Lettre
à René Mailhot
L'article
Le Québec vu d'ailleurs, 6 février 07 (Ses carnets,
Radio-Canada.ca)
L’excellent hebdomadaire français Courrier international publie
dans sa dernière édition un article intitulé Les
Québécois ne sont pas racistes, ce sont les médias
qui ont l’«esprit étroit». L’article est
rédigé par le président de l’association Migrants
Maghreb Canada, Ahcène Moussi, et provient du Quotidien d’Oran,
un journal algérien respecté. L’article est
adressé aux journalistes québécois.
Je vous le cite, car il en vaut la peine: «[..] ce n’est pas la
foule des Québécois qui est raciste, ni les
communautés culturelles présentes au Québec qui
seraient particulièrement mal insérées, mais
certains animateurs radio et télé qui auraient l’esprit
un peu étriqué», écrit-il...
«J’ai souvent lu ou écouté ces derniers temps des
articles ou des émissions portant sur le racisme, les gangs de
rue, l’immigration ou encore ces soi-disant accommodements raisonnables
et j’ai été scandalisé par la facilité avec
laquelle certains animateurs jettent l’anathème sur les
minorités visibles. Ils leur font porter le chapeau pour tous
les maux de la société québécoise, tout en
refusant de voir la réalité des grandes métropoles
qui doivent composer avec une population très
hétérogène, car venant d’horizons et de milieux
divers et multiples. Le problème de Montréal n’est pas
unique et toutes les grandes métropoles du monde le
vivent.» Et de conclure: «Certaines émissions
(aussi bien à la radio qu’à la télévision)
n’ont, en fait d’émission, que le nom. Elles mettent au jour une
étroitesse d’esprit de leurs animateurs, ainsi qu’une vue
biaisée des choses et la partialité de leurs
jugements.»
J’ai lu et relu cet article en me disant qu’il contenait sans doute
beaucoup de vérités. Pour le voir, il faut revenir sur le
fil des événements. En novembre, il y a d’abord eu ces
histoires sur les fenêtres givrées du YMCA, sur les femmes
policières qui ne devaient pas s’adresser aux juifs hassidiques,
etc. C’est à qui, parmi les médias, trouverait l’histoire
la plus croustillante, histoire de mousser les sacro-saintes cotes
d’écoute. Il n’en fallait pas plus pour que le chef de l’Action
démocratique du Québec, Mario Dumont, enfourche le cheval
et se pourfende de plusieurs déclarations tonitruantes sur le
multiculturalisme et les accommodements raisonnables. Rien pour calmer
le jeu. Les médias se sont lancés, pour leur part,
dans de longues séries sur le thème de l’accommodement
raisonnable, se contentant, pour certains, de décrire des
situations plutôt que de tenter de les expliquer. Dans ce
contexte, le sondage sur le racisme et les interprétations
farfelues qu’on en a faites est venu noircir encore davantage la
situation. Finalement, la cerise sur le gâteau: l’affaire
d’Hérouxville, que l’on a évidemment montée en
épingle.
Bref, si on fait la somme de tous ces événements, qui,
dans les faits, ne sont souvent que des faits divers, à cause
d’une surenchère que j’ai rarement connue dans ce métier
depuis 40 ans, on a fini par donner l’image d’un Québec dans la
tourmente où les pauvres immigrants n’ont qu’à bien se
tenir s’ils veulent rester.
Qui sont les vrais responsables de cette situation: des
Québécois qui seraient racistes? Ou des journalistes qui
cherchent à faire monter leurs parts dans la jungle
médiatique? Une bonne réflexion s’impose dans la
confrérie!
Mon commentaire
Bonjour, M. Mailhot,
Il est vrai que certains animateurs - et certains journalistes -
ont "l'esprit un peu étriqué" et que, ajouterai-je,
contrairement à leur soit-disant grande ouverture sur toutes les
communautés culturelles, ils se montrent très
fermés quand il s'agit de notre propre communauté. Le
traitement qu'on a fait d'Hérouxville, et plus
particulièrement de l'un de ses conseillers, André
Drouin, en est une preuve manifeste, je n'insiste pas.
