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Sommaire

La vie politique française dans la deuxième guerre mondiale

Les formes de la collaboration

La Libération


 La vie politique française
dans la deuxième guerre mondiale


 
L'histoire est toujours en rétrodiction : elle est revue et corrigée selon les enjeux politiques du moment. Il y a plusieurs visions de Vichy et de la Résistance :
-          la vision des vainqueurs : la trahison nationale d'hommes passés au service de l'Allemagne.
-          la défense des vaincus : le double jeu (qui se met en place dès que le sort de la guerre est scellé)
-          le verdict des archives : la thèse de la protection des biens et des personnes ne tient pas ; face aux traces des échanges confidentiels avec les autorités allemandes la thèse du double jeu s'effondre. Par ailleurs, la version Gaullienne de la France résistante est nettement corrigée.
-          l'état du débat : la requalification criminelle et les révisionnismes à partir des années 1970
Durant tout ce temps, les archives françaises sont demeurées largement fermées à la consultation (les historiens ont utilisé les archives allemandes), cette ignorance forcée n'est pas étrangère à la consolidation du mythe « résistancialiste » dans les décennies suivant la guerre tout comme au crédit relatif conféré à la thèse du double jeu.
 
 
I- Le gouvernement de Vichy
 
A- La « Révolution Nationale »
 
A la fois slogan et programme de Vichy, la révolution nationale est héritée des années 1930 où on a beaucoup parlé de révolution dans les cercles intellectuels, en donnant d'ailleurs au terme les significations les plus diverses. Cette expression, notamment employée par Aron et Dandieu dans un livre de 1933, évoquait une « révolution conservatrice ».
 
1) L'organisation politique de Vichy
sept. 39 ­ mai 40 : « drôle de guerre »
mai 40 ­ juin 40 : débâcle militaire
 
Juin 1940 : le gouvernement est replié à Bordeaux devant l'avancée allemande. Paul Reynaud, chef du gouvernement, demande au général Weygand (chef de l'armée) de signer une capitulation, celui-ci refuse au nom de l'honneur de l'armée : « le gouvernement a pris la responsabilité de la guerre, à lui de prendre la responsabilité de l'Armistice ». Au sein du gouvernement, la lutte tourne en faveur de l'Armistice. Paul Reynaud démissionne et cède la pace au Maréchal Pétain. Malgré la demande d'Armistice du 18 juin, les Allemands continuent d'avancer. Le nouveau gouvernement laisse alors partir quelques parlementaires vers le Maroc.
 
22 Juin 1940 : l'Armistice est signé par Pétain et Hitler. Les conditions sont draconiennes, « sévères » selon les propres termes du Maréchal Pétain. L'Armistice confirme le pouvoir de Pétain et de ses alliés. Les parlementaires embarqués sur le Massilia pour Casablanca sont désavoués (et certains arrêtés).
 
10 Juillet 1940 : Le gouvernement désormais basé à Vichy réunit les parlementaires (666 sont présents sur les 852). Ils votent un projet de loi constitutionnelle par lequel « l'Assemblée Nationale donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du Maréchal Pétain, à effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l'Etat Français. Cette constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie. Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par les assemblées qu'elle aura crées. ». Sur 649 votants, 569 sont pour, 80 sont contre et 20 s'abstiennent. 79 des 80 « contre » sont des hommes de gauche. Ceux-ci vont être inquiétés (certains même emprisonnés) et d'autres vont rejoindre la résistance.
 
Sur la base de cette loi constitutionnelle, une série d'actes constitutionnels sont publiés et une sorte de régime monarchique est institué (du moins dans les apparences du pouvoir). La situation qui l'a porté au pouvoir et son aura de héros de la première guerre font de Pétain un chef charismatique. Un culte de la personnalité est mis en place pour célébrer le « beau vieillard » (chansons, films, tournées populaires, gadgets) mais surtout dans la zone sud (i.e. la zone non-occupée). Dans le désarroi, une grande partie des français s'en est remise à ce grand-père rassurant. Jusqu'au bout, celui-ci a réussi à détourner l'impopularité du gouvernement sur d'autres que lui. A partir de 1942, avec les exigences allemandes et le retour de Laval (Pétain l'avait congédié le 13 décembre 1940), Pétain perdit la direction effective des affaires.
Le mode de gouvernement est très personnalisé : tous les matins un conseil restreint est réuni par Pétain avec des ministres de son choix. La radio de Londres se moque de cette « cour ».
 
La continuité administrative
La machine administrative a rapidement retrouvé son fonctionnement normal. Les pouvoirs des conseils généraux et des conseils d'arrondissement ont été confiés aux préfets et sous-préfets, assistés de commissions administratives.
Dans l'ensemble, le corps préfectoral s'est fort bien accommodé du nouveau régime. Diverses épurations ont aidé à parfaire cette fidélité politique.
 
