Critique d'une critique des élus municipaux d'Hérouxville

par Thérèse-Isabelle Saulnier


Voici d'abord le texte intégral de l'article que nous allons critiquer.

Hérouxville: une résolution maladroite
par Philippe Bégin, étudiant en droit, Le Nouvelliste, Shawinigan

La surprise, la révolte et enfin l'amertume se sont emparés de moi lorsque j'ai lu l'article de Cindy Lévesque relatant la résolution portant sur les "normes de vie" adoptée par le conseil municipal d'Hérouxville. Cela m'a permis de constater l'ampleur de l'incompréhension collective qui règne depuis l'application des fameux accommodements raisonnables énoncés par la Cour suprême du Canada. Selon moi, Hérouxville n'a rien à gagner, mais tout à perdre si elle maintient la présente position.
Premièrement, il est clair que la résolution déborde les pouvoirs de réglementation qu'une municipalité possède en vertu de la Loi sur les cités et villes.  L'objectif premier de cette loi est de donner aux municipalités un pouvoir local de réglementation et de gestion portant sur les infrastructures et les fonds municipaux; non la création d'une "charte hérouxvilloise des droits et libertés de la personne".
Était-il vraiment nécessaire de dénoncer des comportements antisociaux tels l'excision et la lapidation des femmes sur la place publique? N'existe-t-il pas déjà un Code criminel ainsi qu'une Charte canadienne des droits et libertés à cet effet?  Le véhicule choisi par la municipalité pour s'exprimer est tout simplement inapproprié. Le message de "vivre et laisser vivre" que la municipalité exprime maladroitement serait mieux diffusé par un comité d'accueil et d'intégration des immigrants que par l'adoption de résolutions municipales.
Deuxièmement, comment Hérouxville peut-elle se prétendre favorable à l'immigration suite à une telle résolution? La majorité du texte énumère une liste exhaustive de reproches aux cultures étrangères! Le message de bienvenue passera inaperçu aux yeux d'un immigrant qui considère s'établir là. Inviteriez-vous à dîner un étranger à l'aide d'une carte d'invitation lui soulignant ses pires défauts?
Finalement, je crois que la règle des accommodements raisonnables n'est pas à craindre car elle est tout à notre honneur. Son application est l'expression même de l'ouverture d'esprit des Canadiens. Son objectif n'est pas d'entraver notre culture, mais de permettre aux immigrants de conserver les petits rites inoffensifs qui reflètent leur identité culturelle. Savez-vous combien d'homicides furent commis au Canada à l'aide du Kirpan, le poignard sacré des Sikh? Aucun!
Comme le souligne la plus haute instance du pays, un stylo, des ciseaux ou une brosse à dent dans les mains de la mauvaise personne sont probablement beaucoup plus fatals qu'un couteau non tranchant inséré dans un fourreau de façon à le rendre inutilisable. La crainte doit faire place à la sensibilisation et à la compréhension.
Hérouxville devrait laisser tomber son monologue et faire place au dialogue, car il est clair qu'elle possède à la base de très nobles intentions.


Critique de cette critique

"La surprise, la révolte et enfin l'amertume se sont emparés de moi lorsque j'ai lu l'article de Cindy Lévesque relatant la résolution portant sur les "normes de vie" adoptée par le conseil municipal d'Hérouxville."
Là-dessus, je demande à M. Bégin de nous dire s'il a lu le texte adopté par la municipalité d'Hérouxville. Quant à moi, je n'ai pas lu l'article de Cindy Lévesque, mais je sais que bon nombre de journalistes n'ont mentionné que certains mots du document, surtout "lapidation" et "excision". Or, la déclaration d'Hérouxville va bien plus loin et bien plus en profondeur que cela. En particulier, elle affirme, en premier lieu, l'égalité des hommes et des femmes. Qui en a parlé? Qui l'a seulement mentionné? Jusqu'à présent (31 janvier 07), personne!

"Cela m'a permis de constater l'ampleur de l'incompréhension collective qui règne depuis l'application des fameux accommodements raisonnables énoncés par la Cour suprême du Canada."
Incompréhension, dites-vous? Moi, je me demande qui ne comprend pas quoi. Il y a maintenant près de deux semaines complètes que je travaille quotidiennement sur le sujet, dans le but de mieux comprendre les enjeux qui se cachent derrière la question des accommodements raisonnables, qui ne sont probablement que la pointe de l'iceberg d'un problème très sérieux et très grave qu'on a bien trop tendance à occulter. Par ce travail de recherche et d'écriture, j'essaye aussi de faire comprendre la nécessité et l'urgence d'entamer un large débat sur la question de l'intégration. Ce qu'ont fait les élus municipaux d'Hérouxville, c'est précisément 1) d'avoir pris conscience de l'importance de cette question et, 2) d'avoir réussi à enclencher ce débat! "Nous saluons vivement l'aspect positif que ce débat suscite jusqu'ici, nous démontrant que la population en comprend très bien les enjeux", a écrit le webmestre du site d'Hérouxville, Bernard Thompson.  Moi aussi, je le salue!