M. Moussi dit avoir été "scandalisé par la
facilité avec laquelle certains animateurs jettent
l’anathème sur les minorités visibles". - Que voici une
étonnante affirmation, vous ne trouvez pas? Moi, ce que j'ai vu
et ce qui m'a scandalisée, c'est qu'on n'a pas cessé de
jeter l'anathème sur la majorité, depuis si longtemps
silencieuse, qui a enfin cessé d'avoir peur de se faire traiter
de "raciste" et de "xénophobe", et qui a pris la parole pour
dire qu'elle ne pouvait plus tolérer les abus, les entorses
flagrantes à nos principes (dont celui de
l'égalité hommes-femmes), et qui a réclamé
- et enfin obtenu - une commission d'enqu&ête pour établir
des balises claires sur ce qui est tolérable et raisonnable, et
ce qui ne l'est pas. Je vous signale que suite aux graffitis qui ont
sali le village d'Hérouxville, le porte-parole de la
Sûreté du Québec a affirmé, sans sourciller,
que "les propos ne sont ni haineux ni menaçants". -
In-vrai-sem-bla-ble! In-qui-é-tant! Si ces graffitis
avaient été placés ailleurs, dans un quartier ou
un édifice d'une communauté ethnique, on aurait tout de
suite crié au racisme et à la xénophobie.
Qu'est-ce que c'est, M. Mailhot, que cette justice du "deux poids, deux
mesures"? A quand une chanson pour dire, haut et clair, qu'on en a
ras-le-bol de cette justice-là, et d'être les seuls
à être traités de racistes et de xénophobes?
Vous parlez de surenchère que vous avez rarement connue en 40
ans. Il est vrai que surenchère il y a eu, mais ne croyez-vous
pas qu'elle était devenue nécessaire pour enfin crever
l'abcès? pour qu'enfin, un débat sérieux et
approfondi ait lieu sur ce que Nathalie Collard a appelé "les
vraies affaires", et Dany Laferrière "le vrai fond des choses"?
Cette surenchère, ce débordement émotif, ce "cri
du coeur" que l'on a entendu, en ce mois de janvier 2007 au
Québec, et qui a mené à la création d'une
Commission d'enquête, était nécessaire et il
était grand temps qu'il soit... vociféré!
Vous terminez par "l’image d’un Québec dans la tourmente
où les pauvres immigrants n’ont qu’à bien se tenir s’ils
veulent rester." - Un Québec dans la tourmente, oui. Mais non un
Québec qui aurait réagi à toute différence
culturelle "normale", ne contrevenant aucunement à nos principes
et à nos valeurs. Il s'agit d'un Québec qui a
réagi à des demandes abusives de la part de certains
individus de certaines communautés culturelles, et remises en
question, d'ailleurs, par une majorité des membres de ces
mêmes communautés, demandes qui viennent saper les
principes mêmes de notre société et jusqu'aux
droits et libertés inscrits dans nos Chartes! (Je pense, en
particulier, à certaines femmes musulmanes, celles qu'on oblige
à porter le tchador et la burka et qui sont entièrement
soumises à leurs maris; je pense à la perception et au
comportement sexistes des Juifs hassidiques, pour qui la femme est
impure, donc à éviter absolument). Ce ne sont pas
à tous les immigrants ou, plus justement, à toutes les
communautés ethniques et culturelles que nous nous opposons,
mais à celles, encore minoritaires mais très puissantes,
qui veulent imposer certaines pratiques et coutumes qui heurtent et
détruisent nos valeurs fondamentales. L'expression que vous
utilisez ("n’ont qu’à bien se tenir s’ils veulent rester") est
méprisante à notre égard. Nous ne voulons pas une
assimilation, nous voulons une harmonieuse intégration à
notre société de tous ceux et celles qui viennent
s'établir chez nous, parce que, pour la grande majorité,
ils sont venus précisément parce que nous sommes un pays
libre et démocratique et se sont bien intégrés.
Quant à moi, je dis bravo à ce "Québec profond"
d'où est venu le rappel que la liberté et la
démocratie sont en péril, dans certains cas
précis, et qu'il faut réagir immédiatement.