L'ETS
doit offrir un lieu de prière aux étudiants musulmans
(Clairandrée Cauchy, 23 mars 06)
Source
"La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
(CDPDJ) somme l'École de technologie supérieure de
refaire ses devoirs afin de mieux accommoder les étudiants
musulmans qui souhaitent y faire leurs prières. - "Le
caractère laïque [invoqué par] l'ETS ne la dispense
pas de son obligation d'accommodement raisonnable à
l'égard des étudiants de religion musulmane qui la
fréquentent. [...] La liberté de religion
protégée par la charte inclut le droit de manifester ses
croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte", a
déclaré hier le président par intérim de la
CDPDJ, Marc-André Dowd, en dévoilant la décision
de la Commission. La CDPDJ donne 60 jours à
l'établissement universitaire pour s'entendre sur un
accommodement raisonnable avec les étudiants musulmans.
La plainte date de 2003. À l'époque, les 113
étudiants musulmans en étaient rendus à prier dans
la cage d'escalier, faute de locaux disponibles. Ces derniers
revendiquaient alors un local attitré pour y faire leurs
prières. Sur cet aspect, la Commission ne leur a cependant
pas donné raison. "L'obligation d'accommodement raisonnable
n'est pas absolue, elle a des limites", a précisé M.
Dowd, en ajoutant que la Commission n'exige pas qu'un local soit
réservé exclusivement aux musulmans. La notion
d'accommodement raisonnable se limite ainsi à permettre aux
musulmans de prier régulièrement "selon des conditions
qui respectent leur droit à la sauvegarde de leur
dignité". Au-delà de cette décision, la
Commission ressent le besoin de réfléchir de façon
plus globale sur la place de la religion dans l'espace public. "La
réponse au cas par cas nous apparaît insatisfaisante",
fait valoir M. Dowd en citant notamment les dossiers du kirpan au
secondaire et du voile dans les écoles privées. La CDPDJ
entend donc lancer dans les prochains mois un débat public sur
la façon de "concilier un idéal de laïcité
avec le respect des droits religieux".
Si elle a accueilli la plainte sur les lieux de prière, la CDPDJ
a cependant rejeté trois autres récriminations des
étudiants musulmans. L'ETS est donc dans son droit, selon la
décision de la Commission, de ne pas accorder un statut officiel
à l'association des étudiants musulmans étant
donné sa mission laïque. On a aussi écarté
une plainte contre un des cadres de l'établissement pour propos
discriminatoire, faute de preuve. La Commission rejette aussi la
plainte portant sur une affiche posée dans les toilettes y
interdisant le lavage des pieds.
L'École de technologie supérieure était avare de
commentaires hier. "On va réviser l'ensemble du jugement de la
Commission avec nos procureurs et on va rendre publique notre position
lundi prochain", a précisé le directeur des
communications, Jean Morin. Il précise toutefois que les
étudiants musulmans ont déjà accès à
des locaux de classes libres et que l'ensemble des classes sont
disponibles le matin et pendant l'heure du dîner. Le Centre de
recherche-action sur les relations raciales, qui a déposé
la plainte au nom des étudiants musulmans de l'ETS, fera quant
à lui connaître ses réactions plus tard.
Du côté de la communauté musulmane, on se
réjouissait hier de la ligne tracée par la Commission.
Pour Sarah Elgazzar, porte-parole québécoise de CAIR-Can,
l'aménagement d'une salle multiconfessionnelle pour la
prière et la méditation serait le dénouement
logique à ce litige. Elle se réjouit de voir
apparaître des balises un peu plus claires sur la notion
d'accommodement raisonnable à l'égard de la pratique
religieuse. "C'est intéressant de voir que la Cour
suprême, avec la décision sur le kirpan, et la Commission
aujourd'hui assument un leadership pour trouver un équilibre
entre une société séculière et le droit
à la religion", a affirmé Mme Elgazzar. Au Mouvement
laïque québécois, on trouve la décision
"assez modérée", compte tenu de la jurisprudence. Le MLQ
juge cependant qu'il y a une dérive de la jurisprudence en
exigeant que des établissements fournissent aux croyants les
instruments de leur pratique religieuse. "Dans le cas de la
liberté d'opinion, on n'exige pas de fournir les outils
nécessaires à l'exercice de cette liberté
d'opinion", affirme le président du MLQ, Henri Laberge.
Cette décision de la Commission pourrait avoir des
répercussions au-delà des murs de l'École de
technologie supérieure. Des étudiants musulmans de
l'université McGill ont en effet déposé une
plainte similaire en décembre dernier, après avoir perdu
leur local de prière en octobre. "Cela a pris tellement de temps
à l'ETS, on espère que cela va aller plus vite à
McGill et que l'administration va discuter", a fait valoir le
président de l'association des étudiants musulmans de
McGill, Nafay Choudury, soulignant que les musulmans prient
actuellement dans des corridors de l'université.
