UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

FACULTÉ DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION

ADMINISTRATION DE L'ÉDUCATION

 

 

 

 

ETA 6959 LABORATOIRE D'EXPÉRIENCES ADMINISTRATIVES

Participation au Cercle de qualité du Collège de l'Assomption

 

 

 

 

 

Remis à monsieur Philippe Dupuis

le 22 avril 1997

 

 

 

 

 

par Luc Desautels

 

 

Introduction

 

Au cours des études en administration de l'éducation, chacun d'entre nous a acquis un bagage de connaissances qui devrait contribuer à faire de lui un gestionnaire plus averti. Le laboratoire d'expériences administratives permet déjà, dans une certaine mesure, de vérifier si tel sera effectivement le cas à partir d'un projet que le candidat détermine et fait accepter. Pour l'auteur de ce texte, il s'agissait de participer aux travaux du Cercle de qualité de son établissement tout en se ménageant un regard critique nourri des principes de gestion préalablement étudiés. Le texte qui suit essaie de rendre compte de ce parcours. Nous y rappellerons d'abord la fonction des cercles et nous situerons celui du Collège de l'Assomption. Puis, nous traiterons spécifiquement du processus de résolution de problèmes: après en avoir campé la description type, nous l'examinerons tel qu'il est vécu dans ce cercle particulier. Enfin, nous explorerons quelques pistes qui pourraient contribuer à une évaluation constructive de ce cercle local.

 

1.0 Le Cercle de qualité: un outil d'amélioration continue de la qualité

 

Comme nous l'indique Jacques Mathieu (1982, p.4) "les cercles de qualité furent conçus au Japon en 1961 par le Dr. Kaoru Ishikawa, professeur à l'Université de Tokyo." Il a rapproché les théories d'Herzberg, de Maslow et de McGregor avec le mouvement des sciences de la qualité introduites au Japon par Deming et Juran. De cette intégration sont nés les Cercles de qualité dont les premiers furent mis en place en mai 1962 et qui se répandirent rapidement un peu partout dans le monde industrialisé.

 

1.1 L'intention de Kaoru Ishikawa

 

Pour le fondateur, comme pour la Japanese Union of Scientists and Engeneers (JUSE) qui l'appuyait dans ces recherches, le système des cercles de qualité poursuit trois grands objectifs (Kélada, 1991, p,133): améliorer le leadership et les compétences des contremaîtres, appliquer à fond les techniques de contrôle de la qualité avec la participation de travailleurs, constituer un noyau dans l'usine pour la mise en place de la gestion intégrale de la qualité. Pour y arriver, il s'agit de former "un petit groupe de travail de 3 à 10 personnes, appartenant à la même unité de travail (atelier, bureau, service, ...), ayant choisi volontairement de faire partie du groupe" (Monteil, 1983, p.99). Ce groupe de personnes inclut un cadre et se réunit régulièrement une heure ou deux, hebdomadairement ou aux deux semaines, sur les heures de travail, pour identifier et résoudre des problèmes relatifs à leur travail. Toutes les réunions sont documentées (ordre du jour, procès-verbal, ...). Le type de problèmes traités relève de la qualité des produits et services, de l'efficience, de la sécurité, de la réduction des coûts, du moral ou de l'environnement (Kélada, 1991, p.139).

 

1.2 Le Cercle au Collège de l'Assomption

 

Le programme de Cercles de qualité existe au Collège de l'Assomption depuis l'année scolaire 1993-1994. À l'initiative d'un enseignant de Techniques administratives, la direction du collégial et le syndicat des enseignants ont convenu d'un mode de fonctionnement qui reprend à son compte les grandes lignes de ce qui était prôné par Ishikawa (cf. Annexe). Le cercle vit depuis ce moment avec des hauts et des bas: si en 1994-1995 il y en avait même deux, cette année il y en a un seul qui regroupe cinq membres (quatre enseignants et le directeur du collégial) et qui se réunit depuis janvier seulement. Les réunions se tiennent aux deux semaines selon un calendrier préétabli et mutuellement agréé; sept ont déjà eu lieu au moment où ces lignes s'écrivent.

 

Lors de la première réunion annuelle les membres dressent la liste des problèmes qu'ils aimeraient soumettre au cercle. Cette année cette liste répertoriait les quatorze éléments suivants:

 

1- la climatisation des classes du 4e étage;

2- la surchauffe des classes de l'aile D;

3- la peinture de certaines classes;

4- la fumée de cigarettes dans les bureaux de professeurs;

5- la disponibilité des formulaires de plans de cours en décembre;

6- les examens de fin de session au 1er étage;

7- la consultation des copies corrigées d'examens finals;

8- la fumée de cigarettes au salon des étudiants;

9- les rétroprojecteurs en permanence dans les classes;

10- l'informatisation des formulaires de plans de cours;

11- l'informatisation des listes de classe et des notes;

12- l'affichage des notes finales;

13- la remise des travaux finals corrigés par les chargés de cours;

14- les heures de bureau dans les programmes techniques.

