QUAND LA SOCIÉTÉ ET L'ÉTAT SONT VALEURS ABSOLUES

 

par Nick R.

 

Depuis le temps où Reagan et Tatcher, régnant sans conteste sur le monde, influençaient par leurs politiques ultra-conservatrices, jamais un vent aussi fort, venant de la droite, ne c'était levé sur l'Amérique du Nord.

 

Bien sûr, au début, ce n'est pas l'élection d'un Ralph Klein en Alberta et la montée du Reform Party sur la scène fédéral qui allait nous placer sur un pied d'alerte. Tout ça, c'était dans l'ouest, chez les "Rednecks", où la tradition est loi.

 

Récemment, ce sont les deux principaux partenaires commerciaux du Québec, les États-Unis et l'Ontario, qui sont tombés entre les mains de majorités parlementaires issues de la droite la plus radicale. Dorénavant, "l'ordre et la morale remplaceront le chaos"(Newt Gingrich).

 

Une mentalité et une éthique bien particulière caractérisent ce mouvement réactionnaire: le progrès et l'épanouissement de l'humain résident dans l'ultralibéralisme et le libre-marché le plus sauvage. D'autres idées caractérisent aussi bien ce courant: refus de reconnaître aux homosexuels les mêmes droits et privilèges que les hétérosexuels; refus d'aider les gens, pour qui, peu importe la raison, ne peuvent participer à la vie économique; refus de reconnaître à la femme le droit de contrôle sur son système reproductif; refus de continuer à subventionner les programmes favorisant l'embauche de minorité culturelle ou religieuse; volonté de sacraliser nos sociétés et volonté de faire de la peine de mort, une pratique à nouveau courante.

 

C'est pourquoi je crois qu'il est important de se prononcer clairement, sans ambiguïté, sur ce débat qui va sans doute se déplacer ici, au Québec. Car, c'est quand notre conscience est soigneusement endormie que nous tolérons ce genre d'injustice, d'horreur et de misère.

 

Ce plaidoyer contre la peine de mort ne vient pas d'un coeur sensible, mais bel et bien d'un être de raison, pour qui, la dignité humaine est quelque chose de fondamentale. Ce n'est pas un problème de statistiques et de moyens, mais de sentiment et de morale (ici, de destruction morale). Je suis révolté par le conservatisme passif et l'entêtement doctrinal de nos élus.

 

Comment peut-on encore croire que nous vivons en démocratie, quand nous savons bien que nous vivons dans une économie et dans un système où la peine de mort pourrait être bientôt rétablie? En fait, si elle l'était, ce ne serait qu'une obscure institution, digne d'un régime totalitaire.

 

Comment une société qui se dit démocratique, peut-elle ainsi détruire les libertés, principes qui sont à son fondement propre? On ne pourrait tolérer que les lois étatiques fassent d'une honteuse pratique, digne de la bestialité la plus basse, une institution de justice.

 

Bien sûr, un des principaux arguments avancés, par les défenseurs de la peine de mort, est son exemplarité et son pouvoir d'intimidation sur les assassins potentiels. C'est à se demander pourquoi, lorsque un détenu est tué, son exécution est-elle cachée et dissimulée. Si on voulait vraiment en faire un exemple, elle nous serait diffusée. Mais non! Au lieu, elle est de plus en plus étouffée et discrète. Pourquoi? Parce qu'elle est honteuse, voilà tout. Montrez ce que c'est cette loi du sang aux honnêtes gens et ils la vomiront.

 

Il est prouvé que sa vertu exemplaire est un mythe puisque personne n'a pu prouver que des milliers d'exécutions ont empêché un seul meurtre, et en revanche, que l'abolition de la peine de mort n'a pas entraîné de recrudescence des meurtres. Donc, dire que maintenir ou appliquer ce supplice c'est empêcher la prolifération du crime est un mensonge.

 

Mais alors, pourquoi applique-t-on la peine de mort? N'est-ce pas alors purement qu'un acte de vengeance froid et irréfléchi, comme la loi du talion? Car, pour punir d'une peine absolue, la culpabilité doit aussi être absolue. C'est donc dire que la société est absolument innocente, ce genre d'absolue n'existe pas.

