FN - premières réactions
Le résultat du premier tour de l'élection présidentielle en France est «une grande défaite des deux leaders de l'établissement», a déclaré dimanche soir le président du Front national (extrême-droite), Jean-Marie Le Pen, arrivé en deuxième position selon les instituts de sondages. «Je pense que la décence voudrait qu'ils disparaissent de cette compétition, compte tenu du fait qu'ils sont ultra-minoritaires dans ce pays», a déclaré M. Le Pen depuis son quartier général de campagne, à Saint-Cloud.
M. Le Pen a attribué son score au fait qu'il y d'abord et avant tout «le rejet des gens qui les ont dirigés aussi inefficacement pendant cinq et sept ans», durée respectives des mandats de M. Jospin comme Premier ministre et de M. Chirac comme président. «Les Français ne voulaient plus que l'avenir du pays se résume en un duel entre Chirac et Jospin», a-t-il ajouté.
Interrogé sur ses chances de l'emporter au second tour,
il a estimé qu'«elles ne dépendent pas
de moi. Elles dépendent du peuple français et de
sa volonté de s'arracher à la pression des systèmes
et à la décadence qui frappe notre pays».
«D'ores et déjà, mon état-major se
met en mesure de préparer le deuxième tour. Je vais
réunir le 1er mai comme chaque année, et je pense
que nous serons 100.000 avenue de l'Opéra et place de l'Opéra
(à Paris)".
La France a connu dimanche un séisme politique avec l'élimination du Premier ministre socialiste Lionel Jospin au premier tour de l'élection présidentielle, qui laisse seuls en lice pour le second tour, le 5 mai, le président de droite sortant Jacques Chirac et le dirigeant d'extrême droite Jean-Marie Le Pen.
La France s'est réveillée avec la gueule de bois, lundi matin, au lendemain du tremblement de terre électoral du premier tour de la présidentielle qui a englouti le candidat socialiste, laissant face à face pour le deuxième tour Jacques Chirac (19,67%) et Jean-Marie Le Pen (17,02%).
«Séisme », «choc », «bombe », la presse nationale française affichait son incrédulité, décrivant comme Libération «un pays déboussolé » ou comme le Figaro un «décalage profond entre la représentation électorale et la réalité de l'électorat ».
Dans plusieurs grandes villes de France, la nuit a été marquée par des manifestations spontanées contre M. Le Pen. Ils étaient quelque dix mille à Paris et les CRS ont fait usage de grenades lacrymogènes pour dégager les abords de l'Assemblée Nationale.
Les Français se sont divisés dimanche presque à égalité en quatre groupes: les abstentionnistes, les extrémistes, la gauche plurielle - à condition d'y réintégrer Jean-Pierre Chevènement - et la droite parlementaire.
INFOGRAPHIES
La France scindéeLe taux d'abstention de 27,63% est sans
précédent à un scrutin présidentiel.
Combiné avec le score de 10,53% des voix réalisé
au total par les trois candidats trotskistes, il explique pour
une bonne part l'échec du Parti socialiste, éliminée
du second tour pour la première fois depuis 1969.
Le Premier ministre Lionel Jospin (16,07%) qui, présent au deuxième tour, aurait logiquement remis sa démission lundi au président de la République, en a rapidement tiré les conséquences: Assumant «pleinement la responsabilité » de cet «échec », il conservera ses fonctions jusqu'au deuxième tour et se retirera de la vie politique après.
Encore sous le choc, plusieurs responsables du PS ont aussitôt donné le coup d'envoi des législatives des 9 et 16 juin, appelant, comme Jean-Luc Mélenchon, à «bloquer Le Pen le 5 mai » et à «battre Chirac et la droite » un mois plus tard.
Reste toutefois pour les socialistes, dont le bureau national devait se réunir lundi en fin de matinée, à se mettre en ordre de bataille pour ce qui s'annonce comme un troisième tour, avec le risque de voir s'affronter pour en prendre la tête des poids lourds comme Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius mais aussi François Hollande.
