Les Municipales
Savoir plus
A la frontière entre la droite et l'extrême droite
Pas mal de trouble-fête vont peser de tout leur poids sur
les résultats du scrutin, nuire à la droite et récupérer
certaines voix d'extrême droite.
Ainsi, le «souverainiste» Charles Pasqua prend un malin plaisir à de nouveau
mettre des bâtons dans les roues de ses ex-amis du RPR.
A Paris, son Rassemblement pour la France (RPF) fait cause commune
avec le dissident Jean Tiberi et présente avec lui des
listes dans tous les arrondissements. En province aussi, les troupes
de l'ex-ministre de l'Intérieur pourraient faire des dégâts
à droite. A Toulon par exemple, l'ex-préfet Jean-Charles
Marchiani, crédité de quelque 20 pc des voix, pourrait
arbitrer le second tour.
A Lyon, l'ex-ministre Charles Millon,
exclu de l'UDF en 1998 pour s'être allié avec le
Front national afin d'accéder à la présidence
du Conseil de la Région Rhône-Alpes, tente son come-back
politique local après avoir été détrôné
de son perchoir régional. Millon, qui s'est vaguement excusé
pour son «erreur politique» de 1998, a réuni
sur une liste dissidente, outre ses fidèles, des transfuges
de l'UDF et du RPR et des héritiers de l'ex-maire Michel
Noir. Jadis considéré comme quantité négligeable
par ses adversaires, il est à présent crédité
de quelque 18 pc des suffrages au premier tour. Si tel est le
cas et s'il ne retire pas ses listes au second tour, le candidat
officiel de la droite, l'UDF Michel Mercier, devra s'incliner
face au sénateur socialiste Gérard Collomb. De beaux
marchandages en perspective.
(AFP)
Qui l'a oublié? Les résultats de l'extrême droite ont constitué un des éléments marquants des élections municipales françaises de 1995. A l'échelle du pays, le Front national alors uni de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Mégret n'a certes récolté qu'un modeste 3,6 pc des voix. Mais il a multiplié par trois le nombre de ses élus municipaux, décroché plus de 30 pc de suffrages dans une dizaine de villes et arraché trois mairies dont celle de Toulon, cité de plus de 100.000 habitants. Deux ans plus tard, Vitrolles tombait à son tour dans l'escarcelle du couple Mégret. Et au lendemain des élections régionales de 1998, conforté dans son enracinement, le FN plongeait la droite démocratique UDF-RPR dans une profonde crise après que, au niveau de plusieurs Conseils régionaux, celle-ci se fut compromise avec lui dans des alliances indignes.
TOULON ET VITROLLES «PRENABLES»
Aujourd'hui, l'extrême droite paraît avoir mangé son pain blanc. La guerre à mort entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret et les ennuis judiciaires à répétition du chef historique du FN ont dérouté ses électeurs. L'audience grandissante dont bénéficient les «souverainistes» à la Pasqua-Villiers lui a également coûté des millions de suffrages. La gestion souvent lacunaire des villes conquises en 1995 a achevé de saper la crédibilité de ce mouvement auprès de ses fidèles.
Du coup, pour la droite «ultra», ces municipales apparaissent comme le scrutin de tous les dangers. Encore qu'il faille nuancer.
Toulon pourrait effectivement être reprise par les partis démocratiques. De l'avis général, après six ans de gestion lepéniste, la vitrine du FN n'est plus que l'ombre d'elle-même, accablée notamment par le chômage et la fuite de ses habitants. Plusieurs fois mis en examen pour malversation, le maire Jean-Marie Le Chevallier (ex-FN, soutenu aujourd'hui par Mégret), élu en 1995 avec 37 pc des suffrages, aura fort à faire pour s'imposer face au sénateur libéral Hubert Falco, à la députée fabiusienne Odette Casanova, voire au tribun pasquaien Jean-Charles Marchiani. Il n'est même pas sûr que le maire sortant franchira la barre des 10 pc, accès au second tour.
A Vitrolles également, l'extrême droite n'en mène pas large. Élue avec 57 pc des voix au second tour en 1995, la maire sortante, Catherine Mégret, qui avait remplacé son mari au pied levé lorsque celui-ci avait été frappé d'inéligibilité, devrait arriver en tête au premier tour, malgré sa condamnation à la prison avec sursis pour discrimination. Mais si l'on en croit les sondages, dans tous les cas de figure, elle devrait être battue au second tour par la gauche «plurielle».
PROFIL BAS. MAIS GAGNANT?
On ne peut en dire autant d'Orange. En effet, hormis une véritable épuration du tissu associatif local, le maire sortant Jacques Bompard (FN) pas mauvais gestionnaire dit-on, omniprésent sur le terrain surtout, s'est gardé de toute provocation puis a habilement mis son étiquette extrémiste au vestiaire. Du coup, lui qui n'avait été élu que de justesse en 1995 est aujourd'hui en position de force, d'autant que, dans le camp d'en face, les partis démocratiques se déchirent. La popularité de Bompard est telle à Orange qu'il n'est même pas sûr qu'il soit battu au second tour par un front commun droite-gauche, à supposer que ce front voie le jour.
A Marignane tout autant, il n'est pas impossible que l'extrême droite ait encore de beaux jours devant elle. En effet, le maire sortant Daniel Simonpiéri (ex-FN passé au MNR de Mégret) fait figure de favori et tire profit lui aussi d'une opposition divisée, complètement incapable de former un front républicain contre lui. Confiant, Simonpieri n'exclut pas de retrouver son fauteuil dès le premier tour. Comme Bompard, il a mis ses slogans extrémistes en veilleuse afin de ratisser large n'apposant même pas le logo de son parti sur ses affiches.
Et si, après une période tapageuse, l'extrême droite française se sauvait d'un naufrage annoncé grâce à une certaine discrétion et un vernis de respectabilité?
© La Libre Belgique 2001