Voici d'abord le texte intégral de l'article que nous allons
critiquer.
Hérouxville:
une résolution maladroite
par Philippe Bégin, étudiant en droit, Le Nouvelliste,
Shawinigan
La surprise, la révolte et enfin l'amertume se sont
emparés de moi lorsque j'ai lu l'article de Cindy
Lévesque relatant la résolution portant sur les "normes
de vie" adoptée par le conseil municipal d'Hérouxville.
Cela m'a permis de constater l'ampleur de l'incompréhension
collective qui règne depuis l'application des fameux
accommodements raisonnables énoncés par la Cour
suprême du Canada. Selon moi, Hérouxville n'a rien
à gagner, mais tout à perdre si elle maintient la
présente position.
Premièrement, il est clair que la résolution
déborde les pouvoirs de réglementation qu'une
municipalité possède en vertu de la Loi sur les
cités et villes. L'objectif premier de cette loi est de
donner aux municipalités un pouvoir local de
réglementation et de gestion portant sur les infrastructures et
les fonds municipaux; non la création d'une "charte
hérouxvilloise des droits et libertés de la personne".
Était-il vraiment nécessaire de dénoncer des
comportements antisociaux tels l'excision et la lapidation des femmes
sur la place publique? N'existe-t-il pas déjà un Code
criminel ainsi qu'une Charte canadienne des droits et libertés
à cet effet? Le véhicule choisi par la
municipalité pour s'exprimer est tout simplement
inapproprié. Le message de "vivre et laisser vivre" que la
municipalité exprime maladroitement serait mieux diffusé
par un comité d'accueil et d'intégration des immigrants
que par l'adoption de résolutions municipales.
Deuxièmement, comment Hérouxville peut-elle se
prétendre favorable à l'immigration suite à une
telle résolution? La majorité du texte
énumère une liste exhaustive de reproches aux cultures
étrangères! Le message de bienvenue passera
inaperçu aux yeux d'un immigrant qui considère
s'établir là. Inviteriez-vous à dîner un
étranger à l'aide d'une carte d'invitation lui soulignant
ses pires défauts?
Finalement, je crois que la règle des accommodements
raisonnables n'est pas à craindre car elle est tout à
notre honneur. Son application est l'expression même de
l'ouverture d'esprit des Canadiens. Son objectif n'est pas d'entraver
notre culture, mais de permettre aux immigrants de conserver les petits
rites inoffensifs qui reflètent leur identité culturelle.
Savez-vous combien d'homicides furent commis au Canada à l'aide
du Kirpan, le poignard sacré des Sikh? Aucun!
Comme le souligne la plus haute instance du pays, un stylo, des ciseaux
ou une brosse à dent dans les mains de la mauvaise personne sont
probablement beaucoup plus fatals qu'un couteau non tranchant
inséré dans un fourreau de façon à le
rendre inutilisable. La crainte doit faire place à la
sensibilisation et à la compréhension.
Hérouxville devrait laisser tomber son monologue et faire place
au dialogue, car il est clair qu'elle possède à la base
de très nobles intentions.
Critique de cette critique
"La surprise, la révolte et
enfin l'amertume se sont emparés de moi
lorsque j'ai lu l'article de Cindy Lévesque relatant la
résolution
portant sur les "normes de vie" adoptée par le conseil municipal
d'Hérouxville."
Là-dessus, je demande à M. Bégin de nous dire s'il
a lu le texte adopté par la municipalité
d'Hérouxville. Quant à moi, je n'ai pas lu l'article de
Cindy Lévesque, mais je sais que bon nombre de journalistes
n'ont mentionné que certains mots du document, surtout
"lapidation" et "excision". Or, la déclaration
d'Hérouxville va bien plus loin et bien plus en profondeur que
cela. En particulier, elle affirme, en premier lieu,
l'égalité des hommes et des femmes. Qui en a
parlé? Qui l'a seulement mentionné? Jusqu'à
présent (31 janvier 07), personne!
"Cela m'a permis de constater
l'ampleur de
l'incompréhension collective qui règne depuis
l'application des fameux
accommodements raisonnables énoncés par la Cour
suprême du Canada."
Incompréhension, dites-vous? Moi, je me demande qui ne comprend
pas quoi. Il y a maintenant près de deux semaines
complètes que je travaille quotidiennement sur le sujet, dans le
but de mieux comprendre les enjeux qui se cachent derrière la
question des accommodements raisonnables, qui ne sont probablement que
la pointe de l'iceberg d'un problème très sérieux
et très grave qu'on a bien trop tendance à occulter. Par
ce travail de recherche et d'écriture, j'essaye aussi de faire
comprendre la nécessité et l'urgence d'entamer un large
débat sur la question de l'intégration. Ce qu'ont fait
les élus municipaux d'Hérouxville, c'est
précisément 1) d'avoir pris conscience de l'importance de
cette question et, 2) d'avoir réussi à enclencher ce
débat! "Nous
saluons
vivement l'aspect positif que ce débat suscite jusqu'ici, nous
démontrant que la population en comprend très bien les
enjeux", a écrit le webmestre du site d'Hérouxville,
Bernard Thompson. Moi aussi, je le salue!
"Selon moi, Hérouxville n'a
rien à gagner, mais tout à perdre si elle
maintient la présente position."
