bruno Mégret, ayant réussi à monter une quarantaine de listes d'union, considère que le «cordon sanitaire» autour de l'extrême droite «est brisé». En fait, ces rassemblements, rarement conduits par le MNR, repêchent surtout des recalés: villiéristes, pasquaïens, RPR déçus, régionalistes de tout poil. Dans deux cas seulement, les mégrétistes annoncent leur participation à des listes RPR-UDF, à Trets et à Lançon-Provence (Bouches-du-Rhône).

Alors que Le Pen avait promis d'exclure ceux qui scelleraient une alliance avec les «félons», certains ont décidé de braver le chef pour monter des listes FN-MNR. C'est le cas à Bezouce (Gard) et à Obernai (Bas-Rhin). Plus curieux, le cas de Narbonne où le FN revendique la conduite d'une liste à laquelle le MNR annonce sa participation. En fait, les deux formations jouent les renforts sur la liste de droite de Jean-Louis Soulié, qui n'appartient à aucune des deux formations.

Le second tour

Côté FN, la stratégie est fixée de longue date. Bruno Gollnisch, son délégué général, avoue sa «lassitude de tendre la main à des gens qui ne la méritent pas. Nous nous maintiendrons là où nous le pourrons. Face à un péril ressenti en commun, je n'exclus pas les fusions, mais cela sera l'exception». Fidèle à une stratégie qui a constitué une de ses divergences avec Le Pen, Mégret ne veut pas, «en cas de triangulaire, pratiquer la politique du pire. Nous sommes prêts à des accords réciproques et équilibrés pour faire battre la gauche». La droite acceptera-t-elle cette main tendue?.


A Lyon, tous les moyens sont bons.
Dans l'agglomération, le FN inclut des retraités dans ses listes. Contre leur gré.

Par OLIVIER BERTRAND

Quatre pensionnaires d'une maison de retraite de Rillieux-la-Pape figurent sur les listes du FN. Ils ont 73 ans, 84 ans, 91 ans et 98 ans. Deux ont porté plainte.

 Lyon de notre correspondant

l y a quelques jours, un monsieur a rendu visite à Alexandrine (84 ans), dans sa maison de retraite de Rillieux-la-Pape (Rhône). Il se disait grand-père, était poli, parlait de ses petits-enfants. Il militait au Front national, mais elle ne le savait pas. Avant de partir, il lui a tendu un papier qu'elle a signé en confiance, sans comprendre ce dont il s'agissait. Ce n'est que quelques jours plus tard, lorsqu'il l'a rappelée pour demander son numéro de carte d'électrice, qu'elle a commencé à s'inquiéter. Elle a prévenu sa fille, qui a découvert que sa mère était inscrite sans le savoir sur une liste du Front national. «A son âge, j'y suis allée doucement pour la prévenir. Quand elle a réalisé ce qu'elle avait fait, elle était paniquée. Nous avons déposé plainte le 6 mars à la gendarmerie.» Depuis, les enquêteurs ont entendu d'autres pensionnaires de la maison de retraite. Quatre figurent sur les listes du FN. Ils ont 73 ans, 84 ans, 91 ans et 98 ans. Deux ont pour l'instant porté plainte.

Punition. Le FN a du mal à remplir ses listes. Ses forces ont été concentrées à Lyon, autour de Bruno Gollnisch, possible dauphin de Le Pen. Pour cela, il a fallu renoncer à de nombreuses villes de l'agglomération, comme Villeurbanne, où les listes ont été refusées, parce qu'elles avaient été complétées avec des militants qui n'avaient pas le droit de s'inscrire. A Rillieux en revanche, Gollnisch tenait à présenter des candidats, pour punir l'ancien leader local du FN, Denis de Bouteiller, parti le premier aux côtés de Mégret. Il s'est converti «divers droite» en 1999, pour faire alliance à Rillieux avec le candidat de l'UDF, Alain Duperré (démissionnaire depuis à la demande de sa famille). Leurs équipes ont fusionné, leurs militants travaillent ensemble et ils présentent une liste commune. Ils espèrent reprendre la mairie, gagnée par le PS en 1995 au terme d'une triangulaire (la droite et l'extrême droite avaient totalisé près de 60 %).

Il y a trois semaines, Bruno Gollnisch reconnaissait que ses militants peinaient à Rillieux pour réunir des colistiers. Avec la désertion de Denis de Bouteiller, qui a entraîné avec lui une bonne partie des militants de l'est de l'agglomération lyonnaise, le FN se retrouve privé de cadres. Sans eux, difficile de recruter. A Rillieux, où le FN faisait encore 26 % en 1995, il a donc fallu passer par les maisons de retraite.

«Humanistes». L'asphyxie FN paraît rassurante, mais, dans l'agglomération lyonnaise, une partie de la droite recycle, en même temps que les anciens frontistes, leurs thèmes et leurs programmes. A Rillieux par exemple, Alain Duperré fait campagne sur l'immigration et l'insécurité. La semaine dernière, un débat organisé dans une salle communale bondée l'opposait à Jacky Darne, le maire socialiste. Questionné sur l'alliance conclue avec Denis de Bouteiller, l'ancien UDF a répondu: «Moi, j'étais un radical valoisien. Nous sommes des humanistes. Chez nous, quand quelqu'un frappe à la porte, on n'a pas l'habitude de le laisser dehors dans son ghetto.»

A Rillieux-la-Pape comme dans le reste de l'agglomération lyonnaise, les militants opposés aux alliances de la droite avec l'extrême droite considèrent que les anciens du Front national mènent la danse dans les listes qui les recyclent. Ils assurent le travail sur le terrain. Même chose lors du débat de Rillieux: les supporters de Duperré étaient en majorité d'anciens frontistes. Les documents de campagne reprennent également les thèmes du FN, son style et son vocabulaire. Cela n'a rien d'étonnant. Les journaux et les tracts sont en effet fabriqués par une petite société, Pixel Graphic, que l'on ne trouve pas dans l'annuaire. Sous ce nom se cache une structure créée par le Front national, la SA Telegone, qui fait depuis 1990 les campagnes du parti. Jusqu'en juin dernier, on trouvait parmi ses actionnaires Bruno Gollnisch, Pierre Vial (chef de file du courant païen au FN puis au MNR) et Thierry Derocles (responsable MNR). Elle contrôlait également à Lyon une librairie d'extrême droite dont le gérant était le patron départemental du Front national jeunesse. Et une maison d'édition qui éditait notamment le nazi belge Léon Degrelle. De Bouteiller est toujours actionnaire de cette société, ainsi que d'anciens FN fraîchement reconvertis «divers droite», candidats dans l'agglomération lyonnaise.

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