Il leur faut également tenir compte des scores de leurs partenaires dans la majorité sortante. La défaite est historique pour le Parti communiste de Robert Hue, crédité de 3,41% des voix. Avec 5,27% des suffrages, les Verts conduits par Noël Mamère, progressent mais ne décollent pas. Quant à Jean-Pierre Chevènement, qui ambitionnait de jouer le troisième homme, il a raté son pari en dépassant à peine la barre des 5 %.
Le défi est sérieux aussi pour Jacques Chirac, quasiment assuré d'un score de maréchal au second tour, mais qui va devoir, pendant les quinze jours à venir, incarner les valeurs républicaines contre l'extrême droite sans démobiliser ses partisans.
Il a pris acte des résultats avec retenue, appelant les Français à se rassembler pour un «sursaut démocratique », afin de «défendre les droits de l'Homme », «garantir la cohésion de la Nation », «affirmer l'unité de la République », «restaurer l'autorité de l'Etat ».
Antoine Rufenacht, son directeur de campagne, a souligné lundi matin que «rien ne serait pire que de s'engager dans une nouvelle cohabitation ». Pour lui, «il est essentiel qu'autour de Jacques Chirac puisse se rassembler une vraie majorité présidentielle qui permettra au président de la République d'engager les réformes ».
La question se posait lundi de savoir si le président sortant allait sacrifier à la tradition du débat télévisé avec Jean-Marie Le Pen avant le deuxième tour. Jacques Chirac «ne souhaite pas ce débat », a indiqué Roselyne Bachelot, son porte-parole de campagne, qui avait déclaré le contraire la veille au soir. «Il jugera dans les prochaines heures ce qu'il va faire », a-t-elle dit.
Le candidat UDF François Bayrou tire son épingle du jeu. Longtemps scotché à 3% dans les sondages, il s'est taillé la quatrième place avec 6,89% des voix, renvoyant loin derrière lui, à 3,92% son rival DL Alain Madelin.
Pour lui, «il ne suffira pas de faire barrage à l'extrême droite comme il est naturel, il faut aussi tout refonder, tout repenser, tout reconstruire ».
Savoir plus
Chirac jovial vs. Jospin stressé
Lionel Jospin aurait-il été victime de son physique,
lui que les Guignols ont surnommé `Tristounet 1er´
? C'est la thèse défendue par René Zayan,
professeur d'éthologie à l'UCL. `Si l'on admet
que la personnalité et le charisme jouent un rôle
majeur dans une élection présidentielle, il était
clair que Jospin faisait partie de la catégorie des loosers´,
assène-t-il. Et ce d'autant qu'il avait en face de lui
deux leaders purs, au sens biologique du terme, c'est-à-dire
des personnes qui font montre d'une `autorité naturelle
combinée à une sociabilité marquée´.
`Les loosers, poursuit l'universitaire, sont ceux qui
estiment que seuls les concepts et le langage comptent. Ce sont
les Delors, Rocard, Juppé, Balladur et Jospin.´
Ce dernier aurait payé son incapacité à masquer
son anxiété naturelle. `Il associe systématiquement
une expression de surprise et de peur (yeux écarquillés
et sourcils relevés) à une voix trop haut perchée´,
observe René Zayan. Une attitude qui contraste avec l'hypersociabilité
et l'autorité directe que dégagerait Chirac, sans
même parler de Le Pen, qui figurerait en tête des
leaders européens les plus naturellement charismatiques,
juste derrière De Gaulle... La cohabitation, en montrant
tout le temps côte à côte Chirac et Jospin,
n'aurait fait que renforcer le handicap du second. `Les qualités
et les défauts d'un leader sont exacerbés quand
il se retrouve face à un leader rival. La jovialité
de Chirac a accentué l'impression que Jospin était
ambigu et stressé.´ Les conseillers en communication
n'auraient-ils pas pu changer ça? Non, affirme notre interlocuteur,
les conseillers jouent sur les représentations politiques;
ils ne peuvent pas modifier le répertoire comportemental
de base d'un individu. La gauche française ne serait ainsi
pas au bout de ses peines puisqu'aucun des successeurs potentiels
de Jospin n'aurait cette autorité naturelle qui séduit
les foules. Et de conclure: `L'absence de charisme du candidat
Jospin a été dommageable pour la démocratie.´
A méditer. (L. R.)