 

 

Chaque membre sélectionne les trois éléments qui méritent le plus l'attention du cercle; la comparaison de ces choix individuels permet d'établir lequel revient le plus souvent et qui sera donc, en conséquence, retenu pour la prochaine réunion. Celui-ci réglé, on peut ajouter de nouveaux problèmes à la liste et reprendre le processus de sélection précédemment décrit. Chaque réunion dure une heure et se subdivise en trois parties principales: l'analyse du problème, l'inventaire des solutions et la recommandation à la direction. Si les trois étapes ne peuvent être franchies au cours d'une seule réunion, on ajourne jusqu'à la suivante.

 

2.0 La résolution de problèmes: théorie et pratique

 

Ce qui nous intéresse maintenant, c'est de comparer a) ce que nous avons vécu dans cette équipe de volontaires lorsque nous avons tenté de résoudre des problèmes b) avec les descriptions 'classiques' d'un processus de résolution de problèmes telle qu'on la retrouve, par exemple, chez Pierre-G. Bergeron (1983, 1989).

 

 

2.1 La description du processus type

 

Ce processus se développe normalement en 9 étapes distinctes:

1) le diagnostic de la situation;

2) l'identification du problème;

3) la réunion des faits pertinents;

4) l'analyse des faits;

5) l'évaluation des options possibles;

6) la détermination des effets positifs et des aspects négatifs de

chaque option;

7) la prise de décision (choix);

8) l'application de la décision;

9) l'évaluation de la décision.

 

La boucle est donc fermée et un problème vraiment résolu seulement quand le cycle complet de ces opérations s'est déroulé. Les sept premières sont habituellement regroupées sous la rubrique 'prise de décision' dont le septième temps constitue le moment fort, le choix de la solution retenue.

 

Quant à la façon de prendre les décisions, Bergeron (1983, pp. 102 à 106) souligne qu'une approche rationnelle implique que le décideur se soumet à cette démarche logique et qu'en fonction de la complexité des problèmes et de son style de gestion, il y associe ou non d'autres personnes. Si cet élargissement est peu pertinent pour la classe des décisions programmées, c'est-à-dire conformes à des règlements, à des procédures ou à des politiques, il le devient lorsque les décisions ne sont pas programmées et que l'implication de ces personnes procure plus de renseignements et facilite l'application de la décision. Les décisions de type technique, c'est-à-dire celles "qui sont en relations intimes avec le travail effectué par les employés appartenant à diverses unités organisationnelles" (Bergeron, 1989, p.107) pourraient y donner lieu, davantage que les décisions de type gestionnel ou de type organisationnel habituellement le fief du personnel d'encadrement supérieur.

 

2.2 La pratique au Collège de l'Assomption

 

Lorsque nous appliquons ces considérations théoriques à ce que nous avons observé dans les travaux du cercle local nous pouvons faire quelques constats. Premièrement, ce cercle est plutôt un groupe de décision qu'un groupe de résolution de problème. En effet, les étapes 8 et 9 du processus précédemment décrit, soit l'application de la décision et son évaluation, sont laissées à la direction du collégial. À notre connaissance, les membres du cercle ont toujours fait ainsi et n'ont jamais procédé à un retour critique ni sur telle ou telle décision en particulier, ni sur l'ensemble de leur fonctionnement ou de leurs travaux.

 

Deuxièmement, des sept étapes incluses dans la prise de décision le cercle n'en garde formellement que trois: l'analyse du problème (4), l'inventaire des solutions possibles (5) et la recommandation à la direction (7). Toutefois, un regard plus perspicace sur les pratiques du cercle local montre que si les autres étapes ne sont pas annoncées, elles sont pourtant réalisées la plupart du temps. Ainsi chacun arrive au cercle avec un diagnostic de la situation d'ensemble: s'il ne pouvait se livrer à cette première appréciation générale de son milieu, il ne s'inscrirait pas librement au cercle. Les étapes 2 et 3 sont regroupées avec la quatrième; analyser le problème devient en premier lieu le clarifier: celui qui, à l'origine, l'a inscrit sur la liste le présente et chacun travaille à le préciser, à dresser la liste des faits qui lui sont pertinents, à distinguer ceux qui importent vraiment. Il est même arrivé à deux occasions cette année qu'un 'problème' ne se rende pas au-delà de ce premier échange: le concours de nos observations avait montré que nous n'étions pas en présence d'un problème véritable et que nous avions pu confondre des faits avec des hypothèses. Quant aux étapes 5 et 6, les solutions possibles sont évaluées à mesure qu'elles sont suggérées.