 

L'individu n'est pas une entité abstraite parce que la société n'est pas une réalité indépendante. Il y a une implication réciproque du collectif et de l'individu. Donc, charger un de ses membres d'une responsabilité entière est absurde. L'acte d'un homme n'est jamais absolu. Il comporte plusieurs déterminants extérieurs à l'individu qui le relativisent et le conditionnent en partie.

 

Je mets ici l'État en accusation: alcoolisme, problème de logement, analphabétisme et chômage sont tous des problèmes fréquemment retrouvés chez une très grande majorité des condamnés à mort. Quelle société n'a pas sa part de culpabilité dans les crimes qu'elle châtie?

 

Il est alors absurde que le droit de punir soit donné à ceux-là même qui sont, en grande partie, responsable du problème et qui, en plus, subventionnent les brasseurs de bière au lieu d'aider ses membres. Quand l'État sème l'alcool, il ne faut pas s'étonner qu'il récolte le crime.

 

Bien sûr, la peine de mort n'est pas une nouvelle pratique. Elle a existé dans plusieurs sociétés. Mais dans une société sacrale, elle n'avait pas du tout le même sens: il ne s'agissait pas du jugement dernier, puisque législateur, juge et condamné croyaient à la vie éternelle, à l'immortalité de l'âme et en dieu. Pour eux, la peine de mort était légitime puisque seul dieu décide vraiment du sort des individus.

 

Toutefois, dans une société qui se dirige vers la laïcisation de ses institutions et où la science est de plus en plus capable d'expliquer et d'interpréter notre univers (n'aller pas croire non plus que je suis du style "point de salut en dehors de la science"), ces croyances et ces dogmes deviennent ridicules, absurdes et dépourvus de sens métaphysique.

 

Ainsi, pour remplacer dieu, l'État s'est proposé comme fin ultime. C'est donc contre l'État, en tant que fin, qu'il faut se défendre. Cela veut aussi dire refuser l'État et la société comme étant des valeurs absolues, au nom desquelles, l'État s'autorise le droit de légiférer définitivement et à produire l'irréparable.

 

Je ne veux rien savoir d'une société où ma personne devient un objet, livrée à une société divinisée, et qui est juge suprême de mon destin. J'aime encore croire que je suis libre...

 

De plus, pour condamner à mort, il faut savoir ce qu'est la mort. Sinon, c'est commettre un acte sans en connaître les conséquences. Est-ce être livré au néant ou être condamné à dieu? Refuser la peine de mort, c'est aussi rappeler à l'État républicain, sa neutralité métaphysique.

 

Dans nos sociétés, une loi trouve sa justification dans le bien qu'elle fait ou ne fait pas à la société... et c'est en fonction de ce principe que je rejette cet acte barbare. Une société qui utilise cette pratique se déshonore et s'affaiblit.

 

Pourquoi donc tuer un homme pour ses actes? Est-ce que la privation de liberté et la perte de dignité ne sont-elles pas suffisantes? J'en conclus que non. Je peux comprendre. La liberté et la dignité humaine sont tellement des valeurs fondamentales et respectées dans notre magnifique système où le mot humain n'est rien.

 

C'est donc une grave injustice à laquelle je vous demande de vous opposer. Cette odieuse atteinte contre l'homme doit arrêtée. On parle ici d'un meurtre raisonné, administratif et admis! L'indifférence ne se justifie plus. Il faut arrêter ce cancer qui semble se généralisé partout en Amérique du Nord. C'est un devoir, pour toute personne, pour qui la dignité humaine le concerne, de résister à ce raz-de-marée qui vient de la droite! Dénoncer la peine de mort ne se fait toutefois pas sans incriminer le présent système. Il faut donc le convertir à l'humain.

 

Ce sujet met ici en cause plusieurs facteurs importants: la religion; la métaphysique; les lois et les moeurs; et une révision des idées reçues par les préjugés et l'inconscient. Mais pour moi, c'est décidé: la peine de mort est jugée condamnée sans appel... reste à obtenir, et au besoin, exiger l'exécution.

 

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