LE BOUDDHISME






Notes par Thérèse-Isabelle Saulnier


Plan du livre:

Introduction............................................................................................ p. 7 à 17
I. Le Bouddha........................................................................................ p. 19 à 51
II. Les quatre vérités............................................................................... p 52 à 134
III. La méditation.................................................................................... p. 135 à 162
IV. Karma.............................................................................................. p. 163 à 193
V. Nirvana.............................................................................................. p.194 à 223
VI. Le shangha........................................................................................ p.224 à 241
VII. Deux problèmes contemporains dans le bouddhisme moderniste........ p.242 à 254
Appendice (citations diverses).................................................................. p.255 à 287







Ce Bouddha, qui respire la paix et la sérénité, incarne, je crois, ce qu'est l'essence même du bouddhisme tel qu'Alexandra David-Neel cherche à nous le faire comprendre. Le but recherché est la Délivrance de la douleur et de la souffrance par l'atteinte d'un état qu'on appelle le Nirvana, mais dont il faut bien comprendre la nature. Le Bouddha que vous voyez ici est dans cet état. Il est là, sous nos yeux, bien réel et bien vivant, mais, en même temps, il est ailleurs, au-delà, à l'intérieur de lui-même, à la fois dans le monde et hors du monde. Rien ne l'atteint et pourtant il est conscient de tout, il est la Parfaite et Totale Conscience. Un "penseur calme, silencieux" (p.161). "Celui qui ne convoite plus rien, ni en ce monde, ni en un autre, qui est détaché de tout, inaccessible au trouble." (cité p.133).


L'expérience originelle à la base du Bouddhisme

Le fondateur du Bouddhisme est Gautama Siddharta, mais il n'est cependant pas le premier "bouddha". Ce mot ne désigne pas quelqu'un, une personne, mais "celui qui a acquis la Bodhi", c'est-à-dire la Connaissance parfaite.

Gautama Siddharta était d'une riche famille, mais rien des privilèges de sa classe ne l'intéressait. On pourrait dire, aujourd'hui, qu'il en était blasé et sa sensibilité était toute tournée vers la souffrance qui existait dans le monde. Pas de monde, pas de vie sans souffrance, et cette souffrance-là, quasi intolérable, il faut arriver à la supprimer. Mais comment?


Les quatre vérités (p. 42-43)
  1. "Voici la Noble Vérité concernant la Souffrance: la naissance est souffrance, la vieillesse est souffrance, la maladie est souffrance, la mort est souffrance, être uni à ce que l'on n'aime pas est souffrance, être séparé de ce que l'on aime est souffrance, ne pas réaliser son désir est souffrance. En résumé, les cinq éléments constituant notre être sont souffrance.
  2. Voici la Noble Vérité concernant l'Origine de la souffrance: c'est cette soif qui conduit de renaissance en renaissance, accompagnée par la convoitise et la passion, cette soif qui, ici et là, est perpétuellement en quête de satisfaction. C'est le désir de la satisfaction de la passion, la soif de vie éternelle, de bonheur individuel dans ce monde ou dans un autre.
  3. Voici la Noble Vérité concernant la Destruction de la souffrance: c'est l'annihilation entière, absolue de cette soif; la libération du désir. (Ceci implique la préalable révolte contre la douleur et la souffrance.)
  4. Voici la Noble Vérité concernant la Voie qui conduit à la Destruction de la Souffrance: c'est ce Noble sentier aux 8 embranchements qui s'appellent: croyances droites, volonté droite, parole droite, action droite, moyens d'existence droits, effort droit, attention droite, méditation droite."


L'inexistence de la personnalité, du Moi

La croyance en un "Je" distinct des objets qu'il perçoit est une illusion funeste (64).