La direction de McGill a quant à elle pris bonne note de la
décision. "Nous étudions la décision et
évaluons les répercussions qu'elle pourrait
entraîner pour l'université", a indiqué Anthony C.
Masi, vice-principal exécutif de McGill. L'administration
souligne cependant qu'il est possible de prier dans des lieux
tranquilles, tels que la bibliothèque ou des classes vides, mais
qu'elle ne se sent pas obligée de fournir aux groupes religieux
un espace permanent réservé à la prière.
Commentaires
- Séparation de
l'Église et de l'État (Kid Ordinn
(kid.ordinn@mac.com)- Apparemment les lois canadiennes ne font pas la
distinction entre l'Église et l'État puisque l'on exige
maintenant d'installer dans les lieux publics, payés par les
taxes des citoyens, des salles pour permettre la pratique personnelle
de sa religion. Si c'est la décision du peuple canadien de
permettre la pratique des cultes dans les endroits publics, alors il
faut installer des salles et des chapelles pour les Chrétiens,
les Budhistes, les Baha'is, et toutes les autres religions y compris
les Satanistes. Moi, je ne suis pas d'accord. Mes taxes ne doivent
JAMAIS servir à payer pour la pratique d'une religion, n'importe
laquelle des religions. Mes taxes doivent servir à aider les
membres de notre société à mieux vivre.
- De l'exhibitionnisme religieux!
(Christiane Gervais) - L'attitude ostentatoire des pratiquants
religieux, toutes religions confondues, qui n'ont de cesse de polluer
les espaces communs d'une société, à grands
renforts de démonstration de foi tant par l'habillement, le
maintien, que les rites ne pourra qu'amener une intolérance
grandissante de la part de la majorité des citoyens qui vivent
leur religion d'une façon discrète, dans le domaine du
privé, qui ne la pratiquent pas ou pour qui la religion ne fait
pas partie de leur vie. Jamais il n'a été question
d'empêcher qui que ce soit, de croire à quoi que ce soit,
mais allons-nous devoir nous plier à toutes les exigences de
ceux qui croient en Dieu, en un Dieu, en un prophète, en la
réincarnation, aux extra-terrestres, aux roches qui sont
vivantes? Je trouve le phénomène croissant de
l'exhibitionnisme dans la pratique d'une chose aussi privée que
la foi très dérangeant pour ne pas dire répugnant.
Nous vivions au Québec dans une société qui a
choisi, dans les lieux communs, la laïcité et
peut-être serait-il temps de le dire tous ensemble, haut et fort,
aux nouveaux arrivants, avant que ne s'installent l'intolérance
et le rejet envers ceux qui deviennent Québécois tout
comme nous mais qui rejettent notre culture et nos valeurs pour y
imposer, au nom de leurs droits, leurs valeurs, leur religion, leurs
interdits et leurs lois amenés d'où ils viennent, dont
nous ne voulons, il me semble, majoritairement pas.
- L'invasion des lieux publics et
laïcs par la Religion (Serge Longval) - La mission
première de l'École (particulièrement une
école d'études supérieures) est d'instruire. Par
analogie, c'est un Temple dont le mandat est de transmettre la
Connaissance, et, non pas, des croyances. Ce n'est pas une
église. Ce n'est pas une mosquée. Ce n'est pas une
synagogue. Bref, ce n'est pas un Temple "religieux". Ce me semble
clair, ça!
- L'accumulation de raisonnable
risque de mener au déraisonnable (Betty Cohen) - À
force d'accommodements raisonnables, nous risquons de nous lever un
matin dans une société totalement
"délaïcisée" et victimes des exigences diverses et
variées des communautés. Nous commençons avec les
lieux de prière et le kirpan, nous finirons avec des horaires de
piscines pour les hommes et les femmes. Jusqu'ici immigration
signifiait recherche d'un monde meilleur et adaptation à une
société qui voulait bien nous accueillir. Aujourd'hui,
immigration signifie de plus en plus colonisation de la culture
d'accueil. La culture occidentale qui attire tant de monde est-elle si
faible qu'elle ne peut s'affirmer? Je suis une immigrée
moi-même et l'intégration totale m'a parue la meilleure
manière de me faire accueillir ici. J'ai eu raison. Je tiens
à ce qu'on respecte ma religion et ma culture, mais je ne
l'impose à personne. J'invite la Commission à aller
voir ce qui se passe en France et aux Pays-Bas et à examiner les
difficultés d'intégration auxquels ces pays sont
confrontés. L'ouverture des Pays-Bas leur a coûté
tant que la table est mise pour l'extrême-droite. Est-ce vraiment
cela que nous voulons?