A propos de l'affaire des caricatures
Tunis le 9 février 2006
Non à l’incitation à la haine religieuse
Non à l’atteinte à la liberté d’expression
Le CNLT observe avec inquiétude les effets de la crise provoquée par les caricatures, publiées dans le quotidien conservateur danois Jyllands- Posten, qui véhiculent une incitation claire à la haine de l’islam. Le message qui assimile terrorisme et Islam est offensant pour la sensibilité des musulmans.
Le CNLT rappelle que toutes les législations des pays démocratiques sanctionnent l’incitation à la haine des races et des religions. De même que l’article 20 alinéa 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que :«tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité, ou à la violence est interdit par la loi.». De même le code de déontologie de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) réprouve l’utilisation de la liberté de la presse pour attenter aux croyances religieuses.
Le CNLT tient à souligner que cette provocation, contraire à l’éthique professionnelle et aux valeurs de droits humains, émane d’une partie privée et qu’elle ne saurait engager, en aucune façon, l’ensemble d’un pays ou de ses citoyens. Il condamne, en conséquence, toute tentative d’amalgame et dénonce les appels aux représailles collectives.
De même qu’il se dresse vigoureusement contre la campagne qui vise à alimenter la prétendue «guerre des civilisations» théorisée par certains lobbies neo-conservateurs qui abreuvent l’opinion internationale de leurs conceptions réductrices.
Il rappelle que dans le monde occidental, se trouvent de nombreux partisans des causes justes du monde arabo-musulman, alors que dans nos pays, se déploient de puissantes forces hostiles aux libertés et particulièrement à la liberté religieuse.
Sur cette base, Le CNLT considère avec la plus grande suspicion la démarche du Conseil des ministres de l’Intérieur arabes, réuni à Tunis le 31 janvier 2006 qui a soulevé cette question des caricatures, 4 mois après leur publication. Ces représentants de pouvoirs autoritaires, à la légitimité de plus en plus contestée, prennent prétexte de défendre l’Islam alors qu’ils confisquent au quotidien la liberté d’expression de leurs peuples et violent les libertés religieuses.
Le CNLT condamne fermement les actes de violences et les incendies criminels qui ont accompagné certaines réactions. Il dénonce les manipulations, émanant de groupes extrémistes ou d’Etats, qui alimentent les ressentiments et les haines et font le jeu des partisans de la guerre des civilisations.
Il invite les intellectuels musulmans à combattre le racisme primaire de certaines forces extrémistes dans les pays occidentaux en recourant aux formes d’expression pacifiques à travers les médias et en promouvant le dialogue, tout en dénonçant certaines formes de censure à géométrie variable qui y sévit.
Le CNLT réaffirme avec force son attachement à la liberté d’expression comme étant une liberté fondamentale inaliénable et rejette toute légitimation d’une quelconque forme de censure et particulièrement dans les pays arabo-musulmans qui vivent un déficit flagrant en la matière et des violations graves à la liberté d’expression. Il appelle à la vigilance pour que ces événements ne soient pas une occasion de pratiquer une censure débridée et niveler par le bas les libertés publiques et individuelles.