A Strasbourg,avec la Ligue Communiste Révolutionnaire(trotskiste),des libertaires du collectif de chômeurs connaissent la violence du délit d’opinion

 

Depuis un siècle le 1 mai représente pour l’ensemble des classes laborieuses, désirant de s’émanciper, un lieu d’unité devenu plus de fait que de réalité. L’intégration des mouvements sociaux dans la vie politique insti-tutionnelle et parlementaire, ont fait qu’à l’intérieur même des forces voulant se battre contre le capitalisme et le salariat, les clivages se sont accentués et les divergences, tant idéologiques que pratiques sont devenues inconciliables.

Pourtant, il ne nous semble pas opportun que cette date soit le jour des règlements de compte et des gladiateurs.

Le collectif des chômeurs et précaires de Strasbourg pendant plus de trois mois a regroupé, entre autre, de multiples militantEs défendant de multiples opinions politiques. A notre grande satisfaction, dépassant ces clivages de chapelle, l’assemblée générale du collectif a été souveraine, elle contrôlait l’ensemble des décisions et quand cela était nécessaire, elle mandatait pour un temps souvent très court. Notre participation a toujours dépendu aussi de cette démocratie directe.

Malgré une idée de l’avant garde très soutenue, la LCR à Strasbourg a participé elle aussi à ces assemblées générales. La LCR à Strasbourg a tenté et tente d’impulser ses propres stratégies, liées à la confiance qu’elle noue à son camarade, Christophe Aguiton, porte-parole d’AC ! (Agir ensemble contre le chômage !).

A nos yeux, cette orientation ne cherchait qu’à faire aboutir une reconnaissance institutionnelle du mouvement de chômeurs. De plus, cette orientation se refusait à aborder les noyaux principaux du problème : le travail, la reconnaissance du seul profit comme richesse, les circuits financiers, l’économie, les rapport nord/sud, bref le capitalisme.

A l’intérieur de la maison des potes, avenue de Colmar, la LCR a organisé, comme traditionnellement, un barbecue pour le 1er mai, et elle a désiré y inviter le collectif de chômeurs et précaires, issu du mouvement de cette année. Aimant tout simplement les banquets, nous nous y sommes rendus avec de nombreux et nombreuses camarades et amiEs du collectif. Mais, même si la LCR s’est toujours défendue d’une certaine forme d’unité, elle en rejette pas moins d’autres formes. Ainsi, ce jour là, toujours si près de la pertinence du débat politique, la LCR a joué avec certains d’entre nous ce que finalement elle sait très bien jouer à Strasbourg depuis de nombreuses années : le bruit de chiotte, l’insulte, l’intimidation , l’agression et la violence.

A peine arrivés, certains membres du collectif se sont fait insulter pendant que nous autres libertaires étions constamment harcelés verbalement et physiquement sur des propos qui dépassaient souvent le cadre politique. Les points politiques qui nous étaient reprochés étaient d’avoir très fermement critiqué le rôle d’Aguiton dans le mouvement de chômeur (non respect de l’AG de la maison des ensembles dont il dépendait, son rôle moteur dans les négociations avec le gouvernement et ce qu’il a défendu, critique politique de la direction d’AC !…). Et puis toutes choses ne sont pourtant coutumes, les bruits de chiottes et les rires à deux francs sont apparus : " vous nous avez traité de flic "… Vous êtes des flics… Vous êtes des sociaux démocrates… vous êtes des supos du patronat… que des bonnes blagues dans un style allégé !

Mais le fond était qu’en nous invitant, comme pour Jospin, il y avait les bons précaires et les autres.

En nous agressant dès notre arrivée, le piège est tendu. L’agression physique devait engendrer une réponse physique. Et le trotskiste aurait pris à la bourgeoisie son imaginaire de l’anarchiste, il l’aurait répété.

Mais, en étant de toute façon bien moins nombreux que la petite horde de l’avant garde musclée, et ne désirant évidement pas jouer ce jeux là, nous avons essayé de ne pas répondre à la provocation, souvent physique, pour pouvoir plutôt partager des analyses de luttes avec des amiEs et s’enivrer gaiement. Mais pendant quatre heures, le harcèlement et la violence d’une partie de la LCR sont montés en crescendo. Notre agacement aussi. Le final de ce triste orchestre s’entama lorsque l’un de nous a fait l’objet d’une agression désirant le faire chuter du haut d’un escalier. Cette agression plus " dynamique " que les précédentes a été perpétrée essentiellement par quelques militants de la LCR (bien connu pour être des dirigeants de leur organisation). Le reste des militants et jeunes militants (manquant certainement de consignes) n’ont pas réagi, et ont ainsi laissé faire ces actes. Il leur appartiendra certainement de se positionner face à de tels comportement virils, reflétant les pires aspects des comportements masculins et des manières que l’éducation patriarcale a appris aux mecs de se comporter.

Durant ces quelques heures, notre réaction a été celle de nombreuxSE militantEs anarchistes. Refuser la marginalisation dans laquelle la gauche et la gôche de la gôche veulent historiquement nous enfermer dans les mouvements. Ne pas céder, entre autre devant la violence, à nos positions plus que critiques de la social-démocratie au pouvoir et de ses alliés. Ne pas faire du combat macho le moyen de débat. Garder la place puisque nous y avons été invités, que ce n’était pas eux que nous étions venus voir, et que nous nous y plaisions tout simplement.

Ainsi le dernier acte de l’orchestre du jour produisit son apothéose : le fracas. Le fracas fut inévitable pour se dégager, le départ fut obligé pour éviter que l’agression ne crée la spirale immédiate de la riposte de l’agression. Quant à la violence qui a été la nôtre, elle n’a été que le fruit d’une provocation subie pendant quatre heures et d’une agression physique plus grave que les précédentes. Bien entendu, comme certainement de nombreuse personnes sur place, notre comportement n’était pas détaché des conditions climatiques et des accompagnements gastronomiques. Bien entendu, là n’était absolument pas le problème.

Un tel comportement de la LCR montre bien les énormes difficultés que cette organisation rencontre. Elle cherche d’un côté à être un partenaire privilégié de la gauche plurielle, et par conséquent du gouvernement. Et puis de l’autre côté à être un élément présent dans les mouvements. En essayant de jouer un rôle de tampon entre les mouvements sociaux et les partis de pouvoir, la LCR cherche à se positionner comme le représentant du mouvement, comme le parti communiste a essayé de l’être longtemps.

A y regarder de près le mouvement de chômeur de décembre-février 97/98, la LCR tient comme position celle d’un déclencheur du mouvement (par AC !) et que celle d’être capable de l’arrêter pour ne pas affaiblir de trop le gouvernement… En même temps, la LCR continue de reposer sur son identité gauchiste du début des années 70 qui l’a mené aux événement de 73 qui ont abouti à son interdiction, de sa culture du service d’ordre musclé et du coup de poing politique.

Le problème de cette marge historique que pose la stratégie politique, actuelle, de la LCR, impliquée dans son appartenance au cartel de la gôche de la gôche, et de son identité de barricade, passée, interprète bien les difficultés internes que cette organisation trotskiste rencontre. En ciblant de manière éphémère le courant libertaire, elle croit recoudre le sac percé.

De tels comportements sont certainement pour la LCR un aveux d’échec, mais qu’elle en assume seule ses positions.

Strasbourg, le 4 mai 98

Organisation Communiste Libertaire - Strasbourg

C/O Alaf - BP 14 - 67033 Strasbourg

 

E-mail : ocl_relex@hotmail.com
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