Freud et la femme

   Ce que Freud a pu dire sur la femme et la féminité est simplement inqualifiable : c’est en fait la traduction en langage « théorique » des préjugés les plus bornés et stupides du boutiquier typique de son époque, qui reste totalement asservie aux significations imaginaires sociales instituées, soit à l’idéologie patriarcale. Cela a lourdement grevé l’ensemble de son édifice théorique par l’usage non critique des idées de « passivité » et « activité », entre autres. Et cela continue encore, avec le « continent noir » et le « mystère » de la jouissance  féminine. Il n’y a pas plus, et pas moins, de « mystère » de la jouissance féminine que de la jouissance masculine. Il y a la confusion entre l’émission de quelques gouttes de sperme et la jouissance ; et le rôle que cette confusion joue, dans la phantasmatique des deux sexes, pour soutenir l’illusion que la jouissance masculine serait matériellement constatable et doncclaire comme le jour. Illusion transposée telle quelle dans l’idée d’un « mystère de la jouissance féminine »...

- Castoriadis, Les Carrefours du labyrinthe, Seuil, 1978, p. 117, n. 59.
 
 
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