Miser sur la réhabilitation et non la punition



Source: La Presse, 16 octobre 1982


L'homme en cage
par

Huguette O'Neil

La cage conventionnelle où l'on enferme les animaux projette l'image d'une boîte dont quatre des six côtés sont composés de barreaux. Pour les êtres humains, le même appareil prend le nom de cellule. Un assemblage de plusieurs de ces boîtes à barreaux devient zoo ou prison selon qu'on les destine à des animaux ou à des hommes. Le propre de la cage ou de la cellule est d'être munie d'une porte qui se verrouille de l'extérieur.

La bête (ou la personne) à l'intérieur de la boîte y est enfermée et à la merci du gardien détenteur de la clé ouvrant la porte sur la liberté. On a vu des animaux, enfermés depuis une longue période, refuser de sortir de leur cage. On a vu des prisonniers, à peine leur sentence de cinq ou dix ans expirée, récidiver pour ne pas avoir à assumer les responsabilités de l'être libre. Ils ne savaient pas comment faire.

Habituellement, on met les animaux en cage parce qu'on (en) a peur et pour les empêcher de s'échapper. On veut les avoir à l'oeil parce qu'ils sont une menace. Un jeune chien vigoureux et enchaîné devient mauvais et, dès qu'on le détache, imprévisible. Les réserves d'énergies accumulées pendant l'immobilisation se déversent souvent en une explosion de violence.

Ordinairement, on met les individus en cellule, en majorité dans la vingtaine, parce qu'on (en) a peur et pour les empêcher de s'échapper. Ls prisonniers, pour leur méfait, doivent recevoir une punition. La société a délégué les juges pour se venger par le biais d'une condamnation plus ou moins longue. Ces derniers sont, d'une certaine façon, aussi prisonniers que les malfaiteurs.

Leur rôle dans les interventions de base est essentiellement négatif. Le prisonnier qui a matraqué un passant pour le voler se fait à son tour matraquer par le juge. De matraquage en matraquage, le juge, pourtant condidéré comme un être sain d'esprit et non violent, d'autorité officielle mutile psychologiquement un pourcentage important de jeunes hommes dans la fleur de l'âge. Culpabilisé, l'individu paralyse. Un mécanisme mental se déclenche et il ne peut plus agir. Non seulement mal agir mais aussi bien agir. Il devient dépendant, soumis, sans initiative ni autonomie. C'est un homme gelé, arrêté. Sous le coup de la sentence, un processus de destruction est enclenché.

La violence qui éclate dans les prisons prend sa source dans des stimulants extérieurs tels que gardiens tyranniques, drogues, alcool, etc. Une montée soudaine de chaleur atmosphérique peut aussi intensifier les pulsions sexuelles et dégénérer en violence.

L'homme en cage, laissé à lui-même et sous l'influence du milieu, est dans un état d'aliénation. Non seulement est-il privé de liberté de mouvement mais, encore plus, il est sans moyen pour se sortir de sa fixation mentale. Entendons, ici, quelqu'un qui pense mal, qui pense le mal, qui pense à mal. Qu'est-ce qui fait la différence entre un honnête citoyen et un criminel? C'est avant tout sa façon de penser. Les mauvaises pensées font mal agir et les bonnes pensées font bien agir.

Une société qui miserait sur la réhabilitation plutôt que sur la punition aurait foi en la capacité de l'homme de changer. Des équipes de professionnels de la santé mentale seraient chargées de réapprendre à penser aux hommes en cage. Les faire passer du négatif au positif en les initiant à une hiérarchie des valeurs dont la plupart n'ont pas la moindre idée. Avant tout, leur donner de la dignité. Après tout, ils ne sont pas des bêtes.





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