Semaine
du 15 au 21 janvier 2007
Lundi le 15 janvier, publication des résultats du sondage
Léger Marketing sur le degré de tolérance des
Québécois, avec la grosse manchette du Journal de
Montréal: "59% des Québécois se disent racistes".
Pendant toute la semaine, on en discutera dans tous les médias.
Deux débats télévisés ont eu lieu en
soirée, le 17 janvier, l'un animé par Paul Arcand
à TVA, et l'autre à Radio-Canada, animé par Julie
Miville-Deschesnes. Dans les deux cas, c'était tellement
émotif qu'on n'a presque rien appris et peu compris: la plupart
du temps, tout le monde parlait en même temps! C'est suite
à ces deux débats que j'ai décidé
d'entreprendre une recherche approfondie sur la question de
l'intégration des immigrants et celle des accommodements
raisonnables. Le 16 janvier, Mario Dumont, chef de l'ADQ, a
publié une lettre ouverte aux Québécois et
Québécoises, qui a été mal reçue
dans le monde journalistique: on a jugé Dumont opportuniste et
démagogue, voire même raciste et xénophobe. Cette
réaction montre bien, à elle seule, ce qui a
caractérisé cette semaine: non pas une analyse
approfondie du problème, mais des attaques contre la personne,
de la dérision, des moqueries... Quant à moi,
étant à la recherche de l'idée que je
développerais dans un éventuel article, et
concentrée sur la lecture du livre de Yolande Geadah, "Femmes
voilées, intégrismes démasqués", j'en
arrive à celle que le problème vient essentiellement de
l'intégrisme religieux, de
quelque origine qu'il soit. Et ne fermons pas les yeux, et n'ayons pas
peur des mots, de nommer les choses par leur nom, c'est surtout
l'intégrisme fondamentaliste musulman qui fait problème,
et les croyances très particulières des juifs
hassidiques.
Et soulignons que les
intégristes musulmans et les juifs hassidiques ne
représentent qu'une infime minorité de leur
communauté respective, et qu'ils créent un malaise non
seulement chez les Québécois en général,
mais chez la majorité des membres de leur propre
communauté. (Voir plus bas, au 3e paragraphe de la semaine du 29
janvier au 4 février 07)
Semaine du 22 au 28 janvier 2007
La question suscite les passions et les journaux sont
débordés de courriels. Cependant, on peut constater que
le niveau de réflexion s'en tient essentiellement, encore,
à l'émotivité, d'autant plus qu'on apprend, le 27
ou 28 janvier, qu'une chanson a été écrite sur les
accommodements raisonnables. Elle circule sur Internet depuis une
semaine, et le "débat" tourne surtout sur le fait que l'auteur
et interprète de cette chanson, "Ça commence à
faire, là", est policier de profession... L'affaire du "policier
chantant" ravive les réactions, qui inondent les journaux et
lignes ouvertes. Alors que l'establishment médiatique traite
l'auteur et sa chanson de "raciste et xénophobe", au moins 80%
de la population (si ce n'est au moins 90%) se dit d'accord avec le
contenu et le message: les "accommodements raisonnables", ça
commence à faire, ça devient déraisonnable dans
plusieurs cas, certains groupes de certaines communautés
culturelles doivent mieux s'intégrer à leur
société d'accueil.
Et ce même 28 janvier, on apprend que le Conseil de la petite
municipalité d'Hérouxville a adopté des "normes de
vie" à l'intention des futurs immigrants désireux de s'y
installer (mais aussi, de s'installer au Québec, l'objectif
étant d'informer clairement et préalablement les nouveaux
arrivants sur la façon dont on vit au Québec, de ce qu'on
accepte et de ce qu'on n'accepte pas comme pratiques. - Mais ce n'est
pas du tout ce que les journalistes comprennent...
Semaine du 29 janvier au 4
février 2007
Elle est marquée par deux sujets: Hérouxville et la
publication d'un sondage sur les intentions de vote des
Québécois aux prochaines élections. Le PQ en prend
un sérieux coup, et le leadership d'André Boisclair est
ébranlé. Les deux dossiers suscitent beaucoup de
réactions, mais c'est pratiquement Hérouxville qui prend
la première place: dès que paraît un article, le
journaliste ou son journal est inondé de courriels,
majoritairement favorables aux élus de la municipalité.
La nouvelle fait le tour du monde: le 28 janvier, on pouvait trouver 5
pages sur Google en cherchant Hérouxville. 3 ou 4 jours plus
tard, on en était à 63!
Graduellement, au cours de la semaine, le discours journalistique, et
surtout le ton de ce discours, commence à changer: au lieu de
faire fi du travail des élus d'Hérouxville et de les
taxer de "morons" et d'ignorants (je dis bien travail, car quand on
examine de près leurs documents et leur site Internet, on se
rend compte qu'une recherche sérieuse a préalablement
été faite et que ces documents, nonobstant quelques
points mineurs, sont de grande qualité), au lieu, donc, de les
ridiculiser et de les tasser dans leur "Québec rural" et
"profond" (entendez reculé), on commence à prendre
beaucoup plus au sérieux ce que les "pro-hérouxvillois"
disent et pensent, sans compter que les appuis viennent non seulement
de partout au Québec et au Canada, mais aussi d'ailleurs dans le
monde.
