Scénario Pour Shadowrun

Ennemi !

 

Avant Propos

Le MJ se référera utilement au Grimoire pour connaître exactement tous les principes des quêtes astrales, mais sa possession n'est nullement indispensable.

Avant de faire jouer ce scénario, soyez assuré que vos joueurs NE SAVENT PAS de quoi il retourne. Si l'un d'entre eux (petit malin, va...) a connaissance de la nature de ce scénario, vous pouvez l'oublier et passer à autre chose.

Attention, ce scénario est psychologique. Pas politique, non, mais il est basé sur la réflexion des joueurs face à leurs peurs, leurs doutes, etc. Il peut être fait quasiment sans un seul jet de dés. Il demande de la logique, c'est tout. Gros bills, passez votre chemin. Si vous avez besoin à un moment ou un autre de dynamiser vos joueurs, faites intervenir un combat contre les gardiens de la Citadelle (un seul banshee...) qui se seront introduits dans la ville. Si vos joueurs s'ennuient, oubliez les jeux de réflexion et achetez Tekken 3...

 

Petite explication à l'attention du MJ

Skorzum est un initié très puissant, et il enseigne la magie à sa fille unique depuis plusieurs années. Mais elle a atteint le niveau où il est temps d'accéder à un domaine de connaissances plus vaste : l'initiation. Néanmoins, celle-ci ne se sent pas prête. Son père, convaincu du contraire, lui a proposé la chose suivante : elle se fera aider lors de sa première épreuve par quelques personnes qui l'assisteront dans son épreuve d'initiation : une quête astrale. Skorzum décide donc d'engager les PJ afin d'aider sa fille Cyrielle dans sa quête astrale. Mais il ne leur révélera pas ceci afin qu'ils soient sincères dans leurs actions et leur envie de résoudre l'énigme qui se présente à eux. Il leur demandera simplement de surveiller sa fille pendant quelques jours au cours desquels il doit s'absenter, afin d'être sûr "qu'il ne lui arrive rien".

 

J'ai du travail pour vous...

Un des PJ est contacté par un certain Skorzum. Celui ci lui explique que c'est l'un de ses contact qui lui a indiqué de s'adresser à l'équipe des PJ pour un travail un peu "particulier". Si le PJ demande en quoi il consiste, Skorzum lui donne simplement rendez-vous à 21H00 ce soir au Warhammer (ne cherchez pas ce bar dans le Guide de Seattle, il a ouvert hier matin...). Il lui expliquera, ainsi qu'à toute l'équipe, les détails du travail. S'ils ne sont pas intéressés, précise-t-il, ils pourront s'en aller sans problème, le fait qu'ils connaissent les détails de l'opération n'ayant pas d'importance. Voilà qui est pour le moins inhabituel, les Johnson ne révélant jamais les détails de quelque opération que ce soit avant d'avoir l'approbation des runners quant à l'acceptation du run !

Skorzum précise enfin que toute l'équipe doit être au rendez-vous, car il tient à connaître chaque membre afin de mémoriser son aura, ce qui lui permettra "de suivre chacun en astral" et en cas de problème afin de pouvoir entrer en contact avec n’importe quel membre de l’équipe. De plus, il veut pouvoir jauger tous les membres de l’équipe afin d’être sûr que sa fille est en de bonnes mains. C’est très compréhensible pour un père. Il leur dit que s'ils se méfient d'une telle requête ou flairent un piège, ils peuvent "amener tout ce qu'ils jugent utile à leur sécurité", leur assurant qu'il "comprendra parfaitement cela", et qu'il "sait que vous êtes des professionnels". Il précise enfin si le PJ aborde l'aspect financier de cette mission, que "leur prix sera le sien" ce qui ne manquera pas de dérouter les PJ, mais rendra sûrement méfiants les vétérans qui regarderont le MJ en fronçant les sourcils "ça veut dire que l'opposition est en conséquence...".

