PAPERS-ARCHIVES

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SCENES "BACHIQUES" DE FRED BOURLARD

(Le Soir -janvier 1974)

Il y a une tradition de le fête bachique dans la peinture, de Jordaens à Picasso. Le vieux maître hispano-parisien avait un faible pour les scènes tumultueuses où divinités et mortels des deux sexes sont réunis au banquet de la vie. Nombre de ses planches gravées furent inspirées par cette animation païenne, comme, si l'illustration de l'ivresse faisait obstacle aux forces du silence et de la mort.

A la galerie Racines (rue Ravenstein, 34), Fred Bourlard expose une trentaine d'œuvres au graphisme emporté plein de nœuds et de tourbillons, il prend, dans le filet de son trait volontaire et baroque, les rois maudits, les vierges folles, Ulysse, Platon, Salomon et Sardanapale, le tout agité dans un climat de fête bachique.

Paul Caso

 

 

ACTUALITE DES BEAUX-ARTS

(Echo de la Bourse -janvier 1974)

Les toiles de FRED BOURLARD sont assez déconcertantes. Tantôt sur fond noir, tantôt sur fond clair, elles présentent un enchevêtrement de personnages nés de la fantaisie désinvolte d'un graphisme qui doit beaucoup à Picasso. Autant le trait est échevelé, sinueux, autant la couleur est contrôlée, réservée. Beaux tons de miel et d'olive, de rose et de cyclamen, étendus sans souci du contour des personnages, et créant seulement des zones monochromes où l'œil s'attarde un instant apaisé. Le sujet chez Bourlard a peu d'importance. Celui-ci mêle les rois maudits aux portraits de famille, Ulysse et Salomon, Sardanapale et le massacre des innocents. On se culbute, on se chevauche, on se soulève par un pied, on se tape sur la figure, avec une sorte de grandeur tragique qui tient à la fois de "Guernica" et de l'Odyssée. L'artiste ne s'essouffle point. Il y a en ce qu'il fait un ton attique et, en même temps, une sorte de fièvre dionysiaque. Ce n'est pas l'œuvre du premier venu. (Galerie "Racines", 34 rue Ravenstein jusqu'au 5 février.)

Stéphane Rey

 

DE LA BIBLE A "MIRA"

(Pourquoi Pas?- 11 novembre 1976)

Art magique? N'est ce pas le mot qu'on est tenté de prononcer devant ces évocations linéaires, dans lesquelles plusieurs se complurent à voir une parenté avec Picasso de l'époque mythologique? Encore qu'elles soient différentes dans l'intention, j'y verrais plutôt un cousinage avec l'univers de Klee.

Fred Bourlard manie avec bonheur différentes techniques dont plusieurs sont de son invention. Il travaille notamment ses dessins sur fond sombre, à la paraffine. Sur ces surfaces noires ou sépia, les personnages, parfois soutenus d'un peu de teintes fluides, se détachent de façon presque fantomatique.

Le graphisme est simplifié à l'extrême. Le trait sinueux chemine, donnant naissance à des formes entrelacées dans des attitudes rappelant ici le combat, là-bas l'amour.

Ses sujets? Souvent ils sont mythologiques ou bibliques. Nous restons donc dans le domaine mythique que suggère cette technique propre à évoquer non pas des personnages identifiables, mais des êtres-symboles.

Sont-ils plus individualisés en des sujets comme MIRA qui sont des mythes de notre temps? Ou lorsque le cirque (cet autre défi au "deux plus deux égale quatre") est appelé à la rescousse?

Il serait incongru de rapprocher tout cela de l'art brut de son maître Dubuffet. Là, on néglige délibérément la technique, quand on ne témoigne pas à son égard d'intentions de parodie. Chez Bourlard, par contre, le souci de perfection règne et s'affirme: nous sommes très loin du tracé sommaire de l'auteur de " La Barbe des Supputations" et de ses épigones.

Bref, une belle exposition, qui contribuera au lancement de la galerie Racines II, née dans le courant de la saison dernière.

Jacques Collard

 

 

PLUS... QUELQUE CHOSE

FANTASTIQUE ou fantasque?

Féerique ou merveilleux?

Mythologique ou magique?

