Que pourrait-on modifier dans la Charte canadienne des droits et libertés?


NOTE
Ma recherche ne fait que commencer sur ce sujet. Aujourd'hui, 6 février 07, à l'émission radiophonique "Maisonneuve à l'écoute", il fut question de la pertinence de modifier nos Chartes, la québécoise et la canadienne.  M. Maisonneuve recevait le maire de Trois-Rives, Lucien Mongrain, et le vice-président de la Commission des droits et libertés de la personne. Voici ce que je lui ai écrit.

Lettre à Pierre Maisonneuve

J'ai écouté attentivement la dernière partie de votre émission d'aujourd'hui, sur la question de savoir s'il fallait modifier les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. J'étais d'autant plus intéressée par le sujet que je fais une recherche approfondie sur tout le débat en cours et que je compte traiter de l'éventualité d'une modification de nos Chartes ou, à tout le moins, d'élaborer et de mettre en application un "code de référence" pour juger des cas de demandes de ce qu'on appelle des "accommodements raisonnables".

Vous vous demandiez, tout particulièrement, si les Chartes étaient "responsables de tous les événements en lien avec les accommodements raisonnables". - Je me demande si c'est la bonne façon de poser la question. "Responsables".. - Comme l'a précisé Marc-André Dowd, ces chartes énoncent les grands principes et valeurs de notre société, et elles ont pour but de garantir à tous les mêmes droits fondamentaux, l'égalité de tous et toutes, et la non-discrimination dans quelque domaine que ce soit. Mais cet énoncé de principes qu'est une Charte reste très général et ne précise que peu de choses concrètes comme cas d'application. Alors, il est fort probable que ce ne soit pas les Chartes elles-mêmes qui soient responsables, mais les juges qui l'interprètent et l'appliquent, avec toutes les conséquencs qui s'ensuivent, dans certains cas.

Il arrive aussi, vous l'avez souligné, que des droits s'opposent, auquel cas il faut alors déterminer lequel doit être privilégié. Par exemple: droit d'un juif hassidique de ne pas avoir à faire à une femme, ou droit à l'égalité des femmes et des hommes? (Cas facile à trancher, je l'avoue, mais il y en a de plus subtils et délicats.) Quoi qu'il en soit, une des modifications qui pourrait être apportée est une clarification de ce point, et j'envisagerais l'ajout suivant: "Tout comportement ou pratique qui contribue à discriminer ou exclure un individu ou un groupe, à créer de la ségrégation religieuse, ethnique ou sexiste (lieux publics non mixtes, par exemple) est contraire à la présente Charte."

Lorsque vous avez demandé à M. Dowd s'il ne manquerait pas des devoirs dans les Chartes, il a répondu qu'ils y étaient inclus implicitement. Peut-être, justement, faudrait-il, comme modification, les inclure explicitement.

En ce qui concerne la Charte canadienne des droits et libertés, connaissez-vous l'attendu qui précède les articles? "Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit,". - Voilà un anachronisme assez surprenant qui, dans le cadre d'un Etat laïc, a de quoi surprendre. Je proposerais donc d'enlever "la suprématie de Dieu".

Enfin, un point essentiel, concernant une éventuelle modification de nos Chartes des droits et libertés, est la définition de ce qu'est la liberté de religion et ce qu'elle comprend et exclut comme droits. Droits de quoi, de quoi faire et de quoi porter sur soi comme signe religieux? J'ai remarqué, depuis le 18 janvier dernier, jour où j'ai commencé ma recherche et ma réflexion, que l'on confond à qui mieux mieux ce qui relève de croyances religieuses et de ce qui relève de pratiques culturelles ou de croyances morales qui nous sont étrangères. Par exemple, le port du turban, du foulard, du tchador et de la burka fait-il partie de la religion, ou de coutumes culturelles spécifiques à certaines cultures et à certains pays? Est-ce une obligation religieuse, ou une simple façon d'identifier sa religion aux yeux des autres? En ce deuxième cas, ne faudrait-il pas inscrire, dans nos Chartes, que notre société étant laïque, seuls les "chefs" religieux (prêtres, imams, rabbins), et les membres de congrégations religieuses peuvent porter des vêtements distinctifs? Les pratiques qui maintiennent les femmes en état de soumission et sous la domination des hommes font-elles partie des religions, ou de coutumes anti-démocratiques et anti-égalitaires? Voilà des questions qui doivent absolument trouver réponse.

Pour justifier l'acceptation du port du kirpan, M. Dowd a mentionné que la liberté de religion incluait une obligation religieuse, ou le fait de se croire sincèrement obligé. - Ouf, que nous sommes, ici, sur un terrain glissant! C'est peut-être là une modification éventuelle sur laquelle réfléchir sérieusement.

Pour terminer, une remarque sur une question que vous avez posée au maire de Trois-Rives, Lucien Mongrain, à propos des femmes voilées, dont une s'est présentée, sans aucun problème, à Hérouxville. De grâce, M. Maisonneuve et tous les journalistes et animateurs, faites toujours la distinction entre le FOULARD et le VOILE. Cette femme n'était pas "voilée", elle n'avait pas le visage caché. Il y a une énorme différence, particulièrement symbolique - et même physique -, entre le foulaard (qui ne cache que les cheveux) le tchador (qui ne laisse voir que les yeux) et la burka (qui cache tout). L'imam Saïd Jaziri (qui ne passe pas pour le plus modéré des islamistes), à l'origine de cette "mascarade", aurait-il osé y faire venir une femme vêtue d'un tchador ou d'une burka? Pensez-y, et pensez aussi aux implications que cela aurait pu avoir! M. Mongrain n'est sans doute pas suffisamment habitué à être une "vedette médiatique" pour avoir eu la présence d'esprit de dire qu'elle n'avait pas le visage caché, au lieu de se contenter de répondre naïvement que "une femme est plus belle sans voile"!





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