Les régions ont du mal à diversifier leur économie. Les citoyens ordinaires n’ont pas accès à leur pays, au territoire hors des grands centres urbains ou des centres de villégiature. Dans les villages, on ferme les écoles, les bureaux de poste, les caisses populaires. Les jeunes quittent massivement leurs régions natales.

Le développement régional stagne depuis belle lurette, l’occupation du territoire ne se fait pas malgré la volonté populaire d’aller vivre en région. Pourquoi? À cause du travail de la sainte trinité. C’est quoi la sainte trinité? C’est l’UPA, la Commission de protection du territoire agricole et Solidarité Rurale.

Le père, l’UPA, syndicat monopolistique en matière agricole, ne défend que la vision industrielle de l’agriculture. L’UPA possède, grâce à la loi 23, un droit de veto par lequel elle peut s’opposer à toutes modifications du schéma d’aménagement d’une MRC proposées par les différentes municipalités du Québec. Elle utilise systématiquement ce droit de veto. Dans leur expansion et la diversification de leur économie, les villages sont tributaires des bonnes volontés du syndicat. Exit l’industrie touristique, les villégiateurs, et toute petite manufacture de quelque nature que ce soit.

Le fils, La Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). Bien que gouvernemental, cet organisme est noyauté et à toutes fins utiles contrôlé par l’UPA. Comment? La nomination des commissaires, au nombre de 16, est politique. Qui suggère les noms au ministre de l’agriculture pour les futurs commissaires? L’UPA. 8 commissaires actuels proviennent des rangs de l’UPA. Anciens présidents de fédérations régionales, par exemple. Conflit d’intérêt majeur et évident. La CPTAQ ne défend également que le modèle industriel d’agriculture (coïncidence?). Un jeune diplômé en agriculture qui soumet un projet de petite dimension pour s’installer en agriculture sur un terrain zoné vert se verra refuser son projet. La CPTAQ le jugeant précaire. Fait étonnant lorsqu’on considère qu’un seul cas de vache folle se trouvant à des milliers de kilomètres a mis par terre toute l’industrie bovine québécoise et que le prix du porc est déterminé à la bourse de Chicago par des spéculateurs. L’agriculture industrielle est donc également très précaire, mais la CPTAQ ne semble pas s’en formaliser.

Le saint-esprit, Solidarité Rurale (SR). Créé en 1991, organisme dirigé depuis sa fondation par un ex-président de l’UPA, M. Jacques Proulx. Son financement provient en partie du Ministère du développement économique régional mais aussi et surtout de différents organismes. L’UPA est un de ses principaux bailleurs de fonds. M. Laurent Pellerin, président de l’UPA, est membre du conseil d’administration. SR est l’instance conseil officielle du gouvernement en matière de développement rural! La rumeur veut qu’un pacte tacite lie SR et UPA : SR ne critique pas et ne dit rien sur l’agriculture, ce qui est l’affaire de M. Pellerin. SR s’occupe de ruralité de façon générale. Elle gère des dossiers et, selon d’ex-membres sur le terrain, elle fait très peu d’actions concrètes. La réalité valide ce pacte tacite. Depuis sa création, SR n’a pu endiguer le flot de migration des jeunes à l’extérieur de leurs régions natales. Les urbains n’ont pas plus accès au territoire qu’avant, les communautés rurales continuent autant à mourir. En fait, l’organisme ne devrait pas être géré par M. Proulx, ex-président de l’UPA en flagrant conflit d’intérêt. Il faudrait le remplacer. UnE sociologue, unE anthropologue serait plus compétentE dans ce domaine.

Le territoire rural est zoné vert à plus de 90%. En fait, le réel gestionnaire de ce territoire n’est pas le gouvernement du Québec mais l’UPA. Tant que cette situation prévaudra, les régions du Québec ne pourront diversifier leur économie et seront à la merci de l’agriculture industrielle.

Guy Boissé, 7 décembre 2003.