Québec : « Mariage et société », message du Cardinal Ouellet
CITE DU VATICAN, Dimanche 23 janvier 2005 (HYPERLINK "http://www.zenit.org" ZENIT.org§)
Le Gouvernement du Canada a annoncé son intention de présenter un projet de loi dès
le début de la prochaine session pour changer la définition traditionnelle du mariage » :
dans ce message, intitulé « Mariage et société », le cardinal Marc Ouellet, archevêque
de Québec et primat du Canada, invite les catholiques à un « Pour un vote libre et éclairé
à la chambre des communes ».
Nous le publions ci-dessous in extenso étant donné son importance.
Mariage et société
Le Gouvernement du Canada a annoncé son intention de présenter un projet de loi dès
le début de la prochaine session pour changer la définition traditionnelle du mariage.
Ce projet inclurait les partenaires de même sexe dans le même cadre juridique que le
rapport conjugal entre un homme et une femme.
En tant que citoyen canadien et Primat du Canada, je tiens à exprimer mon inquiétude
et mon désaccord ainsi que ceux d'un grand nombre de canadiennes et de canadiens qui
me prient d'intervenir pour faire valoir leur opinion sur la signification et les
conséquences d'un tel changement.
Ébranlé par la forte opposition au projet de loi de juin 2003, le gouvernement libéral
de Monsieur Jean Chrétien soumit le libellé d'une nouvelle définition civile du mariage
à la Cour suprême du Canada qui le déclara compatible avec la Constitution canadienne
le 9 décembre 2004. L'avis unanime de la Cour suprême est certes d'un grand poids dans
l'opinion publique, mais il importe de dissiper la confusion entourant sa portée.
La responsabilité de légiférer relève du parlement fédéral, auquel revient la décision
d'adapter le cadre législatif régissant le mariage civil à l'évolution culturelle et
sociale de la société canadienne.
Contrairement à l'interprétation courante des médias, cet avis de la Cour suprême n'a
donc pas force de loi et n'a encore rien changé au cadre juridique. Il revient au
parlement de décider sur ce sujet de très haute importance pour l'avenir de notre
société et de ses valeurs fondamentales. Les juges de la Cour suprême, le plus haut
tribunal de notre pays, l'ont reconnu explicitement en refusant de répondre à la
quatrième question proposée par le gouvernement actuel « La définition du mariage en
droit civil, c'est-à-dire l'union de deux personnes de sexe opposé, est-elle conforme
à la Charte ?
Faut-il changer la définition du mariage dans le contexte actuel de la société canadienne,
et reconnaître le droit au mariage aux personnes d'orientation homosexuelle qui le désirent ?
Le débat sur cette question ne fait que commencer. Je souhaite qu'il soit précis et sérieux
pour que les parlementaires puissent voter en toute liberté, avec une conscience éclairée
sur les enjeux et les implications d'une telle législation.
Depuis l'adoption des diverses chartes concernant les droits et libertés, un mouvement
d'opinion s'est développé de façon concertée et continue. Il fait pression pour bannir
toute discrimination à l'égard des personnes d'orientation homosexuelle. Ce changement
de mentalité favorise l'accueil et le respect de leurs droits de même que leur égalité
de traitement dans la société. Ces personnes ont souffert de certaines injustices qui
ont été en grande partie corrigées, et un nouveau climat culturel facilite désormais
leur vie en société. Il existe déjà dans certaines provinces la forme juridique de
l'union civile qui garantit aux personnes d'orientation homosexuelle certains bénéfices
sociaux et patrimoniaux. Ce cadre juridique protège leur droit.
Ce constat étant fait et accepté, nous atteignons maintenant un seuil critique dans
l'évolution sociale et culturelle à ce sujet et il faut réfléchir très sérieusement
avant de le franchir. Le changement proposé touche l'institution la plus fondamentale
et la valeur première de la société : le mariage et la famille, réalités présentes
dans l'histoire humaine avant toute forme d'État et de loi. En effet, procéder à un
tel changement signifierait dénaturer l'institution du mariage en méconnaissant deux
de ses finalités essentielles : la procréation et l'éducation des enfants, dans le
contexte de l'amour d'un homme et d'une femme qui assure l'avenir de la société.
L'union des personnes de même sexe ne peut pas apporter cette contribution essentielle
à la société, faute de cette complémentarité proprement conjugale qui définit
l'institution du mariage. Vouloir inclure deux réalités si différentes sous une même
catégorie juridique signifie méconnaître leur essence et même fausser le sens des mots
qui doivent désigner la réalité objective et non ajuster cette réalité à nos désirs.
Quant à l'éducation des enfants, les situations familiales sont très variées dans notre
société. Ceci n'empêche pas la majorité de rester convaincue que l'enfant bénéficiant de
la présence et de l'interaction éducative d'un père et d'une mère est grandement aidé
dans son processus de croissance. La loi n'a pas à affirmer qu'un autre modèle de couple
serait aussi valable pour soutenir cette croissance. Car ceci équivaudrait à opérer une
discrimination entre une catégorie d'enfants qui ont droit à l'éducation d'un père et
d'une mère et une autre catégorie d'enfants qui n'y auront pas droit. Dans l'esprit de
la Charte des droits et libertés, l'avenir des enfants doit demeurer une priorité.
Même au risque d'être jugé «politiquement incorrect», je rappelle qu'un tel projet de
loi heurte le sens moral et la sensibilité religieuse d'un grand nombre de citoyennes et
de citoyens, catholiques ou non catholiques. En effet, beaucoup de chrétiens ainsi que des
personnes d'autres traditions religieuses jugent moralement inacceptable l'union de
personnes de même sexe, même s'ils s'abstiennent de les juger.
De plus, on ne peut sous-estimer l'impact éducatif d'une telle législation qui aurait
comme effet de semer la confusion, entre autres chez les jeunes, et de troubler la
conscience des personnes. Nous ne devons pas oublier que chaque loi est l'expression
de valeurs partagées qui façonnent la culture d'une société. Les responsables du cadre
législatif ne peuvent l'ignorer.
Nous sommes donc à un tournant dans l'évolution de la société canadienne et le projet
de loi annoncé prépare rien de moins qu'un bouleversement culturel aux retombées encore
imprévisibles. La forte réaction de la population face à ce projet de loi indique que
le bon sens a encore de bonnes chances de triompher. La décision politique à prendre
dans les circonstances est de re-confirmer la définition traditionnelle du mariage qui
est «l'union légitime d'un homme et d'une femme à l'exclusion de tout autre personne».
La question qui se pose à la société canadienne est la suivante : Voulons-nous écarter
la définition universelle du mariage qui reflète la nature des choses, le sens commun de
la population, la tradition judéo-chrétienne et la sagesse des grandes religions ? Le choix
à faire peut entraîner des conséquences amères et regrettables sur les plans démographique,
social, culturel et religieux. Les membres du Parlement sont responsables de servir l'intérêt
public en votant selon une conscience éclairée. Qu'un véritable débat de société nous
aide à voir clair et à choisir en toute lucidité.
Marc Cardinal Ouellet Archevêque de Québec et Primat du Canada -- 22 janvier 2005
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