Laissez les spéculer et notez bien leurs préparatifs avant le RDV, ainsi que TOUT ce qu'ils emmènent sur eux. Demandez leur bien de décrire soigneusement TOUT ce qu'ils apportent avec eux, afin d'éviter les "mais bien sûr, j'ai toujours ça sur moi, comme d'habitude !" en plein milieu du scénario. Une fois ceci fait (ce qui contribuera sûrement à rassurer encore un peu plus les PJ), il ne reste plus qu'à se rendre au Warhammer.

 

À 20H53, entre dans le bar Skorzum, qui s'adresse au barman en disant qu'il attend l'équipe de [Nom du chef des PJ], puis va s'asseoir à une table et attend tranquillement en sirotant un cœur de réacteur (une boisson très populaire d'un autre univers, Star Wars pour ne pas le nommer).

Quelles que soient les précautions que prennent les PJ (reconnaissance, astral, veilleur, drones ou véhicule prêt à démarrer, armes prêtes, canon d'assaut Panther au cas où, etc.), Skorzum est totalement sincère et il n'y a absolument AUCUN piège ici. Néanmoins, Skorzum est initié suffisamment haut gradé pour ne craindre aucun examen astral d'aura, et il avouera de toutes façons qu'il est mage si on le lui demande.

Lorsque le chef des PJ (ou celui que Skorzum a eu au téléphone s'il n'y a pas de chef) entre (avec ou sans la totalité de son équipe), le barman lui indique la table de leur client d'un signe de tête laconique. Décrivez Skorzum aux PJ comme un elfe à l'âge indéfinissable, mais probablement ancien. Barbu, grisonnant, bien charpenté, il a une carrure robuste pour un elfe, et est dynamique, assuré, confiant, rassurant, il la voix grave de mâle du superbe spécimen de son espèce qu'il est. Il est cependant doux et patient, et impressionnera sûrement les PJ par sa présence qui en impose.

Il demandera tout d'abord si toute l'équipe est bien au complet, en expliquant bien que d'autres membres ne pourront absolument pas se joindre à la mission après. Il n'est pas trop tard pour les membres venus en reconnaissance une demi-heure auparavant de rejoindre la table. S'il y en a qui restent tout de même à l'écart, Skorzum demandera aux PJ quelle preuve il peut leur fournir de sa bonne foi (il a utilisé un sort d'Analyse de véracité pour savoir si les PJ disent vrai en prétendant que tout le monde est là, et saura si ce n'est pas le cas qui et combien manquent). Si ceux-ci ne tiennent vraiment pas à se joindre à la conversation, Skorzum n'insistera pas. Donnez alors aux joueurs incarnant ces PJ la télécommande de la télévision en leur souhaitant une bonne soirée pendant que vous continuerez le scénario avec les autres...

En venant au fait, Skorzum leur explique le but de la mission : il s'agit tout simplement de garder sa fille car il doit s'absenter quelques jours (un congrès de magie dans le Yucatán), et il craint qu'elle ne soit "attaquée par des rivaux", mais "simplement des mercenaires sans soutient magique, ne vous inquiétez pas". Il a simplement peur qu'elle ne puisse se défendre toute seule, et il loue les services des runners autant pour "se sentir rassuré" que pour qu'elle "se sente en sécurité". Il ne s'agit pas de la surveiller sans sortir de la maison en faisant des tours de garde, etc., mais simplement de la laisser les accompagner au cours des quelques jours. Elle sera très gentille et discrète et ils ne la verront même pas. Si les runners refusent, prétendant ne pas être baby-sitters, ou flairer un piège, il leur rappelle que sa fille a maintenant 21 ans et que "votre prix sera le mien". Si les runners discutent, ils peuvent espérer obtenir jusqu'à 30 000 nuyens par personne, mais pas plus (ce qui est déjà énorme pour un travail pareil !). Partez d'une base de 10 000 ¥ que Skorzum pense que les runners demanderont.