Tout ce qui est formé est impermanent, le "moi" inclus; tout est "sans réalité substantielle, sans 'égo' " (65).
"Les êtres sont dénués de personnalité en soi, parce qu'ils sont un agrégat impermanent d'éléments mouvants et c'est de leur impermanence que leur vient la douleur, considérablement  accrue par l'illusion qu'ils ont de leur permanence, c-à-d de l'existence réelle de leur "Moi" et le désir qui les possède de cette vie individuelle qu'ils rêvent de prolonger durant l'éternité, en ce monde ou en quelqu'autre." (65-66)

Note: est permanent, est substance, ce qui ne change pas. Or, tout change sans cesse, "on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve", disait Héraclite. La vision bouddhique est celle "d'un perpétuel mouvement, d'une transformation ininterrompue, d'une sorte de tourbillon d'atomes s'unissant, se séparant selon le rythme vertigineux d'actions et de réations se succédant sans trêve, sans que l'homme puisse jamais 'se retrouver identique pendant l'espace de deux respirations'." (67)

"Il n'y a qu'un amas de formations changeantes, il ne se trouve pas de personne." (citation p. 72)
La personnalité n'est qu' "un phénomène momentané au milieu de la multitude des phénomènes s'engendrant et se dissipant dans le tourbillon perpétuel de la matière" (73).

Admettre et vivre, surtout, cette vérité que le Moi, la personnalité, l'égo, n'existe pas est le premier pas à franchir pour accéder ensuite à la Voie aux 8 embranchements. Ne pas en être profondément convaincu et ne pas la vivre, cette vérité, c'est vivre dans l'ignorance, elle-même cause de la douleur. (82)
La croyance en la réalité substantielle de la personnalité est une illusion. (86).

L'impermence elle-même est source de douleur car elle implique le déclin, la diminution de l'existence.



La voie de la délivrance: le Sentier aux 8 embranchements

Appelé aussi Sentier du Milieu (c-à-d entre deux extrêmes, deux excès), "qui conduit à la clairvoyance, à la sagesse, à la tranquillité, au savoir, à la connaissance parfaite, au Nirvâna..." (42) - la béatitude suprême.

Les 8 embranchements: (42)
  1. croyances droites (sur ce que nous sommes et sur tout ce qui existe dans le monde)
  2. volonté droite (celle d'alléger la souffrance, voire de la faire disparaître, d'en libérer le plus grand nombre) - C'est ici que s'insère la doctrine de l'amour infini, de la charité sans réserve. (104) 
  3. parole droite
  4. action droite (ne jamais poser d'actes destructeurs, causant de la souffrance ou ne contribuant pas au bien d'autrui et au nôtre)
  5. moyens d'existence droits (3, 4 et 5 sont les développements pratiques de la volonté ou du but droit.)
  6. effort droit (pour affranchir de la souffrance ceux qui souffrent, actif surtout dans la méditation)
  7. attention droite ("l'état permanent de réflexion, d'attention, la perpétuelle présence et possession d'esprit qui, en toutes circonstances, permet au cerveau la clairvoyante analyse des faits." (127).
  8. méditation droite. (Alexandra David-Neel y consacre tout un chapitre.) - Elle a pour but d'atteindre le Nirvana, la béatitude suprême.


La méditation bouddhique

A) Deux méthodes:

1) Sammâsati, "la réflexion profonde sur les choses afin d'en pénétrer la nature. C'est analyser, disséquer jusqu'à l'extrême limite de notre pouvoir, tout objet matériel, tout sentiment faisant partie de notre ambiance ou de notre propre individualité" (141)

2) Sammà-samâdhi "consiste dans la culture de la force de concentration mentale, en vue de faire prévaloir, en nous, les dispositions qui nous auront paru les meilleures. (141)

B) 4 extases ou étapes de la méditation: (p. 145-146, et 157-158)

  1. Un état de bien-être et de joie produit par la solitude et la concentration, un état de réflexion et de recherches, en commençant par ne penser et ne vouloir rien ou, à tout le moins, de chasser et de s'interdire toute pensée malsaine et tout sentiment mauvais. La convoitise, la colère, la nonchalance, l'angoisse et le doute sont supprimés; la réflexion, le raisonnement, la joie, le bonheur et la concentration sont présents.
  2. Un état de bien-être et de joie produit par la sérénité, un état d'où la réflexion et la recherche sont absentes, un état de quiétude et d'élévation d'esprit, l'unité d'esprit.
  3. Un état d'indifférence - d'égalité d'âme -, de conscience clairvoyante, de maîtrise de soi où on éprouve un grand confort intime.
  4. Un état de parfaite et très pure maîtrise de soi-même et de sérénité dans lequel on est mort à la joie comme à la souffrance.
Après ces 4 étapes, on ressent de l'amour, de la pitié, une grande symnpathie, puis une grande sérénité pour le monde entier.