L'hétérogénéité du personnel politique de Vichy
Vichy réunit des hommes de tous horizons : monarchistes, fascistes, politiciens de la IIIe République, hommes de gauche. Leur dénominateur commun est l'anti-républicanisme (la République est pour eux « la gueuse »). Vichy réunit des exclus de la IIIe République : Laval, par exemple, président du conseil en 1935 avait été l'homme impopulaire des décrets-lois, il était convaincu que sa politique avait été bonne et qu'il avait été victime de l'injustice et du mensonge.
 
2) Un programme politique de « révolution conservatrice »
Vichy met en avant sa devise « travail, famille, patrie », en opposition avec la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité », république dont l'égalitarisme et l'individualisme sont stigmatisés comme les causes de sa décadence depuis l'entre-deux guerres.
La presse (étroitement contrôlée) dénonce les maux que sont le parlementarisme, la gauche (et surtout le communisme), les intellectuels, le cosmopolitisme, les juifs, les francs-maçons, la dégradation des murs Pétain prône un « redressement moral et intellectuel » et les vraies valeurs (« la terre, elle, elle ne ment pas »). Soumise à la contradiction de la collaboration, l'idéologie nationaliste (« la France aux Français ») se nourrit par compensation d'anglophobie, d'anti-américanisme, d'anti-cosmopolitisme puis d'anti-capitalisme en somme de la dénonciation de maux souvent associés aux juifs. A la même époque des déportations avaient lieu.
 
L'esquisse d'un nouvel ordre politique :
- Suppression de tout ce qui est associé au régime aboli : les partis politiques, les syndicats
- Procès de Riom : jugement des hommes considérés comme responsables de la défaite
- La légion : sorte de parti unique est créé
- Charte du travail : elle institue une organisation corporative du travail (fin des syndicats), les corporations sont des organes publics. Volonté de rompre avec l'affrontement des classes qui est censée avoir mené la France à sa perte. Volonté de privilégier la solidarité sociale.
- régénération morale : pour répondre à la faillite des élites, création de l'Ecole des Cadres d'Uriage
- création d'un secrétariat d'état à la jeunesse
- politique dirigiste dans l'économie
- politique antisémite : législation antisémite menée à l'initiative du gouvernement de Vichy sans demande allemande (statut des juifs du 3 octobre 1940 leur interdisant l'accès à la fonction élective, à la fonction publique, à l'armée et introduisant un numerus clausus dans les universités et les professions libérales), la participation française aux déportations a été négociée (mais la police française allait souvent au-delà des demandes allemandes ­ et les juifs de nationalité française ne furent pas épargnés, contrairement aux accords avec l'Allemagne ­ sur 300.000 juifs vivant en France, 80.000 ont été déportés).

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B- Les formes de la collaboration
 
Les rapports entre la France et l'Allemagne sont d'abord inscrits dans les conditions d'Armistice :
-          occupation de la zone Nord (sous administration allemande militaire de Bruxelles)
-          frais d'occupation exorbitants (58% du revenu national ­ de quoi entretenir une armée de 10 millions de soldats)
« Pour moi la collaboration des Français n'a qu'un seul sens : s'ils fournissent tout, et de bon gré, jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus, alors je dirai que je collabore » déclarait Hermann Goering.
Comment les partisans de la collaboration ont-ils pu croire les promesses de « donnant-donnant » malgré tous les démentis et toutes les humiliations subies ? Dans les différentes tentatives pour obtenir des garanties d'Hitler, lui-même, les dirigeants de Vichy n'ont jamais rien obtenu. Pourtant l'espoir a toujours été poursuivi.
 
 
1) La collaboration économique
L'exploitation économique de la France s'est apparentée à un pillage payé avec l'argent français. Dans beaucoup de secteurs économiques, on a vendu à ceux qui pouvaient acheter et donc aux Allemands. Louis Renault disait « une seule chose compte : moi et mon usine. Les autres n'ont qu'à faire pareil. »
 
 
2) Le gouvernement de Vichy
La thèse du double jeu a été échafaudée en 1944 et avancée dans les procès par les responsables de Vichy. Les autorités de Vichy quelles qu'elles soient ont fait des propositions d'engagement aux côtés de l'Allemagne qui n'ont pas abouti du fait du désintérêt d'Hitler. De même, quand a eu lieu le débarquement en Afrique du Nord, Pétain ordonne de combattre les Américains alors qu'il se contente de protester contre l'invasion de la zone sud par l'armée allemande. Les autorités allemandes ont par ailleurs été tenues au courant des tractations avec les Américains. Laval le disait en 1942 : « je souhaite la victoire de l'Allemagne, car, sans elle, bientôt le communisme s'installera partout en Europe ».
 
 
3) La collaboration au service de l'occupant
Elle va de la simple délation à la fréquentation mondaine des troupes de l'occupant. La collaboration parisienne (constamment critique à l'égard de Vichy) était utilisée par les Allemands pour faire pression sur Vichy. Les hommes engagés dans la répression (la milice) jouèrent un rôle important dans le régime.
 