S'ils refusent tout de même, pour quelque raison que ce soit, ou s'ils estiment ne pas être assez payés, Skorzum n'essaiera pas de les retenir, mais leur donnera un créditube certifié de 15 000 ¥ chacun "pour le dérangement". Si en revanche tout le monde parvient à tomber sur un accord, parfait ! Dans un cas comme dans l'autre, les runners ne pourront éviter ce qui va leur arriver le lendemain de toutes façons...

S'ils ont accepté, Skorzum leur présente sa fille qui entre justement dans le bar. Sinon, les runners la croisent en sortant sans savoir que c'est elle. C'est une elfe blonde magnifique, avec des cheveux très longs (jusqu'à la taille), des yeux verts pétillants de malice, de vivacité, de jeunesse et d'une pointe d'effronterie. Elle est souriante et a une démarche féline très séduisante, pleine d'assurance, mais élégante, fine, racée, noble, et rehausse son charme naturel d'une dignité superbe. Elle porte un jean et un chemisier blanc tout simples.

 

Life's still going on....

S'ils ont accepté le travail proposé, Cyrielle accompagnera les PJ, quoi qu'ils fassent. S'ils se barricadent quelque part sans sortir, en surveillant ses moindres allées et venues, elle leur rappellera que ce n'est pas nécessaire et qu'au contraire cela la stresse, alors que son père voulait qu'elle se sente rassurée, pas paranoïaque, et, "OUI, je vais au TOILETTES !, vous voulez m'accompagner ?". S'ils persistent, elle se rendra invisible (et même le mage ou shaman de l'équipe ne la verront, pas plus que les veilleurs ou élémentaires qui patrouillent) et sortira, puis narguera les PJ de dehors en leur disant qu'elle va "faire un tour". Les PJ la suivront probablement jusque dans la rue.

S'ils continuent simplement leur routine, Cyrielle les accompagne. S'ils ont refusé le travail, ils poursuivent de la même manière leur train-train quotidien, ce qui revient au même. Ils vont bien à un moment ou un autre se retrouver en pleine rue (au besoin, rappelez leur qu'il n'y a plus de sojkaf et qu'il faut en racheter).

 

Oùkonné ?

Quoi qu'il arrive, décrivez leur Seattle (ou la ville ou ils évoluent) plongée sous un brouillard qui se lève à peine, mais qui en quelques minutes devient tellement épais qu'on n'y voit pas à deux mètres. D'ailleurs, ils ne voient plus aucun des côtés de la rue, ni même les autres piétons et véhicules, pas plus que le sol. S'ils étaient avec Cyrielle, elle a disparu et impossible de la retrouver. Ils sont en plein brouillard et il n'y a rien d'autre autour d'eux que... du brouillard. A l'exception notable devant eux d'une copie exacte du personnage de tête, qui s'approche en leur souhaitant la bienvenue (il s'agit du gardien du métaplan. Comme décrit dans le Grimoire, il connaît tout des PJ et n'hésitera pas à déballer leur linge sale devant leurs camarades). Il s'approche de son sosie et lui demande qui il est. Une réponse du style "Je suis untel" verra le double répondre "c'est impossible, puisque c'est moi. Es-tu sûr de ce que tu es ? D'ailleurs, qu'es-tu ?" Poursuivez cet interrogatoire pendant quelques minutes en mettant l'accent sur l'incohérence des actions que les PJ commettent. "Tu tues, mais quelle valeur a la vie des autres ? Si c'est pareil pour eux, si la tienne a pour eux aussi peu de valeur que ce que tu penses de la leur, alors acceptes-tu qu'ils te tuent comme tu le fais pour eux ? Pourquoi défendre ta vie si ardemment si elle a si peu de valeur que celle que tu accordes à celle des autres ?" - "Tu est cybernétisé, parce que tu estimes que ton corps est imparfait. Es-tu plus heureux ainsi ? Alors ton but dans la vie, est d'être plus fort que les autres ? Pourquoi ? Ta vie est-elle meilleure ainsi ? Sinon, pourquoi vivre ?" - "Tu te sens vivre vraiment dans la matrice. Tu es donc plus vivant dans un environnement totalement créé par l'homme, intégralement artificiel, que dans ton habitat naturel ? N'est-ce pas une fuite de la vie vers ce que tu estimes plus proche du monde parfait ? Pourquoi la matrice est-elle plus parfaite que ce monde ? Et tu voudrais y passer tout ton temps. Donc, la matrice, que l'homme a créée, est plus proche de la perfection que ce qu'a créé ce qui a créé l'homme lui-même ? La création est plus parfaite que le créateur ? Es-tu plus puissant que Dieu ?"