Le succès de Jean-Marie Le Pen n'est pas un raz-de-marée. Mais le dirigeant du Front national a bénéficié de la forte abstention et de la dégringolade de ses adversaires. Outre Lionel Jospin, Jean-Pierre Chevènement, Arlette Laguiller et, surtout, Robert Hue sont les grands perdants
CORRESPONDANT PERMANENT A PARIS
1. La poussée de l'extrême droite.
Avec 17,02 pc des voix, Jean-Marie Le Pen a largement dépassé son record de 1995 (15,4 pc). Mais contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce succès n'est nullement dû à un raz-de-marée en sa faveur: dimanche soir, le tribun du FN n'a gagné que 300 000 voix de plus qu'en 1995. Ce qui l'a fait progresser, en fait, c'est le fort taux d'abstention et la dégringolade subie par ses adversaires, par la gauche singulièrement.
Ces deux phénomènes permettent à Le Pen à la fois d'étendre son emprise sur des territoires d'où il était jusqu'à présent absent ou peu implanté, et de s'enraciner profondément là où il était déjà présent. Ainsi, à l'échelle du pays, le président du Front national arrive en tête dans 35 départements et s'impose dans 9 des 22 Régions. Il s'impose notamment dans des Régions aussi importantes que Rhône-Alpes, la Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), l'Alsace, la Lorraine, les Pyrénées orientales, etc. Dans ses bastions méditerranéens, l'extrême droite fait évidemment un triomphe. Les grandes villes du sud - Orange (33 pc), Nice (26 pc) ou Marseille (23 pc) - ont massivement voté en sa faveur. Dans les Bouches-du-Rhône, le FN réalise un score de 22,4 pc (+6) et arrive en tête dans 94 des 119 communes composant ce département. Dans d'autres départements, le FN affiche des résultats mirobolants. Il dépasse les 25 pc dans le Vaucluse ou les Alpes-Maritimes (où Le Pen distance Chirac de près de 10 points), tutoie les 25 pc dans le Gard ou le Var, franchit le seuil des 20 pc en Drôme, dans l'Hérault ou les Pyrénées orientales, et s'étend le long du pourtour méditerranéen: ainsi dans le Languedoc-Roussillon, Le Pen a emporté trois départements sur cinq.
EDITORIAL
Une crise de régime. Mais le sud du pays est loin d'être
le seul concerné par la vague brune. Dimanche, Le Pen s'est
également profondément enraciné dans le nord
du pays: il a franchi la barre des 20 pc dans les Ardennes et
dans la Meuse et est arrivé en tête dans le Nord-Pas-de-Calais,
où il a frisé les 20 pc. Il a également conforté
son emprise dans l'est de l'Hexagone: il est arrivé bon
premier à Strasbourg, et a approché les 25 pc dans
le Haut-Rhin, la Moselle ou le Bas-Rhin. Idem dans le reste du
pays. En Rhône-Alpes, Le Pen est arrivé en tête
dans sept départements sur huit, bénéficiant
notamment de l'écroulement des bastions communistes (Vénissieux,
Vaulx en Velin, etc.).