Le Bouddhisme et la doctrine hindoue du Karma

Le bouddhisme étant une doctrine dérivée de l'hindouisme, il a intégré presque naturellement la doctrine du karma (jamais remise en question, même si laissée à l'arrière-plan) et a cherché à "briser le cercle des renaissances douloureuses où les êtres sont enfermés" (p. 32). Cependant, il n'est pas compris de la même nanière, le karma ne pouvant avoir le même sens puisqu'il y a négation de l'existence d'un Moi, d'une personnalité éternelle qui se réincarnerait.

La doctrine du Karma implique précisément la réincarnation d'une individualité, donc d'un "Moi", incarnation dépendant des actions (karma) de ce "Moi" dans son ou ses existences antérieures. Les Tibétains le démontrent fort bien, lorsque leur maître-lama décède: ils se mettent alors à la recherche de sa réincarnation qu'ils finissent par découvrir, la plupart du temps, chez un enfant, à partir de certains signes manifestés par ce dernier.

La manière de résoudre cette contradiction entre les deux dogmes est la conception de l'univers comme formé  d' "agrégats", qui se transforment perpétuellement (51). "Toute manifestation dans le domaine physique ou mental procède d'actions antérieures et est, elle-même, l'origine de manifestations ultérieures. Toutes les formations de la matière tangible ou de l'intelligence ne sont que les anneaux d'une chaîne sans fin dans le passé comme dans l'avenir, continuant, à l'infini, la série des causes et des effets s'engendrant perpétuellement." (164)

"La mort, au point de vue bouddhiste, est la dissolution de la forme, perceptible à nos sens, d'un groupement d'éléments qui vont se désagréger en de nouvelles combinaisons. Le Nirvana peut être envisagé comme la perception du lien qui relie toutes ces manifestations que la faible étendue de notre vision nous fait paraître isolées et distinctes; dès lors, l'atteindre, c'est avoir rompu la barrière que nous oppose l'illusion de la personnalité, voir au-delà de la mort, au-delà de la naissance, au-delà de toute l'agitation des combinaisons impermanentes, saisir l'Immuable, l'Unité, le Réel." (221)

Dans le bouddhisme, le karma n'est pas relié à l'idée d'une justice rétributive (renaissance, réincarnation dans un état et une condition dépendant de nos actions bonnes et mauvaises). Ce n'est pas, non plus, la balance des récompenses et des châtiments. (181)

"Ce que nous appelons une personne n'est que l'incarnation vivante d'activités passées, d'ordre physique ou psychique. C'est la forme actuelle de l'activité passée qui s'imprime dans les êtres et se manifeste par eux. Telle est la loi du Karma comme elle est entendue dans le Bouddhisme" (182)

Dans le bouddhisme, il ne s'agit pas de la transmigration d'une âme, toujours la même, ni d'une forme quelconque de personnalité. Cette dernière est un agrégat d'atomes qui se désagrège à la mort (et qui est sans cesse en transformation au cours de l'existence) pour se refaire, sous une autre forme, mais tout en gardant les oeuvres (actes, actions, karma) de l'état et de la forme précédente. - Mais ce n'est pas une sanction morale "par les fruits que nous en récolterons en d'autres existences ou, à l'inverse, nous assurant que les circonstances heureuses ou pénibles de notre vie présente sont l'aboutissement de l'oeuvre à laquelle nous avons personnellement travaillé dans l'infini des temps passés." (180). - "Il ne peut y avoir place pour une justice distributive personnelle, pour une rétribution directe et individuelle, dans une philosophie qui nie la permanence et la réalité substantielle de la personnalité. /.../ C'est donc seulement en considérant toute l'humanité comme reliée ensemble, ainsi que les parties d'un universel tout, que nous pouvons saisir la pleine signification de la doctrine du karma." (181)