Le 1er février, un nouveau cas d'accommodement fait son
apparition: des juifs hassidiques ont demandé de ne pas avoir
à faire à une examinatrice pour les cours de conduite, et
la SAAQ a accepté. A son émission, Dominique Poirier a
interviewé 4 personnes à ce propos, et au moins deux
points ont été clairement mis sur la table: ce genre
d'accommodement va à l'encontre du principe
d'égalité des femmes, et la plupart du temps, ces
accommodements problématiques viennent de minorités au
sein d'une communauté, de "minorités de
minorités", comme on les a appelées, qui refusent la
modernité et qui créent des problèmes même
à leur communauté (par exemple, les juifs hassidiques
à l'intérieur de la communauté juive, ou les
intégristes fondamentalistes à l'intérieur de la
communauté musulmane). (Voir le compte rendu de ces entrevues
ici.) Déjà, on peut
constater, avec soulagement, que "les vraies affaires", comme les
appelle Nathalie Collard, commencent enfin à se dire et à
prendre la première place. Mais ce n'est qu'un début, le
débat continue à faire rage et, dans l'ensemble, demeure
toujours au stade émotif, du moins dans ce qu'on peut lire dans
les journaux et sur internet.
A la fin de la semaine, dans La Presse, paraissent trois articles sur
les
Juifs hassidiques, et les nuances continuent à se faire sur ces
petits groupes minoritaires, au sein de plus vastes communautés
culturelles. Voilà un très bon point, qui démontre
que loin d'être racistes et xénophobes parce que nous
osons critiquer certains comportements de certaines minorités de
certaines communautés ethniques, au contraire, nous voulons
mieux comprendre et savoir ce qui les pousse à vouloir
absolument vivre à leur manière et à ne pas
vouloir s'intégrer à notre société. Il
reste, maintenant, à entendre les personnes des
communautés culturelles québécoises qui,
rappelons-le, ne forment pas des blocs monolithiques et sont, elles
aussi, aux prises avec les mêmes problèmes que nous face
à ces demandes. Jusqu'à présent, on les a
très peu entendues, et on n'a peut-être pas entendu les
bonnes personnes, du moins pas les plus représentatives de la
majorité de ces communautés. A titre d'exemple, on a
beaucoup mis en évidence l'imam de la mosquée al-Qods,
Saïd Jaziri, menacé d'expulsion par le gouvernement
canadien. Or, est-il vraiment représentatif de la
communauté musulmane québécoise?
Le 4 février, André Drouin, le conseiller municipal
d'Hérouxville à l'origine de la rédaction des
normes de vie, est l'invité numéro un de
l'émission télévisée "Tout le monde en
parle", dont il est, évidemment, la tête de Turc. Toute
l'émission a tourné autour des accommodements
raisonnables, chaque invité ayant à dire ce qu'il en
pensait. Notons, toutefois, la présence du philosophe
français Pascal Bruckner, qui a présenté la
situation en France et les mesures qui y ont été
instaurées. Ces solutions sont loin d'être
étrangères au "code des normes de vie"
d'Hérouxville, la différence étant dans la
manière de le dire.
Semaine du 5 au 11
février 2007
5 février - Manchette: "La communauté musulmane se
prononce sur les accommodements raisonnables". Je me dis: "Ah! Enfin!
Les communautés culturelles commencent à prendre la
parole!" - Mais c'est pour apprendre que le Congrès musulman
canadien a envoyé une plainte contre Hérouxville
à la Commission des droits de la personne... - Et voici l'huile
sur le feu...
Le même jour, Christiane Charette consacre la première
heure de son émission radiophonique à Hérouxville
et à la pertinence d'avoir invité le conseiller
André Drouin à "Tout le monde en parle". Elle interroge
d'abord l'animateur Guy-A Lepage, puis le journaliste Mario Girard et
l'écrivain Dany Laferrière et, enfin, le journaliste
Patrice Roy. (Lire le compte rendu
ici.)
Le 6 février, Louis Bernard publie son "Playdoyer pour une
commission d'enquête.
7 février, on apprend (sur Canoé) que
Charlie Hebdo
est poursuivi pour "injures publiques envers un groupe de personnes en
raison de leur appartenance à une religion" par la Grande
Mosquée de Paris et l'Union des organisations islamiques de
France (UOIF), deux composantes du Conseil français du culte
musulman (CFCM). Trois dessins sont en cause. La couverture du
numéro du 8 février 2006, réalisée par Cabu
pour
Charlie Hebdo, représentant, sous le titre "Mahomet
débordé par les intégristes",
un prophète soupirant: "C'est dur d'être aimé
par des cons". Le deuxième représente le
prophète coiffé d'un turban d'où sort la
mèche d'une bombe, et le troisième, Mahomet sur un nuage
accueillant des terroristes leur disant: "Arrêtez,
arrêtez, nous n'avons plus de vierges." Les deux
associations reprochent au journal d'avoir pratiqué l'amalgame
entre musulman et terroriste en publiant les caricatures,
commandées initialement par le quotidien danois
Jyllands
Posten. Un amalgame dont s'est défendu avec vigueur
Philippe Val, le directeur de la publication du journal. "Si l'on
n'a plus le droit de rire des terroristes, que reste-t-il comme arme au
citoyen?", s'est-il interrogé. Selon lui, les
caricatures publiées ne portent pas en elles le moindre racisme.
