Chirac
Quatrième volet de notre série consacrée aux grands enjeux politiques des élections présidentielles des 21 avril et 5 mai prochains
CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS
Les lendemains électoraux seront décisifs pour la droite française. En effet, que Jacques Chirac l'emporte ou soit battu, cette famille politique va vraisemblablement connaître une importante recomposition.
Si le Président est réélu, la dynamique tendant à la création d'un grand parti présidentiel de droite s'accélérera. Ce parti présidentiel sera créé sur les bases de l'Union en mouvement (UEM), le club de chiraquiens fondé l'an dernier par l'entourage de Jacques Chirac et l'ancien Premier ministre Juppé. Pendant français de l'Alliance populaire espagnole ou de la CDU allemande, il servira de vivier à la nouvelle `génération Chirac´ (les `quadras´ Dutreil, Gaymard, Copé, etc.) et fera office de machine de guerre de la droite pour les élections présidentielles de 2007. Et de tremplin personnel pour les présidentiables? Sans doute. Juppé, le `fils préféré´ du Président, ne devrait pas tarder à tenter d'en prendre le contrôle. A fortiori si sa rivalité avec Nicolas Sarkozy, `l'enfant terrible´ de Chirac, est apaisée, via par exemple la nomination de ce dernier à Matignon.
N'en déplaise aux barons gaullistes, ce grand parti présidentiel devrait à terme englober le RPR, fût-ce en y mettant les formes. Devrait aussi y être intégrée la centaine de parlementaires UDF et Démocratie libérale qui ont appelé à voter Chirac dès le premier tour. L'UDF et DL subsisteraient en tant que petits satellites du parti présidentiel uniquement si leurs leaders, François Bayrou et Alain Madelin, ne sont pas sortis humiliés du scrutin, à savoir s'ils ont au moins atteint 5 pc.
Les bouleversements ne seraient pas moindres en cas d'échec de Jacques Chirac. Sitôt les législatives de juin achevées - et a fortiori si elles sont mauvaises pour la droite, comme le sont traditionnellement les législatives qui suivent les présidentielles -, d'impitoyables règlements de compte surviendraient. Malgré les inévitables appels à l'union, les leaders du RPR réticents à l'absorption de leur parti par l'UEM devraient parvenir sans trop de peines à saborder cette structure. Si la défaite de Chirac a été précédée d'une déroute de Bayrou et de Madelin, la zizanie gagnera l'UDF et DL. Au minimum, le centriste et le libéral seront accusés d'avoir contribué à la défaite de Chirac. Ils seront donc victimes de tentatives de putsch ourdies par leurs rivaux (l'UDF Douste-Blazy et le libéral Raffarin), qui, si Chirac échoue, devraient vouloir recréer l'UDF d'avant la scission DL de 1998.
UNE BIPOLARISATION ACCRUE?
L'UDF devrait cependant mieux résister aux attaques que DL. A l'inverse de Madelin, Bayrou pourra s'appuyer sur un grand nombre de parlementaires restés fidèles, un réseau étendu d'élus locaux et de militants, des relais catholiques encore très enracinés en France rurale et, d'après les sondages, un meilleur score que son collègue libéral. Il n'empêche, que Chirac remporte ou perde l'Elysée, l'avenir de l'UDF s'annonce sombre. La confédération démocrate-chrétienne créée en 1978 par Giscard n'a que laborieusement digéré l'échec balladurien de 1995, la compromission de ses élus régionaux avec le FN en 1998, et le schisme madeliniste. Financièrement elle est mal en point et politiquement, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, comme l'ont encore illustré la dissidence de Christine Boutin et les velléités élyséennes de Hervé de Charette.
La disparition - ou, plus probablement, la réduction
à portion congrue - du parti qui fut jadis la première
force du pays accentuerait évidemment la bipolarisation
de la vie politique. Les centristes s'en consoleront en constatant
que leurs chevaux de bataille (décentralisation, Europe,
etc.) ont depuis longtemps conquis les néo-gaullistes.
Toutes proportions gardées, ils auront donc été
à droite ce que furent les rocardiens à gauche:
victorieux dans les combats d'idées mais défaits
dans les batailles électorales et les luttes d'appareil...
Jacques Chirac a dénoncé, hier, au cours d'un déplacement électoral à Dreux, « l'expression démagogique de l'autoritarisme », visant sans le citer son adversaire du second tour, le président du Front national Jean-Marie Le Pen.
Pour sa première sortie de terrain depuis le premier tour de la présidentielle, le président candidat avait choisi Dreux, ville symbolique de la percée électorale du Front national en 1983, puis de son déclin depuis 1993.
Au premier tour de la présidentielle, dimanche, Jacques Chirac est en effet arrivé en tête à Dreux avec 22,97 % des suffrages, un score supérieur à sa moyenne nationale (19,88 %), contre 19,50 % en 1995. Le président du FN, qui était en tête dans la ville en 1995 avec 23,61 %, n'a plus obtenu dimanche que 18,05 %.
Au cours d'un dialogue avec une quarantaine d'habitants de Dreux et de sa région, travailleurs sociaux, élus, animateurs de quartier, patrons de PME, enseignants, étudiants, lycéens, mères de famille, M. Chirac a répondu pendant trois heures aux multiples questions sur son programme. Sécurité, lutte contre les discriminations, baisse des impôts, éducation, revalorisation de l'enseignement professionnel, 35 heures, le candidat a utilisé le même ton qu'avant le premier tour, avec toutefois la volonté de mettre en valeur les aspects positifs dans les quartiers sensibles, occultés, selon lui, par la violence.
En matière d'insécurité, « l'expérience prouve que les dérèglements de la société, et on l'a vu ces derniers jours, trouvent toujours en contre-partie l'expression démagogique de l'autoritarisme », a-t-il déclaré. « Je suis venu à Dreux parce que l'action qui a été conduite par le maire, le conseil municipal et les élus a été une action responsable et qui apporte une démonstration, c'est que lorsqu'on prend les choses à bras le corps, avec les faibles moyens des maires, on fait reculer l'extrémisme », a souligné M. Chirac.
« La défense des valeurs suppose l'action »
A Dreux, le député-maire RPR, Gérard Hamel
a mis en place un ambitieux plan d'action social et de sécurité.
Aux municipales de 2001, il a été réélu
dès le premier tour avec 55,55 % des suffrages. Le FN n'avait
pas été en mesure de présenter de liste,
contrairement au MNR de Bruno Mégret.
Le président sortant a assuré avoir entendu le message des urnes, « un jugement très négatif sur la façon dont le système politique, au sens large, fonctionne ». Les valeurs de la République, « ce ne sont pas simplement des mots sur les frontons de nos mairies, ce sont des réalités qui doivent être mises en uvre, soutenues par une action permanente », a-t-il dit.
« Lorsqu'on laisse, par inaction, les gens s'imaginer que ces valeurs, ce n'est pas pour eux, c'est seulement pour les autres, alors il y a un mal profond », a-t-il ajouté. « La défense des valeurs suppose l'action » et « pendant trop longtemps nous n'avons pas suffisamment agi », a reconnu M. Chirac.
Samedi 27 Avril 2002
Tous droits réservés - © Nice-Matin