Vous connaissez bien vos PJ, vous savez comment les titiller pour trouver la faille dans le comportement de leur personnage. S'ils trouvent une bonne explication, ou qu'ils admettent leurs erreurs, le gardien les laisse passer. Sinon, dites leur qu'ils ont un peu mal à la tête (ils encaissent une blessure étourdissante modérée), et laissez les continuer.

Continuant à progresser, le brouillard se dissipe, et les PJ se retrouvent dans la rue où ils étaient auparavant, à une différence notable près : le monde dans lequel ils se trouvent est intégralement en NOIR & BLANC ! Le ciel est gris, rien ici n'est coloré, mis à part les PJ et leur équipement (vêtements, etc.). Faites leur bien ressentir le malaise que crée une telle situation et discutez même à l'occasion du fait d'un monde où la couleur n'existe pas ! Les habitants ignorent les mots couleur, rouge, bleu, jaune, vert, ... et c'est un paramètre qui leur est totalement inconnu, puisqu'ils ont toujours vécu comme cela. Essayez de réaliser : un monde ou quelqu'un apporte un paramètre différent, totalement inconnu, qui bouleverse toute connaissance, quelque chose en plus, ...

Les PJ continuant vont alors constater que toute personne les voyant se désintègre aussitôt, ne laissant que des vêtements vides. Commencez par les passants, les automobilistes, un chauffeur dont la voiture continue dans une vitrine, ... La couleur est pour les habitants quelque chose de mortel, car introduisant une donnée qui échappe à cet univers. Aucun être vivant dans ce monde n'échappe à cette règle, animaux, métahumains, esprits, etc. et si les PJ veulent parler à quelqu'un (ce qu'ils seront bien obligés de faire s'ils veulent comprendre ce qui leur arrive), il faudra le faire dans le noir complet, ou en bandant les yeux de la personne en question, ou en s'assurant qu'elle leur tourne le dos... Ce monde est strictement identique à celui que les PJ viennent de quitter, eux y compris ! Ils ont donc des doubles d'eux-mêmes ici, en noir et blanc, et ceux-ci habitent bien chez eux, c'est à dire chez les PJ, s'adonnent aux mêmes tâches quotidiennes, connaissent les mêmes personnes, …

Laissez les PJ se débrouiller comme ils peuvent en émettant toutes les idées possibles, bonnes ou (sûrement) mauvaises (nos contacts doivent savoir - allons voir chez nous - allons demander à Lofwyr - moi, je me suicide, ...). Mais mettez bien l'accent sur le fait que tout dans ce monde est insipide : tout liquide a goût d'eau, toute nourriture est comme du coton, les gens son tristes, quasiment personne ne sourit, il pleut presque tout le temps (vous me direz : ça ne change pas beaucoup du Seattle habituel), ...

