Verre et vases (60 cm x 45 cm)

Le vase brisé 

Le vase où meurt cette verveine

D'un coup d'éventail fut fêlé;

Le coup dut l'effleurer à peine

Aucun bruit ne l'a révélé.

 

Mais la légère meurtrissure,

 Mordant le cristal chaque jour,

 D'une marche invisible et sûre,

En a fait lentement le tour.

 

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,

Le suc des fleurs s'est épuisé;

Personne encore ne s'en doute,

N'y touchez pas, il est brisé.

 

Souvent aussi la main qu'on aime,

Effleurant le coeur, le meurtrit;

Puis le coeur se fend de lui‑même,

La fleur de son amour périt;

 

Toujours intact aux yeux du monde,

 Il sent croître et pleurer tout bas

 Sa blessure fine et profonde;

Il est brisé, n'y touchez pas.

SULLY PRUDHOMME

Les solitudes

Marilyse  Devoyault

 

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