"La Loi de Causalité n'est point la Loi de la Justice distributive individuelle. Oui, les actes que nous commettons porteront leurs fruits, mais croire que nous devions nous-mêmes les recueillir, dans un état qui nous laisserait toujours conscients de leur cause, est une conclusion étrangère au Bouddhisme." (191)



La liberté au sens bouddhique

C'est "la liberté d'esprit de celui qui est au-dessus du désir, au-dessus de la crainte." (186)
Elle est un état, elle ne se situe pas dans l'action ou dans une action. "Celui qui est libre de l'oeuvre, c'est celui qui ne s'attache point avec passion aux fruits de celle qu'il accomplit, qui reste détaché, sans désir quant à ses résultats." (188)
Le désir de réaliser un but quelconque est de l'esclavage. (188)
L'ëtre libre, c'est "celui chez qui l'instinct, les tendances héritées du caractère ou les impulsions des sens ne se manifestent plus." (188)
La liberté n'est pas dans le choix, car celui-ci est toujours déterminé directement par des tendances, des sentiments, des images et des idées qui ont été coorodonnées sous forme de choix, donc, un résultat et non une cause. (190)



La compassion et l'action droite

"La lutte contre la souffrance, l'infinie compassion pour les êtres étreints par la douleur est la pierre angulaire du Bouddhisme et c'est de ce point de vue qu'il faut envisager et chercher la raison de toutes ses théories et de toute son action pratique. /... Le disciple du Bouddha voudrait se vouer à la lutte contre la souffrance en n'engendrant, par ses actes, que des effets propres à améliorer les conditions de la vie des êtres qui l'entourent ou qui lui succéderont sur la terre." (192)

Le bouddhisme est une doctrine qui fait du désintéressement absolu sa grande loi morale. (193)



Le Nirvana (on appelle celui qui l'a atteint un Arahat)

Ce n'est ni le Paradis, ni le Néant. (Si on peut effectivement parler d'anéantissement, c'est celui du désir, de la haine, de la passion, de l'égarement, des sentiments, du doute, de tout attachement.)

C'est un terme très difficile à préciser et à décrire, mais il s'agit d'un état. "Il faut presque toujours l'entendre dans le sens de 'l'état d'Arahat', c-à-d le plus haut degré de la sainteté-sagesse. Il s'agit donc d'un état mental réalisé, sur cette terre, par un être vivant (l'Arahat) et non d'un Paradis pouvant être atteint seulement après la mort." (195)

Etat de béatitude suprême, de la délivrance suprême.
C'est la paix, la sérénité inaltérable, l'extinction de toute soif, le détachement total de tout.
C'est "l'émancipation du coeur et de l'esprit". (212)

C'est un port, l'atteinte de "l'autre rive": Ce port, l'Arahat l'a atteint: vivant, il a franchi le seuil de l'au-delà de nos visions et de nos conceptions et bien que nous le voyions se mouvoir, parmi nous, avec nos gestes habituels, il n'appartient plus à notre monde de l'illusion et de l'impermanence, il est dans l'Immuable, dans l'Incréé, dans l'Eternel." (195)

"Et celui-là touche au seuil du Nirvana qui a compris qu'il vaut mieux donner à manger à son frère qui a faim que de discuter sur l'inconnaissable, qui ne s'attache opiniâtrement à aucune théorie, qui n'aspire point à une vie nouvelle, ni en ce monde ni dans un autre, qui n'est sous la dépendance d'aucune doctrine." (197)

Le "détachement d'esprit provenant de la connaissance de la non-valeur en soi de toutes les choses impermanentes, de la compréhension du caractère conventionnel et relatif de la morale, de l'inutilité du culte, des sacrifices et de tous les exercices religieux." (211)

"Le Nirvana n'est pas la mort, mais un état de non-existence, d'absolue délivrance de la vie et de la mort." (cité dans note 2, p. 220)
Un état mental "par-delà la vie et la mort". (223)


Le shangha (la communauté)

