Nous pensons l’histoire de la pensée (et de la science) comme une création ; et si nous la pensons vraiment, notre pensée elle-même est création, qui a rapport avec ce qui est et son « objet » - ici : la pensée d’autrefois et son « objet » - mais qui d’aucune façon ne saurait être appelée « lecture » ou « interprétation », à moins de subvertir totalement le sens de ces termes...(p. 19)

   ...Or ce conflit est, en bref, le conflit entre l’investissement de la chose déjà pensée (et de soi comme « ayant déjà pensée telle chose assurée ») et l’investissement  - éminemment risqué car essentiellement incertain et vulnérable - de soi comme source pouvant créer des pensées nouvelles  (et de ce qui toujours est à penser au-delà du déjà pensé. Les éléments de ce conflit sont certes toujours présents et innéliminables - même déjà au niveau de la logique élémentaire (si rien n’est assuré dans ce que j’ai déjà pensé, ma pensée s’arrête fatalement, pensr au-delà est strictement impossible), et tout autant au niveau de l’économie psychique et des supports de « la représenttaion de soi » dans sa relation à la « représentation de l’objet (de soi) »(supports qui se trouvent toujours, dans ce cas, aussi  dans l’assurance quant au rapport de soi aux choses déjà pensées, et de ce fait même risquent toujours aussi de se rigidifier). La vie de la pensée est ce conflit même ; et elle continue comme création pour autant que chaque fois le deuxième élément arrive à l’emporter sur le premier...(98)

-- in Les carrefours du labyrinthe, Le Seuil, 1978.
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