Euthanasie
Un tétraplégique
implore le Président Chirac d'autoriser qu'il soit euthanasié.
Un geste qui intervient peu après le suicide médicalement
assisté de Mireille Jospin.
L'opinion est nuancée sur ces questions. D'où la
grande prudence de l'équipe Raffarin.
CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS
Vous avez le droit de grâce et moi, je vous demande le droit de mourir. Je ne veux plus vivre dans ce monde où je fais souffrir les miens. M.le Président, vous êtes ma dernière chance.´
Le débat sur l'euthanasie a douloureusement rebondi lundi, à la faveur de l'appel lancé dans les médias par un tétraplégique de 21 ans sollicitant le droit de mourir au Président Chirac. Le jeune homme, paralysé, muet et aveugle à la suite d'un accident routier, a imploré le chef de l'Etat de permettre qu'il soit mis fin à ses souffrances et au chagrin de ses proches.
Son témoignage est d'autant moins passé inaperçu qu'il est intervenu quelques jours à peine après le suicide médicalement assisté de Mireille Jospin. `Sereine´, la mère de l'ancien Premier ministre, qui était âgée de 92 ans et militait à l'Association pour le droit à mourir dans la dignité, trouvait qu'il était `temps de partir avant que les détériorations ne s'installent´.
En France, l'euthanasie est illégale, condamnable et réprimée, comme l'a encore montré en 1998 la condamnation en assisses à de la prison (avec sursis) d'une personne l'ayant pratiquée. Le code pénal distingue toutefois l'euthanasie active, assimilée à un homicide, et l'euthanasie passive, théoriquement considérée comme de la non-assistance à personne en danger. Et dans les faits, l'abstention thérapeutique est tolérée par la justice et autorisée par le code de déontologie médicale à deux conditions. Quand le refus de soins a été expressément exprimé par le patient, et quand les pratiques curatives sont devenues inutiles.
`Une mauvaise réponse´
Ces vingt dernières années, plusieurs propositions de loi dépénalisant ou légalisant l'euthanasie n'ont jamais abouti. Sous la précédente législature, le ministre de la Santé Bernard Kouchner a relancé le débat: il a avoué avoir jadis abrégé les souffrances de certains de ses patients et a déploré que, la loi contredisant les pratiques, les médecins soient `laissés seuls face à leur conscience´. Le Comité national d'éthique, pour sa part, a recommandé la reconnaissance d'une `exception d'euthanasie´ non punissable si encadrée et limitée aux cas extrêmes. Mais cet avis a été très discuté. Dès lors, la loi de 2002 sur les droits des malades s'est contentée de rappeler aux praticiens leur devoir de soulager la douleur des patients et de leur assurer une vie digne jusqu'à la mort.
Une prudence identique est de mise chez l'actuel ministre de la Santé. Le libéral Jean-François Mattéi, lui même médecin, juge que `l'euthanasie est la mauvaise réponse aux questions de fond de la douleur, la solitude et l'abandon´. Parfois `des transgressions´ peuvent être tolérées. Mais `la société, qui a besoin de repères et d'interdits, ne peut écrire dans une loi qu'un homme serait autorisé à donner la mort´. Demeurent les soins palliatifs, donc: `Quand on ne peut plus soigner un patient, il reste à prendre soin.´
Ce refus de la légalisation de l'euthanasie est partagé: moins d'un Français sur trois prône cette option. Mais un Français sur deux veut la dépénalisation de cette pratique - seuls 15pc des sondés approuvant le maintien du dispositif actuel.
© La Libre Belgique 2002