"Un mot suffira pour marquer l'abîme séparant le religieux de l'Eglise romaine ou de l'Eglise grecque, du bhikshu bouddhiste: ce dernier n'est lié par aucun voeu d'obéissance; il reste un libre chercheur de la vérité morale et philosophique et l'unique maître de sa personne et de son activité. Nul supérieur de monastère n'a le droit d'ordonner quoi que ce soit à un moine, soit en ce qui concerne ses croyances, soit au sujet de ses actes extérieurs, tant que celui-ci ne contrevient point aux règles de la discipline générale portant sur les deux engagements de pauvreté et de chasteté." (p. 237)

Le moine, "une fois ordonné, est complètement libre de diriger sa vie comme il l'entend. Il demande l'hospitalité dans le couvent qui lui plaît et le quitte pour un autre quand il le juge convenable. Il n'est, du reste, pas obligé de vivre en communauté, il peut, à son gré, habiter seul ou avec quelques autres moines, à la campagne, dans les bois, ou même dans une ville, pourvu qu'il ne contrevienne point à son voeu de pauvreté et se contente d'un genre de vie très modeste." (p. 238)

"Les moines bouddhistes,  de même que les fidèles laïques, appartiennent à différentes écoles ou sectes, suivant les théories particulières qu'ils professent, mais il n'y a pas plusieurs ordres religieux: tous ceux qui ont revêtu la robe jaune font, du moins théoriquement, partie de la Communauté universelle." (p. 238)

Il n'y a pas, non plus, obligation de porter un costume distinctif. (p. 239)
Le religieux n'est pas un prêtre, et l'ordre n'est pas un clergé. (239)

La Shangha, en fait, c'est une vaste Communauté, la 'Shangha des dix Mondes', "c'est-à-dire la communion de tous ceux que rapproche - du plus élevé des séjours des Dieux, aux habitants les plus inférieurs - leur commune compassion pour la douleur des êtres et qui, à l'imitation du Bouddha, sans autre mandat qui celui qu'ils se sont décerné, sans autre consécration que celle qu'ils ont prononcée sur eux-mêmes, se vouent à la lutte contre la souffrance, contre l'ignorance." (p. 241)

 




Deux questions


La base du bouddhisme est-elle un profond pessimisme?

Alexandra David-Neel refuse cette idée que le bouddhisme soit une philosophie basée sur le pessimisme, sur une "désespérance navrante" (54). Elle y voit même, au contraire, un grand optimisme puisqu'il accorde à l'être humain (ou, du moins, à certains d'entre eux), le pouvoir de remporter le plus grand et le plus difficile des combats, celui de supprimer la souffrance et ce, par ses seules forces, par des moyens proprements humains, sans avoir recours à aucune divinité salvatrice quelconque. Elle écrit, du bouddhisme, que c'est  "une doctrine qui est, par essence, une doctrine de révolte, de lutte, de confiance dans les forces humaines:  'Je n'accepte pas le monde tel que je le vois et le subis, je n'accepte pas la douleur qui en est la loi. Je m'insurge, et pour moi, et pour mes frères. Je chercherai le moyen de les délivrer et de me délivrer moi-même. Je crois à la possibilité de réaliser l'entreprise sans aucun secours surnaturel.'  Nul ne peut se dire bouddhiste s'il n'a pas prononcé, en lui-même, une déclaration de ce genre". (p.121-122). - Mais c'est là, de sa part,  partialité, parti-pris et, bien sûr, elle ne prend pas la peine d'examiner plus en profondeur l'expérience originelle à la base du bouddhisme que nous avons décrite ci-haut. Or, cette expérience de base est elle-même empreinte d'un profond pessimisme, proche de l'idée suicidaire: rien n'a de sens, tout est illusion, tout est temporaire et n'en vaut pas la peine, les plaisirs et les joies de la vie, de cette vie sur cette terre n'en valent pas la peine. Cela m'a frappée à la lecture du livre. "Vanité des vanités, tout est vanité". Tout est vain. On a presque l'impression que la joie de vivre est impossible, ou alors, on nous dit qu'il faut y renoncer! Prévert invoquait Dieu le Père de rester dans les Cieux, alors que nous, nous resterons sur cette terre, qui est si jolie, mais pour les bouddhistes, elle n'est que douleur et souffrance...