Mais non, bien au contraire! Non seulement Hérouxville, mais
nous tous, Québécois et Québécoises de
toutes origines, avons tout à gagner en travaillant à
l'élaboration de balises encadrant ce qu'on appelle "les
accommodements raisonnables", en nous donnant collectivement un cadre
de référence pour juger de ce qui est acceptable et
tolérable, ou non. Le mouvement d'éveil doit continuer,
et aboutir à quelque chose de concret qui nous permettra de
vraiment vivre dans un Québec pluraliste harmonieux. Pour cela,
non seulement Hérouxville doit maintenir sa position, mais faire
des p'tits!!
"Premièrement, il est clair
que la résolution déborde les pouvoirs de
réglementation qu'une municipalité possède en
vertu de la Loi sur les
cités et villes. L'objectif premier de cette loi est de
donner aux
municipalités un pouvoir local de réglementation et de
gestion portant
sur les infrastructures et les fonds municipaux; non la création
d'une 'charte hérouxvilloise des droits et libertés de la
personne'. "
C'est possiblement vrai, mais la véritable question, de toute
façon, n'est pas là. Même s'il
s'avérait que ce document n'a aucune valeur juridique, ce qui
importe, c'est sa signification en tant que telle, le fait qu'il ait
été pensé et réalisé et, surtout,
qu'il permette de commencer un véritable débat sur la
question et débouche sur un énoncé de principes
collectif, à l'échelle nationale, débat où
toute personne, quel que soit son âge, son sexe, sa religion, sa
race ou son ethnie, aura le droit de parole.
"Était-il vraiment
nécessaire de dénoncer des comportements antisociaux
tels l'excision et la lapidation des femmes sur la place publique?"
Je ne vous le fais pas dire! Nous n'acceptons pas, ici, de tels
comportements, et nous le disons clairement!
"N'existe-t-il pas déjà
un Code criminel ainsi qu'une Charte canadienne
des droits et libertés à cet effet?"
Oui, bien sûr, mais ça ne nous empêche pas de le
redire et de le proclamer haut et fort, d'autant plus que se dessine,
à l'horizon, la perspective que des femmes réclament
bientôt - devinez quoi? "Le droit à l'excision"!!! Or,
à ce prétendu droit, nous devons répondre
clairement: "Non, ici, pas question!"
"Le véhicule choisi par la
municipalité pour s'exprimer est tout simplement
inapproprié. Le
message de "vivre et laisser vivre" que la municipalité exprime
maladroitement serait mieux diffusé par un comité
d'accueil et
d'intégration des immigrants que par l'adoption de
résolutions
municipales."
Là, on se demande vraiment qui manifeste de
l'incompréhension... Monsieur Bégin ignore sans doute que
le Conseil municipal d'Hérouxville a acheminé une demande
d'aide et de support (3 lettres) aux instances gouvernementales
concernées par l'immigration, et que le but de leur
démarche, justement, est de faire connaître, clairement et
d'avance, nos valeurs, us et coutumes, ce qu'on accepte et ce qu'on
n'accepte pas, aux futurs immigrants désireux de venir vivre
chez
nous, et avec nous.
"Deuxièmement, comment
Hérouxville peut-elle se prétendre favorable à
l'immigration suite à une telle résolution? La
majorité du texte
énumère une liste exhaustive de reproches aux cultures
étrangères!"
D'abord, lorsqu'on se donne la peine de lire les documents produits par
le Conseil municipal d'Hérouxville, on se rend compte que les
"nouveaux arrivants", quels qu'ils soient (je pourrais en faire partie
si je désirais m'y installer), sont non seulement les bienvenus,
mais attendus. - Des "reproches", dites-vous? Si c'est le cas, quels
sont ces "reproches"? Si je déclare que le viol est
intolérable, je fais un "reproche" aux violeurs?? Allons donc!
La question n'est pas là.
"Le
message de bienvenue passera inaperçu aux yeux d'un immigrant
qui
considère s'établir là. Inviteriez-vous à
dîner un étranger à l'aide
d'une carte d'invitation lui soulignant ses pires défauts?"
"Ses pires défauts".... Comme plus haut avec "des comportements
antisociaux", vous admettez que ces "défauts" (comme l'excision,
la ségrégation sexuelle, l'isolement social des femmes,
entre autres) sont des "défauts" à la démocratie
et au principe d'égalité, "défauts" à
propos desquels nous disons clairement que nous n'en voulons pas dans
un Québec démocratique et libéral. De plus,
j'imagine fort bien que si je devais quitter mon pays à cause de
telles pratiques et que je lisais la "charte" d'Hérouxville,
oui, avec une telle "carte d'invitation", je voudrais y habiter!
"Finalement, je crois que la
règle des accommodements raisonnables n'est
pas à craindre car elle est tout à notre honneur. Son
application est
l'expression même de l'ouverture d'esprit des Canadiens."
Là-dessus, tout le monde s'entend, en autant que l'on
précise, une fois pour toutes, quels accommodements sont
acceptables et raisonnables, et quels sont ceux qui ne le sont pas.
"Son objectif
n'est pas d'entraver notre culture, mais de permettre aux immigrants de
conserver les petits rites inoffensifs qui reflètent leur
identité
culturelle."
"Les petits rites inoffensifs"...! La question est, justement: le
sont-ils tous? Pour ne prendre que l'exemple de l'excision, est-ce
là "un petit rite inoffensif"?
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