"Selon moi, Hérouxville n'a rien à gagner, mais tout à perdre si elle maintient la présente position."
Mais non, bien au contraire! Non seulement Hérouxville, mais nous tous, Québécois et Québécoises de toutes origines, avons tout à gagner en travaillant à l'élaboration de balises encadrant ce qu'on appelle "les accommodements raisonnables", en nous donnant collectivement un cadre de référence pour juger de ce qui est  acceptable et tolérable, ou non. Le mouvement d'éveil doit continuer, et aboutir à quelque chose de concret qui nous permettra de vraiment vivre dans un Québec pluraliste harmonieux. Pour cela, non seulement Hérouxville doit maintenir sa position, mais faire des p'tits!!

"Premièrement, il est clair que la résolution déborde les pouvoirs de réglementation qu'une municipalité possède en vertu de la Loi sur les cités et villes.  L'objectif premier de cette loi est de donner aux municipalités un pouvoir local de réglementation et de gestion portant sur les infrastructures et les fonds municipaux; non la création d'une 'charte hérouxvilloise des droits et libertés de la personne'. "
C'est possiblement vrai, mais la véritable question, de toute façon,  n'est pas là. Même s'il s'avérait que ce document n'a aucune valeur juridique, ce qui importe, c'est sa signification en tant que telle, le fait qu'il ait été pensé et réalisé et, surtout, qu'il permette de commencer un véritable débat sur la question et débouche sur un énoncé de principes collectif, à l'échelle nationale, débat où toute personne, quel que soit son âge, son sexe, sa religion, sa race ou son ethnie, aura le droit de parole.

"Était-il vraiment nécessaire de dénoncer des comportements antisociaux tels l'excision et la lapidation des femmes sur la place publique?"
Je ne vous le fais pas dire! Nous n'acceptons pas, ici, de tels comportements, et nous le disons clairement!

"N'existe-t-il pas déjà un Code criminel ainsi qu'une Charte canadienne des droits et libertés à cet effet?"
Oui, bien sûr, mais ça ne nous empêche pas de le redire et de le proclamer haut et fort, d'autant plus que se dessine, à l'horizon, la perspective que des femmes réclament bientôt - devinez quoi? "Le droit à l'excision"!!! Or, à ce prétendu droit, nous devons répondre clairement: "Non, ici, pas question!"

"Le véhicule choisi par la municipalité pour s'exprimer est tout simplement inapproprié. Le message de "vivre et laisser vivre" que la municipalité exprime maladroitement serait mieux diffusé par un comité d'accueil et d'intégration des immigrants que par l'adoption de résolutions municipales."
Là, on se demande vraiment qui manifeste de l'incompréhension... Monsieur Bégin ignore sans doute que le Conseil municipal d'Hérouxville a acheminé une demande d'aide et de support (3 lettres) aux instances gouvernementales concernées par l'immigration, et que le but de leur démarche, justement, est de faire connaître, clairement et d'avance, nos valeurs, us et coutumes, ce qu'on accepte et ce qu'on n'accepte pas, aux futurs immigrants désireux de venir vivre chez nous, et avec nous.

"Deuxièmement, comment Hérouxville peut-elle se prétendre favorable à l'immigration suite à une telle résolution? La majorité du texte énumère une liste exhaustive de reproches aux cultures étrangères!"
D'abord, lorsqu'on se donne la peine de lire les documents produits par le Conseil municipal d'Hérouxville, on se rend compte que les "nouveaux arrivants", quels qu'ils soient (je pourrais en faire partie si je désirais m'y installer), sont non seulement les bienvenus, mais attendus. - Des "reproches", dites-vous? Si c'est le cas, quels sont ces "reproches"? Si je déclare que le viol est intolérable, je fais un "reproche" aux violeurs?? Allons donc! La question n'est pas là.

"Le message de bienvenue passera inaperçu aux yeux d'un immigrant qui considère s'établir là. Inviteriez-vous à dîner un étranger à l'aide d'une carte d'invitation lui soulignant ses pires défauts?"
"Ses pires défauts".... Comme plus haut avec "des comportements antisociaux", vous admettez que ces "défauts" (comme l'excision, la ségrégation sexuelle, l'isolement social des femmes, entre autres) sont des "défauts" à la démocratie et au principe d'égalité, "défauts" à propos desquels nous disons clairement que nous n'en voulons pas dans un Québec démocratique et libéral. De plus, j'imagine fort bien que si je devais quitter mon pays à cause de telles pratiques et que je lisais la "charte" d'Hérouxville, oui, avec une telle "carte d'invitation", je voudrais y habiter!

"Finalement, je crois que la règle des accommodements raisonnables n'est pas à craindre car elle est tout à notre honneur. Son application est l'expression même de l'ouverture d'esprit des Canadiens."
Là-dessus, tout le monde s'entend, en autant que l'on précise, une fois pour toutes, quels accommodements sont acceptables et raisonnables, et quels sont ceux qui ne le sont pas.

"Son objectif n'est pas d'entraver notre culture, mais de permettre aux immigrants de conserver les petits rites inoffensifs qui reflètent leur identité culturelle."
"Les petits rites inoffensifs"...! La question est, justement: le sont-ils tous? Pour ne prendre que l'exemple de l'excision, est-ce là "un petit rite inoffensif"?


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