Quoi que fassent les PJ, ils vont bien arriver à penser à aller voir chez eux, ou l'endroit où ils étaient au cours des derniers jours avec (ou sans) Cyrielle. S'ils nagent vraiment dans la panade, faites les croiser Cyrielle (en noir et blanc) accompagnée par eux-mêmes en noir et blanc (dans ce monde, les PJ ont accepté le travail de Skorzum), mais sans que ceux-ci aient vu les PJ. Il est impératif que Cyrielle NE MEURE PAS, même si les PJ tuent leurs doubles. Ils devraient tout de même s'ils sont sensés avoir compris et approcher leurs alter ego de façon à ne pas les faire disparaître. Jouez bien l'étonnement des doubles se rencontrant eux-mêmes, sans que les PJ acceptent qu'ils les regardent, tout en leur demandant des explications. Jouez comme vous pensez que vos joueurs auraient réagi dans une situation pareille s'ils avaient été les doubles.

C'est Cyrielle qui au final prendra la parole en disant : "Je pense que je peux vous aider." Elle sort alors de sa poche un petit coffret en bois travaillé, finement sculpté de motifs étranges. Elle le tendra au PJ le plus proche (en continuant à lui tourner le dos pour ne pas le voir). Elle dira alors ceci : "Dirigez vous vers la mer de dalles blanches. Mais ne les touchez pas ! Traversez cette mer blanche, jusqu'à parvenir à la Citadelle blanche. Là, vous y trouverez la solution. Bonne chance. La mer blanche est par ici." Elle désigne le bout de la rue.

Si les PJ ouvrent le coffret, il contient une sorte de plaque métallique au centre de laquelle se trouve un interrupteur... rouge. C'est la première chose en COULEURS que peuvent voir les PJ (eux mis à part) depuis qu'ils sont là, et cela a de quoi les surprendre. S'ils le pressent, néanmoins, il ne se passe rien.

 

Vers la Citadelle du métaplan

Même s'ils y avaient été auparavant, au bout de la rue se trouve à présent un dallage blanc qui s'étend jusqu'à l'horizon, interrompant la rue comme la limite d'une zone particulière. Au delà de cette limite, les bâtiments, la rue, tout cède la place à ce dallage. Il semble y avoir des sacs de sable entassés à ce niveau dans la rue, des véhicules militaires retournés ou détruits, comme la limite d'un champ de bataille.

Si les PJ se risquent à avancer sur le dallage à pied ou en véhicule roulant, décrivez leur les dalles s'enfonçant de quelques millimètres sous leurs pieds (ou leurs roues), puis revenant au niveau normal dès qu'on les relâche. En moins de quelques dizaines de secondes, apparaissent les gardiens de la Citadelle, qui arrivent dans 6 ou 7 GMC Banshee en ouvrant le feu sur quiconque se trouve sur le dallage. Résolvez le combat normalement, mais décrivez les balles ou les explosions qui touchent comme traversant les PJ sans leur faire de mal physiquement, mais augmentant leur mal de tête, jusqu'à devenir lancinant au fur et à mesure qu'ils se font toucher. Chaque blessure est mentale. Si les PJ n'ont pas le temps de revenir sur la rue, faites intervenir les habitants qui ripostent avec des hélicoptères, des tanks, etc. et attirent le feu sur eux, permettant aux PJ de s'échapper. Dès qu'il n'y a plus personne sur le dallage, les Banshee repartent. Mais ils ont eu le temps de balayer la force d'opposition des habitants et c'est un massacre qui s'offre aux yeux des PJ, tanks en flammes, hélicoptères écrasés, blindés détruits, etc.

Le seul moyen de passer est d'utiliser un véhicule à coussin d'air, ou un hélicoptère, voire un avion ; en tous cas, un véhicule volant. Les PJ, en allant chez leur marchand préféré d'hovercrafts, pourront s'en procurer un, d'autant que personne ne pourra s'y opposer, puisque quiconque les verra se désintégrera.