Si tel avait été le cas, son journal, qui lutte contre
toutes les formes de racisme, ne les aurait jamais publiées,
a-t-il assuré. "Lorsque la religion prétend
organiser le collectif et la vie des autres, elle doit faire l'objet de
critiques. Cela fait partie du jeu démocratique", a
martelé Philippe Val dans une salle bondée où le
public était acquis à sa cause. "Ces dessins
s'adressent à des idées, pas à des hommes,
à des idées défendues par des hommes qui
commettent des actes violents", a-t-il rappelé pour
justifier la publication de ces dessins. Publication dont
l'élément déclencheur a été le
limogeage du directeur de
France Soir par son actionnaire
principal pour avoir publié ces dessins. Aux avocats des
associations qui lui ont reproché de mettre de l'huile sur le
feu en publiant les caricatures au mois de février 2006,
Philippe Val a répondu que les démocraties risquaient
plus en cédant au chantage des intégristes. "C'est
alimenter le mépris des extrémistes que d'obéir
à leurs pressions", a-t-il dit. En février
2006, Jacques Chirac avait condamné "les provocations
manifestes" pouvant blesser "les convictions
religieuses". Flemming Rose, rédacteur en chef des
pages culturelles du
Jyllands Posten, a déclaré
à la barre que "le droit de critiquer n'importe quelle
idéologie, qu'elle soit religieuse ou culturelle, est la
clé de la liberté d'expression". Ces dessins
avaient pour but de montrer qu'une "fraction a pris l'Islam en
otage pour commettre des actes terroristes". Et de
reconnaître que les excuses prononcées par le journal
l'ont été "avec un revolver sur la tempe" en
raison des attaques des intérêts danois dans le monde
musulman. Antoine Sfeir, spécialiste du Proche-Orient
cité par
Charlie Hebdo, a déclaré que le
recteur de la Grande Mosquée de Paris, dont il est proche, avait
eu recours à la justice "pour ne pas se faire
déborder par les intégristes". Le soutien de
M. Sarkozy a déclenché la colère de certains
membres du CFCM dont le bureau s'est réuni en urgence dans la
soirée. La Grande Mosquée de Paris et l'UOIF,
auxquelles s'est joint la Ligue islamique mondiale, demandent chacune
30,000 euros (45,000 $ CAN) de dommages et intérêts. - Ce
sur quoi Sarckzy a écrit: "Je préfère
un excès de caricature à une absence de caricature".
(Source: Canoé)
Le 8 février, Jean Charest annonce la création d'une
Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements
reliées aux différences culturelles.
Semaine du 12 au 18 février 2007
Le 11 février, une délégation de femmes musulmanes
se rend à Hérouxville. (Voir le compte rendu dans la
section sur Hérouxville.)
Dans le contexte de la formation de la Commission Bouchard-Taylor et
celui des élections du 26 mars, le dossier des accommodements
est sur la glace. Il le restera jusqu'à l'annonce du
début des consultations publiques, en septembre.
SEPTEMBRE 2007
Début des consultations de la Commission. Parmi les
événements marquants:
20 septembre 2007 - Le maire de Saguenay, Jean Tremblay,
présente un mémoire soutenant que le catholicisme doit
primer sur les autres religions et demandant de redonner sa place
à la religion dans l'espace public, et tient à conserver
la prière au début des séances du Conseil
municipal, et le crucifix qui se trouve à l'Hôtel de
ville...
23 septembre 2007 - Suite au mémoire du maire
Tremblay, branle-bas de l'Eglise catholique à Chicoutimi
(Saguenay): une messe spéciale a été
célébrée, dimanche soir, à l'église
du Christ-Roi, pour que la religion catholique reprenne partout
(écoles, hôpitaux, Parlement, entreprises...) sa place.
Jacques Tremblay,
agent de pastorale à la
paroisse Sacré-Coeur et initiateur de la
cérémonie, déclare publiquement ceci:
"Ce
n'est pas pour rien qu'on fait cette célébration dans
l'église du Christ-Roi: c'est que le Christ est roi, et il doit
régner dans tous les secteurs de l'activité humaine, et
ça comprend le secteur politique, le secteur social, le secteur
économique, tous les secteurs doivent être sous la
seigneurie du Christ."
COMMENTAIRE: Que d'huile sur le feu! Remplacez Christ par Allah, et on
frise une nouvelle guerre de religions!!