Le FN est tout autant parvenu à s'immiscer là où, jusqu'à présent, ce parti était peu implanté. Dans certaines villes de province, par exemple (15 pc à Orléans), dans des Régions qui faisaient figure de bastions de droite (+5 pc en Corse) ou de gauche (+4 pc en Midi-Pyrénées), dans des aires rurales (en Bourgogne). Finalement, seules deux grandes parties de l'Hexagone ont réussi à résister à la poussée frontiste. D'une part, toute la façade atlantique du pays: de Brest à Hendaye, nulle part Le Pen n'occupe la pole position. D'autre part, dans les deux plus grandes villes de France, Lyon et Paris. Dans la capitale française, Le Pen est resté en dessous de la barre des 10 pc.
2. La dégringolade socialiste.
Lionel Jospin n'arrive en tête que dans neuf départements de France. Au total, il a perdu quelque 2,6 millions de suffrages par rapport à 1995. L'épicentre du séisme socialiste se situe dans le nord du pays: dans ces bastions ouvriers et industriels qui, dimanche, ont été marqués soit par une très forte abstention, dépassant souvent les 30 pc, soit par une poussée frontiste. On estime ainsi que 20 pc des électeurs de gauche déçus ont porté leurs suffrages sur le Front national.
Dans les autres régions du pays, le déclin socialiste est tout aussi perceptible. Jospin n'atteint que 13 pc des voix en Paca, 15 pc en Auvergne et à Lyon (pourtant gagnée par la gauche aux municipales de mars 2001), 7 pc en Lorraine et dans le Centre. A Marseille, jadis le fief de Gaston Defferre, seul un électeur sur six a voté en faveur de la gauche. Seule consolation, le PS conserve la tête en Midi-Pyrénées: les 19,5 pc réalisés par Jospin constituent son meilleur score de 2002 mais le plus mauvais résultat socialiste depuis 1969. Même à Cintegabelle, le fief du Premier ministre sortant, le PS est arrivé en tête mais il a perdu 10 points par rapport à 1995.
3. La droite résiste, vaille que vaille.
Jacques Chirac est arrivé en tête dans 52 départements. Mais son score de 19,67 pc est moindre que celui de 1995 (20,8 pc). C'est aussi le plus mauvais résultat jamais réalisé par un Président sortant. A titre de comparaison, Valéry Giscard d'Estaing récolta 28,3 pc des voix en 1981 et François Mitterrand 34,09 pc en 1988. Sans surprise, c'est en Corrèze que le leader du RPR réussit son meilleur score départemental (34 pc). Jacques Chirac sauve aussi les meubles à Paris, en Ile-de-France et à Bordeaux, où il dépasse la barre de 20 pc.
Avec 6,89 pc, le leader de l'UDF, François Bayrou, sauve sa peau et assure la survie de son parti. L'ex- `troisième homme´ n'est certes arrivé qu'en quatrième position, mais il peut prétendre jouer un rôle important dans l'avenir. De manière significative, d'ailleurs, c'est lui que Jacques Chirac a reçu en premier lieu à son QG lundi midi. Depuis dimanche soir, il est vrai, les centristes avaient fait des appels du pied en faveur de la nomination de Bayrou à Matignon. Notons également que François Bayrou réalise de jolis scores à Strasbourg (11,5 pc), Lyon (9,5 pc), Amiens (9,4 pc) et Bordeaux (8,1 pc). Le libéral Alain Madelin, en revanche, n'a obtenu que 3,92 pc des suffrages à l'échelle nationale. Même dans les zones traditionnellement de droite et/ou dans les grandes villes, il n'est que très rarement parvenu à dépasser la barre des 5 pc.