En route vers la citadelle, les PJ croiseront une ou deux patrouilles de banshee, qui se dirigent vers la ville sans même les remarquer. Ils vont repousser une offensive au bord du dallage. Néanmoins, si les PJ attaquent, les gardiens se défendront... Ils ont peu de chance contre des banshee, mais ceux-ci cesseront le combat dès que les PJ s'enfuient. En revanche, si un PJ tombe sur le dallage (ou même leur appareil s'il est endommagé), les gardiens attaqueront aussitôt. Leur rôle est que personne ne pénètre ce dallage, et leur seule méthode de détection est le dallage lui-même, dont chaque dalle est un interrupteur.

En continuant leur chemin, les PJ vont voler très longtemps. Décrivez leur le dallage blanc à perte de vue de tous côtés, et ce pendant des heures. Il y a exactement 1300 km (!!) entre le bord du dallage (quel que soit l'endroit) et la Citadelle. Quel appareil ont-ils pris ? Un hovercraft non modifié peut parcourir avec le plein environ 200 km, un hélicoptère idem. Un banshee non modifié peut en parcourir 375. Ceux des gardiens, avec leur réservoir d'appoint et leur consommation améliorée, ont de quoi en parcourir 2625, soit 1312 aller, 1312 retour ! Mais les gardiens ne patrouillent que par groupe de 6 au moins... Essayer de leur en prendre un est un suicide en puissance.

Si jamais l'appareil des PJ touche le dallage (pour cause de panne sèche ou de riposte des banshee à une attaque des PJ), votre seul moyen de sauver les PJ est de faire intervenir Cyrielle (qui poursuit sa quête de son côté), qui se matérialisera dans les airs et utilisera un sort de lévitation sur les PJ ou/et leur véhicule. Elle les renverra alors en un éclair au bord du dallage.

Elle leur explique alors que la Citadelle est à plus de 1000 km, mais qu'elle ne peut les aider pour l'instant. Si les PJ râlent en lui disant qu'elle aurait pu leur dire avant, elle leur répliques qu'elle ne le savait alors pas. Faites alors faire un jet de perception à vos joueurs. Ils peuvent apercevoir un zeppelin qui flotte paresseusement au dessus de la ville. Et ces appareils-là ont une autonomie d'environ 2000 km (un jet en véhicules ou véhicules C/R permet de connaître l'autonomie approximative d'un véhicule).

Le zeppelin se pose justement. Faites faire aux PJ une course affolée dans les rues de Seattle (après qu'ils aient "emprunté" une voiture), en leur faisant voir, puis disparaître de leur champ de vision derrière les immeubles, puis réapparaître, etc. le zeppelin, sachant qu'ils n'ont pas la moindre idée de l'endroit où il va atterrir. Ils arrivent au bout de quelques bons jets de pilotage à arriver en vue de son site d'atterrissage, et peuvent alors tenter à nouveau l'expérience du passage de la mer blanche.

Les PJ parviennent au bout de 15H00 environ (la vitesse de pointe d'un Zeppelin non modifié est 84 km/h) à apercevoir les tours de la Citadelle blanche. Faites leur ressentir cela comme des marins perdus en mer qui aperçoivent enfin terre après des jours, et le PJ qui criera "Citadelle en vue" sera considéré comme une sorte de sauveur pour ses camarades. Faites leur bien ressentir l'extase après des heures au cours desquelles le moral ne pouvait que s'affaiblir.

 

Bienvenue chez Ennemi

La Citadelle est une sorte de ville miniature, et les PJ débarquent en plein marché. La première personne à les voir se désintégrera en hurlant, une autre l'ayant vue se désintégrer, hurlera à son tour avant de poser les yeux sur les PJ, et en quelques secondes, des centaines de personne se trouvant là ne reste plus qu'une seule : un aveugle, qui suppliera de ne pas lui faire de mal, ne comprenant pas ce qui a bien pu faire hurler les gens et tout d'un coup réduire au silence le sympathique brouhaha du marché. Il pourra guider les PJ jusqu'au cœur de la Citadelle si ceux-ci lui demandent. Il se montrera très coopératif, et si les PJ sympathisent avec lui, il se montrera même agréable.