A chacun de ces vocables, l'art de Fred Bourlard ajoute ce petit rien qui pour peu passerait inaperçu à l'œil inattentif, mais qui le fait se défiler par la tangente hors la catégorie, hors le tiroir, hors la prison de l'étiquette qui enferme et limite.

Ai-je écrit de Bourlard -ou lui ai-je dit simplement- qu'il connsidère l'irrévérence comme un mode de connaissance? Il faut bousculer une certitude pour trouver une vérité, comme il faut violer la Forme pour en pénétrer les structures, et ce viol accompli, la recréer sur un plan supérieur, d'une façon qui lui permette d'être plus elle-même. Pour la transposer de l'ordre rationnel dans l'ordre magique.

Disséquons d'abord ses moyens. Sont-ils de photographe tôt venu à la peinture et qui drainerait dans l'acte de peindre la réminiscence de ce métier qui a lui aussi son langage. Je n'ose m'aventurer à formuler une conclusion qui m'est peut-être personnelle. Mais la tendance de Bourlard à n'user de la couleur que parcimonieusement, à la faire servir surtout de point d'appui, de mode de souligner la forme, résulte peut-être de ce sens des valeurs plutôt que des pigments, qui est commun aux graveurs, aux "fusinistes", et aux photographes tributaires avant tout de la lumière.

Avec cela un souci des matières: hier, c'était le paraffinage du papier. Aujourd'hui, c'est ce glacis aux effets de laque qui magnifie à la fois et protège l'œuvre en lui donnant une solidité de gemme.

Ses sujets? Ils sont presque des vases grecs ou étrusques-encore que ce soit souvent la mythologie de notre temps qui soit mise à contribution. Etres-symboles, ces femmes, ces hommes régnant en un PLAN (c'est le cas de le dire, puisque chez Bourlard la troisième dimension sans être abolie n'est que sous-entendue) qui interfère dans la vie quotidienne sans la moins du monde en être tributaire-au contraire: c'est un plan mythique, archétypal, PRIMORDIAL qui conditionne, commande et détermine le transitoire de l'existence hic et nunc.

Un trait chemine, délimitant les personnages tout en les liant entre eux, comme si la REGLE DU JEU était de les rendre tous solidaires d'un même cordon ombilical. Hier les sujets étaient déterminables: combat ou amour, couple de guerriers ou d'amants. Le monde du cirque lui aussi au-dessus des lois ( de la gravitation par exemple). Aujourd'hui, un pas de plus est accompli chez Bourlard, vers l'intemporel. Et nous sommes vraiment en droit de nous demander si nous ne nous trouvons pas confrontés à la genèse d'une très grande œuvre, aux premiers actes d'un très grand spectacle.

Bourlard, en effet, n'est que quadragénaire, ce qui en peinture, en ce métier de dingue où comme disait Braque "les 70 premières années sont les plus dures", représente la sortie de l'adolescence, l'accession à la majorité.

Rosse? féroce ? parfois c'est rose.. Eros? la femme ici est liée à un contexte magique. Bourlard est du pays où les songes sont réels. Et l'on pense devant ses toiles à cet étonnant "philosophe dormant" cher à Breton qui écrivait en 1867, bien avant Freud, "Des rêves et du moyen de les diriger": Hervey-Saint-Denys.

Jacques Collard

 

 

 

L'ART HYBRIDE DE FRED BOURLARD

 

(By Sophie Gosselin, graduate from U..L..B Universiy Brussels, 1997)

Depuis 1990, nous constatons dans las réalisations de Fred Bourlard une certaine évolution, aboutissant après une dizaine d'années de recherches à une nouvelle conception de l'art. Ses premières œuvres dans lesquelles plusieurs se complurent à voir une parenté avec Picasso, évoquaient essentiellement un aspect linéaire à travers des sujets bibliques, mythologiques ou encore familiaux. Très tôt, Bourlard utilisait des techniques connues mais également d'autres issues de son imagination telle la cire...

Avant tout possédé par une fureur de créer, ses œuvres sont essentiellement le fruit d'un premier jet. L'absence assez inattendue de croquis ou d'essais nous invite à penser qu'il voit ou prévoit son œuvre mentalement. Chaque réalisation est le fruit d'un travail de recherche assez considérable. En effet, aux yeux du peintre, chacune de ses réalisations est parfaite mais aussi remise en question. Envahi par un besoin d'aller toujours plus loin, son audace lui permet de ne pas s'enfermer dans un style qui l'aurait classé à jamais. Ce peintre joue à provoquer, mais aime surtout faire partie de l'avant-garde. La jeunesse de son art se retrouve d'autant plus aujourd'hui dans des œuvres qui illustrent une nouvelle conception de l'art atteignent une perfection assez remarquable.