4. Les autres enseignements du scrutin.
Avec 5,3 pc des voix, soit près de trois fois moins que ce que lui avaient prédit les sondages les plus optimistes, Jean-Pierre Chevènement a des raisons d'être déçu. Même dans son fief du territoire de Belfort, il est battu par Jean-Marie Le Pen. Le communiste Robert Hue fait encore moins bien: avec 3,41 pc, le PC atteint son plancher historique. Après avoir été privé de la plupart de ses grandes villes (Calais, Dieppe, Evreux, etc.) aux municipales de 2001, le PC a perdu dimanche ses derniers bastions de la ceinture rouge parisienne. Le fait de ne pas voir atteint 5 pc va également être dramatique d'un point de vue financier pour le PC, qui était déjà confronté à un lourd déficit. Son ex-partenaire de la gauche `plurielle´, Noël Mamère, lui, dépasse de justesse les 5 pc: il n'abandonnera donc pas la politique. Les Verts font quelques belles percées, comme à Paris (7,4 pc) ou à Toulouse (8,7 pc), vraisemblablement poussés par l'affaire AZF. Leurs adversaires historiques, les chasseurs, leur donnent la réplique en s'implantant durablement dans de nombreuses régions rurales: la Somme (12 pc pour Jean Saint-Josse), la Lozère (8,3 pc), l'Ardèche (7,6 pc) ou les Hautes-Alpes (7,3 pc).
Bruno Mégret, en revanche, ne peut pas pavoiser. Le succès du FN lui fait ombrage. En outre, même dans ses bastions de Marseille et des Bouches-du-Rhône, Mégret a peiné à dépasser la barre des 5 pc. A l'autre extrême, Arlette Laguiller peut tout autant être déçue: ses 5,79 pc sont loin du score à deux chiffres que lui avaient promis les sondages. Si elle s'est mieux comportée dans le Nord-Pas-de-Calais (aux environs de 8 pc), dans plusieurs villes (Bordeaux, Toulouse, Nantes, etc.), la passionaria trotskiste a même été devancée par son rival de la Ligue communiste révolutionnaire, le jeune postier Olivier Besancenot.
L'onde de choc, ici, était encore plus prévisible qu'ailleurs en France. Son ampleur, en revanche, a surpris même les pronostiqueurs sinon les sondeurs les plus avertis.
Que dans les Alpes-Maritimes, Le Pen - plutôt donné en deuxième position - soit dans « le tiercé gagnant » des candidats au « tour de chauffe » de la Présidentielle 2002, c'était joué d'avance. Mais qu'il y fasse presque partout la course en tête, aussi bien dans les municipalités de droite du littoral que dans les fiefs de gauche de certaines vallées du moyen-pays, sa cote - assurément - a vertigineusement bondi hier.
25,98 % au plan départemental : c'est 8 points de mieux qu'à l'échelle hexagonale et un gain de 3,5 points par rapport à 1995 dans le 06.
Chirac devancé dans les grandes villes...
Le séisme politique enregistré donc avec la présence
au 2e tour du leader frontiste a touché ainsi de plein
fouet un département où, certes, le leader du FN
a de longue date maintenant, réalisé quelques-uns
de ses meilleurs scores dans tous les scrutins : notamment
pour les régionales de 1998 où sa liste avait frôlé
les 28 %. Même si, aux dernières européennes,
la scission avec Bruno Megret l'avait quelque peu « plombé ».
Pour mémoire, rappelons qu'en 1995, Jacques Chirac, en pole position alors au 1er tour dans le 06, ne l'avait coiffé sur le poteau que de... deux voix sur plus de 500 000 bulletins de vote ! Soit, 22,48 % à chacun des deux prétendants à la fonction de chef de l'Etat.
Sept ans plus tard, avec 102 588 suffrages portés sur son nom, soit 21,96 %, le président de la République sortant accuse un retard de près de 19 000 voix et de quatre points sur le trouble-fête de cette élection-surprise.
C'est, pour lui, inférieur au score de 1995 et aux prévisions d'autant que le candidat du RPR n'était pas, contrairement à 1995, soumis à une vraie primaire dans son camp. François Bayrou + Alain Madelin sinon Corinne Lepage et Boutin ne pouvaient, à son encontre, constituer le même handicap qu'Edouard Balladur.