 

Troisièmement, il semble clair que le type de décisions qui a intéressé le cercle cette année relève du domaine technique. Il s'agit toujours de problèmes circonscrits, souvent liés à la période de l'année où ils ont été suggérés et dont l'impact principal consiste à améliorer la qualité de la vie au travail. Le cercle n'entreprend pas l'examen de problématique large qui nécessiterait de nombreuses réunions. Il concentre ses efforts sur des actions prochaines et sur des décisions non programmées ou dont le 'programme' est à réajuster. Les décisions se prennent en groupe parce que le gestionnaire principal pratique déjà un style de gestion démocratique et recherche le plus d'informations possibles alors que les enseignants vivent sur le terrain l'inconfort des situations problématiques.

 

2.3 Les points à améliorer

 

De cette comparaison émerge, à notre avis deux recommandations. La première concerne la pertinence de mieux distinguer dans le travail du cercle les étapes 5 et 6 du processus type: suggérer des solutions et les évaluer au fur et à mesure peut nuire à la créativité et escamoter des avenues intéressantes. Il conviendrait de distinguer les deux temps, le brainstorming d'abord et l'évaluation des points forts et des points faibles de chacune des options ensuite.

Notre deuxième recommandation s'intéresse à l'évaluation du travail du cercle. Nous comprenons que l'application et le suivi de chaque décision soit laissé à la direction, à la fois par souci de respect et de nécessité des tâches de chacun. Pourtant, plus globalement, ne serait-il pas temps de dresser un premier bilan de la contribution de ce programme de cercle de qualité au Collège de l'Assomption? Élaboré à titre expérimental en 1993-1994, il n'a, à notre connaissance, jamais fait l'objet d'un examen critique. Les premières observations que nous livrons ici ne peuvent en tenir lieu: c'est notre première participation, notre point de vue est trop fragmentaire et, surtout, un tel travail d'équipe ne saurait être évalué qu'avec un protocole mutuellement convenu.

 

 

Mais nous avons à cœur de faire quelques suggestions que nous soumettrons à nos collègues:

 

1- Élaborer un questionnaire à administrer à tous les participants actuels ou passés du cercle afin de mesurer leur perception de l'atteinte des objectifs généraux déclarés du cercle (cf. Annexe).

 

2- Dresser la liste factuelle des décisions générées depuis le début et les classer selon qu'elles sont appliquées ou qu'elles sont tombées en désuétude. Examiner les conséquences qu'a entraînées chacune.

 

De plus, peut-être qu'une discussion, réunissant tous ceux qui ont déjà participé au cercle et dans laquelle on tenterait de vérifier si les avantages habituels de la prise décision en groupe se sont manifestés et si ses inconvénients ont été minimisés, serait de bon aloi.

 

Évidemment ce ne sont là que quelques pistes possibles pour évaluer le Cercle. Le tout demanderait à être raffiné. Néanmoins, le point principal nous semble être qu'il convient de se demander si le cercle est efficace.

 

Conclusion

 

Voilà donc que s'achève notre laboratoire d'expériences pratiques. Dans ce texte nous nous proposions de rendre compte de notre participation au cercle de qualité de notre établissement. D'abord en rappelant ce qu'est un cercle de qualité et en résumant le travail du cercle du Collège de l'Assomption. Puis, en comparant son fonctionnement avec la description type d'un processus de résolution de problème. Enfin, en émettant quelques suggestions susceptibles d'améliorer son fonctionnement et ses retombées. En une période où toutes les organisations visent l'efficacité et l'efficience, n'est-il pas opportun de chercher l'amélioration continue de tous les processus et particulièrement de ceux qui ajoutent de la qualité de vie au travail? Nous espérons y avoir contribué, tout en satisfaisant aux objectifs du laboratoire.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

Bergeron, Pierre-G. (1983, 1989) La gestion moderne. Théorie et cas, 1re et

2e édition, Chicoutimi, Gaëtan Morin. 394 p.

 

Kélada, Joseph (1991) Comprendre et réaliser la qualité totale,

Dollard-des-Ormeaux, Éd. Quafec. 386 p.

 

Mathieu, Jacques (1982) Les cercles de qualité, notes de cours, Montréal,

École nationale d'administration publique. 16 p.

 

 

Monteil, Bernard et alii (1983) Cercles de qualité et de progrès pour une

nouvelle compétitivité, Paris, Éd. D'organisation. 213 p.

 

 

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