"Voici la Noble Vérité concernant la Souffrance: la naissance est souffrance, la vieillesse est souffrance, la maladie est souffrance, la mort est souffrance, être uni à ce que l'on n'aime pas est souffrance, être séparé de ce que l'on aime est souffrance, ne pas réaliser son désir est souffrance. En résumé, les cinq éléments constituant notre être sont souffrance." (Mahâvagga I,6, cité p. 42-43) Alexandra David-Neel précise, dans une note, que ces 5 éléments sont: "le corps, les sensations, les représentations, les formations (ou tendances) et la connaissance. Ils engendrent la souffrance par l'attachement, la soif qui naît d'eux et qui, à son tour, les prend pour objet." (note 1 p. 43)

L'origine de la souffrance est donc la soif, le désir, la convoitise, la passion... Tout cela ne mène pas au bonheur et à la joie, mais est, par essence, souffrance ou origine de la souffrance... - Si cela n'est pas du pessimisme à l'état pur, je me pends! Gautama Siddharta n'a vu et perçu que la souffrance et la douleur, il n'a rien vu ni perçu, semble-t-il, de la beauté, du plaisir, de la joie et du bonheur possibles sur cette Terre, dont il faut pourtant bien profiter!

Les désirs ne mènent que de déceptions en douleurs, nous laisse-t-on croire. (62)

En réfléchissant à la "triste" réalité, la lassitude nous gagne et on finit par ne plus avoir aucune passion ni aucun désir. (67)

"Un jour, la détresse lamentable de tout ce qui vit leur est apparue. Ils ont vu, de sang froid, la mêlée des foules se ruant vers la jouissance, tendant les bras à l'ironique mirage du bonheur fuyant sans cesse vers les lointains de l'avenir d'où ne doit surgir que le spectre hideux de la mort. Ils ont contemplé l'affolement qui met les hommes aux prises, tels que des fauves prisonniers, s'entre-tuant entre les barreaux de leur cage... Devant cette misère, cet abandon, cette douleur râlant, depuis l'aurore des âges, sous le ciel impassible, une immense pitié les a envahis." (105)

Notons que ce n'est pas que les bouddhistes nient la réalité des joies en ce monde, mais, justement, ils sont plus sensibles à la douleur et à la souffrance, qu'ils jugent prépondérantes. "Que la vie semble aimable, en dépit de toutes les misères qu'elle accumule sur notre route, c'est affaire de sensation personnelle. On ne saurait en déduire que la souffrance n'existe pas, qu'elle ne domine pas, véritablement, l'existence de tous les êtres pour se couronner par l'épouvante finale de la mort." (57)

*

Le bouddhisme est-il une religion?

Cela finit par être un peu compliqué à distinguer et à préciser, car on parle de sainteté, de monastères, de moines, de bonzes, de prières... Chose certaine, ça ne l'était pas à l'origine, mais lors de son expansion, il semble que le bouddhisme ait intégré des pratiques religieuses à l'enseignement de base. En Thailande, c'est une religion dont l'orthodoxie est assurée par un conseil de 45 moines de haut rang.

Alexandra David-Neel dit que "le Bouddha était un chef d'Ecole philosophique" (p. 231). Loin de prêcher la vie monastique, "le modèle idéal proposé au Bouddhiste est non pas l'anachorète, l'ermite ou le religieux emmuré dans un cloître et étranger au monde, mais le libre missionnaire s'en allant, seul, par les routes et seul à travers le vie, redire aux foules la parole de salut." (p. 233)

"De celui qui leva le plus haut l'étendard de la raison humaine, ils ont fait une idole, une Divinité à l'instar des Dieux brahmaniques et l'encens fume et les fleurs s'accumulent devant les statues du Maître qui a dénoncé la folie des rites religieux!" (p. 235)

Le Bouddha a constamment combattu la caste sacerdotale et le clergé (241).





Références web sur le bouddhisme:

Site officiel d'Alexandra David-Neel

Ecole de Nichiren Daishonin, dit le Bouddha fondamental.

Association Internationale Thai des Bouddhistes en France

Bouddha sur Wilkipedia

Site de Michel Banassat sur le bouddhisme

Site de Denis Touret sur le bouddhisme



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