Même s'ils n'ont pas été aidés par l'aveugle, la Citadelle est certes très belle, mais ne comporte aucun endroit susceptible d'intéresser particulièrement les PJ, à moins que ceux-ci soient férus d'art, auquel cas la Cathédrale blanche notamment est splendide, et la Citadelle dans son intégralité n'a rien à envier aux plus beaux châteaux des rois du moyen âge, d'autant qu'elle apparaît immaculée puisqu'elle est intégralement blanche.

Seule au sommet de la plus haute tour de la Citadelle (2057 marches) se trouve une immense porte menant à la salle principale : la salle du trône, à l'intérieur de laquelle l'aveugle ne les accompagnera pas, car il n'en a ni le droit ni l'envie.

Entrant, les PJ pourront constater que la salle est immense, et le plafond est en fait la flèche de la tour, ce qui lui donne des proportions vertigineuses. A l'autre bout de la pièce, sur le trône se trouve assis un personnage étrange. Il est totalement lisse, son visage n'a aucune aspérité, ni yeux, ni bouche, ni oreilles, et son corps est comme d'aspect métallique, parfaitement lisse (regardez l'illustration p.109 Réalités virtuelles pour avoir une idée assez juste). Il s'avance vers les PJ et parle d'une voix caverneuse qui résonne dans toute la pièce, et qu'ils entendent directement dans leur tête plutôt que par leur ouïe.

Aucun jet de charisme ou quoi que ce soit ici. Vous n'aurez plus besoin d'un seul dé jusqu'à la fin du scénario. La scène finale doit n'être faite qu'en roleplaying.

Il leur demande qui ils sont, puis il se présente : "Moi, je suis vous. Mais puisque vous êtes vous, et que je ne suis pas vous, puisque je suis moi, alors je suis différent." Il réfléchit quelques secondes, avant de se tourner vers le PJ qui lui fait face. "Je suis Ennemi"

Il se scinde alors en autant de formes identiques qu'il y a de PJ, se mettant en face de chacun d'eux, interdisant à chacun l'accès au trône. Puis, ce dernier se sépare en deux et chaque partie s'écarte latéralement. Monte un autel tout en marbre blanc, sur lequel on peut voir un petit coffret étrangement similaire à celui que possèdent les PJ.

Ennemi empêchera quiconque de passer en mimant tout mouvement comme s'il était un miroir, à la même vitesse exactement, quelle que soit la réaction de la personne. Si le PJ sort une arme ou un objet (à l'exception du coffret), le même se matérialisera dans la main d'Ennemi à partir de son corps, comme du métal liquide, de la même manière que le T-1000 dans Terminator 2. Si un PJ utilise une arme contre Ennemi, il agira de la même manière, et le PJ encaissera les dégâts de son propre coup, mais Ennemi n'aura rien (il est absolument invulnérable à quelque forme d'attaque que ce soit, magique ou non).

Si les PJ discutent, Ennemi leur demandera pourquoi ils veulent prendre son trésor, alors qu'ils en ont déjà un. "Chacun possède une moitié, Ami et Ennemi, donc le monde est en équilibre. Si l'un des deux possède tout, alors il n'y a plus Ami ni Ennemi." Il accepterait néanmoins de leur donner son coffret en échange de celui des PJ. Les deux coffrets sont rigoureusement identiques.

Demandez alors à vos PJ ce qu'ils attendent de leur ennemi. S'ils vous répondent : "je veux qu'il se pousse", dites leur qu'ils ne sont pas loin de la réponse, mais qu'elle est trop appliquée à ce cas particulier. Reposez leur la question : "Qu'attendez vous de votre ennemi ? Ou même de vos amis ? Car pour Ennemi, vous êtes Ami" (son opposé).

