Banlieue

Les armes de guerre se multiplient

La grenade d'origine yougoslave lancée jeudi soir contre le commissariat de Vitry-sur-Seine, ville de la banlieue parisienne en proie à des violences depuis trois nuits, vient à nouveau illustrer l'inquiétante prolifération en France d'armes de guerre dans les mains de délinquants.

"L'engin était fait pour blesser et tuer. Il n'a rien à voir avec les habituels cocktails Molotov qui sont de confection artisanale", a déclaré samedi à l'AFP un enquêteur de la police judiciaire départementale du Val-de-Marne.

La grenade défensive --arme de guerre, classée en première catégorie-- n'a heureusement pas explosé, mais ce fait divers vient rappeler que le milieu et des délinquants de banlieue détiennent des armes de guerre, souvent en provenance de l'ex-Yougoslavie.

Selon Yves Gollety, président de la chambre syndicale des armuriers, "les trafics ne cessent d'augmenter, en particulier en provenance de la zone des Balkans".

"Les banlieues chaudes grouillent d'armes lourdes depuis environ deux ans", estime pour sa part le criminologue Xavier Raufer.

"Ces armes de guerre", explique-t-il, "sont convoyées en France par les milieux criminels serbe, croate ou la mafia albanaise. Mais ce trafic n'existe que parce qu'il répond à une demande croissante, notamment de la part des +start-up criminelles+, ces groupes de malfaiteurs de banlieue en train de passer au banditisme organisé".

Ainsi, les lance-roquettes, les Kalachnikov ou les pistolets-mitrailleurs de type Skorpio, Makarov ou Tokarev remplacent-ils progressivement les vieux équipements de la seconde guerre mondiale, comme le Colt 45, ou plus simplement les fusils de chasse.

Quant aux petits caïds qui se contentaient jadis d'attaquer une épicerie avec un pistolet à grenaille, "ils ont désormais envie d'avoir des armes plus puissantes et ils les utilisent de plus en plus volontiers", constate un expert en sécurité intérieure, qui parle sous couvert d'anonymat. "Il y a beaucoup plus d'armes en circulation qu'avant", assure-t-il.

Un homme avait ainsi été interpellé à la mi-septembre à Paris en possession de deux lance-roquettes. La police a déjà saisi des lance-roquettes ainsi que des armes lourdes, en l'occurrence des fusils d'assaut Kalachnikov, en région parisienne ou dans les banlieues des grandes agglomérations en province.

Le 27 août, un lance-roquettes avait été découvert fortuitement dans un garage de Saint-Fons, dans la banlieue lyonnaise. A Nanterre (Hauts-de-Seine), dans une cité sensible, et dans la capitale, des saisies de fusils Kalachnikov avaient été opérées à la même époque en petites quantités.

Une grosse prise avait été effectuée quelques mois plus tôt, également en région parisienne, par la Brigade de répression du banditisme (BRB), qui avait précisé que les armes et la quinzaine de lance-roquettes découverts à cette occasion étaient destinés au milieu et pouvaient le cas échéant servir à attaquer des fourgons blindés.

Ces lance-roquettes étaient de fabrication serbe et ont été produits "par milliers" dans l'ex-Yougoslavie entre 1986 et 1990, avait expliqué un enquêteurs.

Magistrats et policiers soulignent que la lutte contre la circulation des armes de guerre est rendue plus ardue, notamment en région parisienne, par l'absence fréquente de réseaux spécialisés. Selon une juge, les ventes se font plutôt "sous le manteau et de manière occasionnelle".

Stéphane Buisson, secrétaire du syndicat de policiers Alliance du département de la Seine-Saint-Denis, constate: "Nous sommes le dernier maillon. Les armes viennent des Balkans, acheminées comme la drogue par bateau ou camion, et les véritables trafiquants sont plutôt localisés à proximité de l'Italie, à Cannes, Nice, Grenoble et Lyon".

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