Donc, d'abord, le duel Le Pen-Chirac le plus attendu dans les AM s'est ainsi présenté hier sur le bord de mer le plus urbanisé : 26,78 % à Nice pour le premier contre % 21,67pour le second ; 27,39 % à Cannes contre 26,55 % ; 27,95 % à Cagnes contre 23,15 % ; 27,5 % à Menton contre 24,23 % ; 27,8 % à Saint-Laurent contre 20,4 % ; 27,6 % à Mandelieu contre 25,17 %. Et à Antibes - dont le député-maire UDF Jean Leonetti avait appelé à voter Jacques Chirac - Le Pen s'impose aussi (de très peu) : 24,84 % contre 24,45 %. Plus à l'intérieur des terres, idem à Grasse où, avec 23,69 % des voix, Le Pen bat Chirac (19,96 %). Rebelote au Cannet avec respectivement 25,54 % et 24,05 %.
Globalement, si elle semble mieux résister à cette poussée lepéniste à l'ouest qu'à l'est des A.-M., la droite parlementaire ne retrouve pas son niveau d'il y a sept ans. Evidemment, le deuxième tour devrait lui être beaucoup plus favorable. Car, s'il ratisse de plus en plus large, quel nouvel espace politique Le Pen peut-il espérer voir s'ouvrir devant lui le 5 mai ? Seul Mégret, pour l'instant, - 2,53 % dans les A.-M. - a appelé à voter pour lui.
... La gauche surclassée dans ses fiefs
Reste que, surfant plus que jamais sur la vague de l'insécurité,
le « troisième homme » de plus en
plus présent dans la compétition, devenu in fine
le deuxième en France, a donc encore grimpé d'une
marche sur le podium dans le 06 pour s'affirmer, sans contestation,
le premier tout simplement.
Le candidat de l'extrême droite déboule ainsi en tête dans les municipalités communistes et socialistes. Une loupe sur Contes est significative. Alors qu'Hue, en 1995, était - d'un souffle - passé devant Le Pen, sept ans plus tard, il n'y a plus photo. Hue plafonne à 12,5 % quand Le Pen caracole à 28,4 %. Même constat, avec des nuances, à Gattières et au Broc. Et si, comme en 1995, à Carros-la-socialiste Le Pen s'impose (28,26 %), il améliore d'un point son score d'il y a sept ans.
Encore plus qu'en France, le grand perdant ici de ce scrutin, c'est donc Lionel Jospin, troisième certes au classement final ! Très distancé par ses principaux rivaux, soumis à gauche à une offre inhabituelle de candidatures largement supérieure à la demande, le candidat du PS poursuit - de premier tour en premier tour de présidentielle dans le 06 - une spectaculaire dégringolade.
Avec 12,17 % des suffrages exprimés, le Premier Ministre-candidat a perdu plus de 4 points sur son chiffre de 1995... qui était déjà en recul de 8 points sur celui de François Mitterrand au 1er tour de 1988.
Maigre lot de consolation pour la gauche plurielle : par rapport à 1995, ses candidats (si on y inclut, problématiquement, Jean-Pierre Chevènement) totalise dans les AM 26,3 % contre 25,85 % en 1995.
Derrière la présidentielle, les législatives
Passé les sueurs froides de la chasse aux 500 signatures
et de la mise en scène de ses déboires, dans une
posture moins agressive, Le Pen, version plus light, a ainsi réussi
à faire fructifier son capital de voix dans la dernière
ligne droite.
Bien sur, pour tous les états-majors c'est désormais le rendez-vous décisif du 2e tour qui se prépare. Les résultats de celui qui n'avait jamais misé aussi gros dans l'aventure méritent, toutefois et d'ores et déjà, d'être examinés à l'aune aussi des prochaines législatives. Qui, in fine, donneront ou non une majorité au Président de la République élu dans deux semaines.
Circonscription par circonscription dans les AM, le vote de l'extrême-droite oscille entre 27 et 30 %. De quoi brouiller bien des jeux sur l'échiquier parlementaire et interpeller tous les stratèges es-élections à droite comme... à gauche !
Georges BERTOLINO.
Lundi 22 Avril 2002
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