Laissez les chercher. Ma très chère joueuse a mis quelques minutes à trouver, pas plus. Voilà comment s'est déroulée la scène : "Il copie tous mes mouvements ?" "Oui" "Alors, je me retourne" "Il se retourne" "J'avance de quelques pas, autant que lui est séparé de l'autel" "Il avance jusqu'à l'autel" "J'ouvre le coffret" "Il ouvre le coffret" "J'appuie sur le bouton" "Il appuie sur le bouton..."

Et en plongeant mon regard dans le sien brillant d'intelligence, je lui ai répété ce qu'elle avait prononcé au moins quatre fois auparavant : "J'attend de mon ennemi qu'il fasse ce que je veux qu'il fasse..."

Back to the real world

Tout se brouille autour des PJ, tout se déforme en une immense spirale qui les aspire et c'est un tourbillon de couleurs qui les accueille quand ils ouvrent les yeux.

Cyrielle les regarde en souriant, en épongeant le front du PJ qui a trouvé la solution à l'énigme d'Ennemi. Et elle est en couleurs ! Tout comme le monde qui les entoure. Ils se trouvent chez eux et Cyrielle s'incline poliment en les remerciant d'un "Arigato". Son père est juste derrière et contemple les PJ d'un regard paternel et protecteur. Il prend sa fille par l'épaule et, s'adressant à toute l'équipe, les remercie d'avoir aidé sa fille à traverser une épreuve qui n'est pas la plus facile. "Je vous suis très reconnaissant d'avoir été les partenaires de quête de ma fille. Et si c'est pour vous votre première quête astrale, et bien, j'espère que cette expérience vous aura enrichi et vous aura aidé à mieux appréhender ce qu'est la Magie. Tout ce que vous avez vécu n'a duré qu'un instant dans ce monde. Et Sa Majesté vous souhaite un bon retour"

Et il tire le rideau en disant cela, pour permettre au soleil d'entrer dans la pièce et de tout illuminer de Sa Majestueuse lumière, et les PJ pourront alors admirer le magnifique arc-en-ciel que la pluie leur a offert en récompense. Emplissant tout le ciel, il semble féerique. Et si les PJ n'avaient avant jamais vraiment pris le temps d'admirer ce spectacle simple, mais ô combien splendide, ils peuvent en ce moment précis en goûter toute la valeur. Et se sentir rassurés d'être sortis de ce cauchemar terne et manichéen. Mais, même s'ils sont revenus dans un monde où tout n'est pas noir ou blanc, les leçons qu'ils ont pu tirer d'un univers absolu sont toujours vraies dans un univers relatif.

Ce que l'on attend de quiconque, c'est qu'il fasse ce que l'on attend de lui qu'il fasse. S'il ne le fait pas, et qu'on ne peut le lui faire faire par raison, alors devient-il notre Ennemi. Mais si Ennemi fait ce qu'on veut qu'il fasse, sans qu'on ait à le combattre, et que la réflexion nous permet d'éviter un conflit qu'on aurait nous même déclenché autrement, Ennemi est-il vraiment Ennemi ? Qui est alors Ennemi ? N'est-ce pas nous-mêmes pour avoir déclenché un conflit qui aurait pu être évité ? N'est-ce pas nous, notre premier Ennemi ? Quand Ennemi peut être Ami, alors, si chacun a la moitié du trésor, tout est à Ami car Ennemi n'est pas Ennemi. Ennemi n'est Ennemi que lorsqu'on le crée Ennemi.

Et, pour avoir réussi à s'entendre avec Ennemi, les PJ ont sans doute gagné là un Ami. Quelque part, très loin, sur un métaplan, il est heureux lui aussi d'avoir trouvé la paix. Peut-être les PJ le reverront-ils un jour, au hasard des métaplans. Et alors, il se présentera comme... Ami.

Kor-Skarn (homepage http://www.geocities.com/TimesSquare/Corridor/5488/). E-mail à Vehuia@yahoo.com. Posté le 16/03/99

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