Episode du 12 novembre 1943 :
Pétain projette de se défaire de Laval en le congédiant dans un message à la Nation diffusé à la radio. Au jour et à l'heure annoncés, le message n'est pas diffusé. L'ambassadeur Abetz somme Pétain de nommer des hommes sûrs, avec à leur tête Pierre Laval.
 
         Pour certains collaborateurs le retour en arrière n'est plus possible : les menaces s'intensifient à leur égard (lettres anonymes, inscriptions sur les demeures, dénonciations nominales à la radio de Londres). Ainsi s'opère une fuite en avant des collaborateurs.
 
 
 
II- Résistance et Libération
 
La Résistance comme la Libération ont été conçues comme un mythe unificateur. La résistance était une action limitée tant du point de vue de sa puissance que du point de vue du nombre. A bien des égards elle a été divisée et l'est restée malgré son unification sous l'égide de CDG.
 
 
A- Résistance : dissidences et guerre civile
 
La résistance était une dissidence d'avec le gouvernement français qui avait demandé l'armistice.
Le terme générique de résistance ne doit pas faire oublier les divisions existantes :
-          intérieur / extérieur
-          divisions entre les groupes en raison de différentes appartenances politiques
 
1) La résistance à l'étranger :
Le 17 Juin 1940, CDG part à Londres avec le Général Spears. Il prendra le rôle de chef de la France libre. Ce statut lui fut cependant longtemps disputé par l'Amiral Muselier. Certains exilés refusaient de rejoindre l'équipe de CDG qu'ils voyaient comme sectaire et contre la démocratie. Un soutien à la France libre vint du gouverneur d'Afrique Equatoriale Française Felix Eboué et donna une sorte de base territoriale à la souveraineté gaulliste. CDG est longtemps apparu comme l'homme des britanniques. Il a bénéficié du soutien d'un Churchill agacé et subit la défiance d'un Roosevelt qui le soupçonnait de visées prétoriennes et qui maintint un ambassadeur à Vichy jusqu'en 1945. En outre Roosevelt soutint legénéral Giraud en 1943 avec le projet de placer la France libérée sous gouvernement Américain. En mai 1943 la France Libre s'installa à Alger. Pendant un an CDG et le général Giraud se disputèrent sa direction. CDG finit par évincer Giraud. Le gouvernement de la France libre se livrait à une activité législative par ordonnances et proclamait la nullité des « actes soi-disant lois du gouvernement de Vichy ». Le 2 juin 1944, dans la perspective de la libération, le GPRF fut créé.
 
2) La résistance intérieure :

Elle s'était d'abord manifestée symboliquement le 11 novembre 1940 (manifestations près des monuments aux morts), puis l'attaque de l'URSS par l'Allemagne en 1941 lança le PC dans la résistance. La formation d'une résistance militaire fut encore encouragée par la création du STO : pour lui échapper, les jeunes gens rejoignirent la résistance à partir de 1943. Les contraintes de la clandestinité imposaient le cloisonnement de la résistance. Le rôle fédérateur de la résistance extérieure en était d'autant facilitée : ainsi Jean Moulin (émissaire de CDG) réussit à unifier la résistance, quoique de façon imparfaite (les communistes gardèrent beaucoup d'autonomie).
 
 
B- La Libération
 
Prendre sa place dans le conflit avait été une des préoccupations principales de CDG : maintenir « le rang » de la France, reprendre sa place dans le camp des vainqueurs. Mais les espoirs de CDG furent en partie déçus : la France ne fut pas conviée aux grandes conférences de Téhéran, Yalta et Potsdam.
 
1) Le contrôle de la nouvelle autorité politique
Le GPRF était confronté à la difficile tâche d'affirmer son autorité devant :
-          les alliés (et le projet d'Amgot)
-          Vichy (négociations multiples avec Laval qui a cherché un compromis en 1944)
-          L' Administration (qui avait servi Vichy)
-          Les différents courants de la résistance intérieure
Dans l'esprit de CDG la libération était une restauration de l'autorité politique légitime. Après quelques ultimes tentatives irréalistes, les principaux responsables de Vichy furent emmenés en Allemagne par les troupes allemandes en retraite. A leur retour ils furent sévèrement punis : Pétain condamné à perpétuité, Laval exécuté et les collaborateurs furent victimes de l'épuration (environ 10.000 exécutions)
 
2) Un temps de réformes

Paradoxalement, on peut noter une convergence entre les secteurs modernistes de Vichy et certains secteurs de la résistance sur la modernisation, le dirigisme, la paix sociale En effet, les contraintes de lareconstruction étaient elles aussi celles d'une économie de pénurie.
Réformes :
-          suffrage des femmes
-          nationalisations-sanctions
-          création de la sécurité sociale
-          création du commissariat général au plan
 
 

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