Il insère ses dernières créations dans un mouvement appelé "l'Art Hybride". Cette nouvelle conception de la peinture, car il se dit avant tout peintre, est en réalité l'introduction de la matière au sein de celles-ci. Cette démarche a pour objet d'obtenir une fusion homogène entre sculpture et peinture. Pourquoi ne pas choisir l'une ou l'autre technique ? La particularité de Bourlard est de donner une liberté infinie à son imagination. Non pas en éliminant toute convention de forme, de sujet, couleur ou volume (l'abstraction) comme l'ont fait d'autres mouvements, mais en libérant plutôt son pinceau de toute contrainte matérielle.

Il s'attarde ainsi à la recherche de nouvelles matières dont les différentes techniques d'application ainsi que les outils n'ont plus rien de commun avec les techniques traditionnelles. Ce sont des mordants qui modèlent différentes épaisseurs structurées obtenues par plusieurs couches de résine d'acrylate, de mélanges de carbonates, de calcium, méthylcellulose-oxazoidines, etc. L'application est faite essentiellement par le biais d'outils de construction, pour la plupart adaptés. La pâte peut être directement appliquée à la main, sculptée au pinceau ou encore fondue au chalumeau. Les matières utilisées sont choisies par le peintre en fonction de leur résistance aux températures et au temps. Elles ne sont pas pour autant apparentes comme telles car le peintre utilise la peinture, la couleur pour masquer les matériaux utilisés. Peintures qui mettent en évidence le relief contrairement à la sculpture qui privilégie la qualité du matériau choisi pour sa pureté comme le marbre, le bronze.

Cet art fou peut être considéré comme un art hermaphrodite. En effet, la sculpture et la peinture, considérés par Roberts Jones respectivement comme art masculin et féminin, peuvent admirablement se marier et créer ainsi l'Art Hybride. Bourlard fissionne ainsi, en une seule œuvre, deux entités apparemment opposées ou du moins fort différentes.

Dans cette recherche où la liberté prédomine, l'artiste trouve dans l'Art Hybride un aboutissement enrichissant. Il retire ainsi de la sculpture les bienfaits du volume et du relief tout en éliminant les contraintes physiques de proportions, de moulage ou de fonte. Par ailleurs, il sort la peinture de la forme plane qui l'emprisonnait. Ainsi cette nouvelle technique laisse une plus grande liberté à l'artiste. Elle lui permet de faire un certain type d'expressionnisme, mais plus seulement confiné à l'expression de sentiments ou d'émotions. L'Art Hybride apparaît plutôt comme la réponse à un manque ressenti de nos jours face à une architecture rigide et propre. L'art mural serait donc un complément à l'architecture actuelle.

Le graphisme simplifié à l'extrême dans les œuvres de Bourlard dont les traits sinueux donnant naissance à des formes entrelacées restent la ligne de conduite dans tout son œuvre. Aujourd'hui encore, malgré l'apparition du volume, ses personnages et ses sujets mythologiques persistent à travers le temps mais en relief cette fois ou plutôt disparaissent dans le fond du tableau au profit de la matière. Le sujet, devenu prétexte, permet de créer une surface de matière architecturale. Ainsi, contrairement au cubisme qui recherche plutôt la forme et l'expression visuelle, l'Art Hybride de Fred Bourlard a pour but de créer une surface de matière la plus libre possible.

S'inspirant notamment de l'art des peuples Océaniques ou Africains qui décorent des objets mythiques, comme des boucliers ou encore leurs propres maisons, cet avant-gardiste persiste à regarder la toile comme un support lui procurant plus de liberté que d'autres objets de la vie courante.

Son sens de la composition, des volumes, du rythme et de la mise en page, déjà présents dans ses toiles et gravures des années 1970-1990, se retrouve dans cette nouvelle vague de compositions avec une intensité encore plus marquée.

 

FOXPOINT ART PRODUCTIONS

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