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JEAN-PAUL II A BUCAREST, LE VOYAGE DU DIALOGUE
Accueil émouvant pour ce premier voyage du Pape dans un pays
orthodoxe
BUCAREST, 7 mai (ZENIT) - C'est la première fois que Jean-Paul
II foule le
sol d'un pays à majorité orthodoxe. L'étreinte
entre le Saint Père et le
patriarche orthodoxe de Roumanie, Théoctiste, ce matin, à
l'aéroport
Baneasa de Bucarest, a déjà synthétisé
les objectifs de ce voyage historique.
L'évêque de Rome a d'emblée confirmé qu'il
venait "cicatriser les blessures
d'un passé récent" et ouvrir une nouvelle ère
de "confiance" entre l'Église
orthodoxe et l'Église roumaine.
Le Pape était non seulement attendu par les représentants
des Églises
orthodoxes et catholiques de Roumanie, mais aussi par le président
Emil
Constantinescu.
Le chef de l'État s'est félicité du rôle
que Jean-Paul II a joué dans la
chute du communisme "pathologie spirituelle dépassée
par l'affirmation de
l'existence des grands principes chrétiens".
Mille ans de séparation
Le président a ensuite rappelé que cette visite marque
la fin d'un
millénaire de douloureuse séparation entre les catholiques
et les
orthodoxes et il s'est dit orgueilleux du fait qu'un pas fondamental
dans
la réconciliation des deux Églises ait été
fait dans un pays qui appartient
à l'Europe "non seulement de par sa culture ou ses décisions
de politique
extérieure, mais aussi de par la profondeur de ses racines chrétiennes".
Affection orthodoxe
De son côté, le patriarche orthodoxe de Roumanie, Sa Béatitude
Téoctiste, a
dit au Pape qu'il était accueilli par un peuple "fidèle
et croyant", dans
"une terre assoiffée qui croit à l'esprit de justice".
Il a par ailleurs
rappelé que le deuxième millénaire chrétien
qui a commencé par la rupture
de l'unité de l'Église se termine par un important effort
pour retrouver
cette unité perdue. L'Église orthodoxe veut elle aussi
s'engager
concrètement dans cet effort pour "guérir les blessures
du corps du Christ".
Roumanie, pont entre l'Orient et l'Occident
Le successeur de Pierre a défini la Roumanie comme un pont entre
l'Orient
et l'Occident. Un concept qu'il a repris dans la cathédrale
orthodoxe dans
laquelle il est arrivé en fin de matinée avec le patriarche
de Bucarest,
pour quelques instants de prière.
La Roumanie, selon le Pape, est une nation qui, même dans son
nom,
revendique l'influence de la Rome ancienne, mais qui porte en elle
l'empreinte de la civilisation byzantine. Elle se trouve entre le monde
latin et la tradition orthodoxe, entre la civilisation hellénique
et les
peuples slaves, avec une identité forgée par cette foi
millénaire
"représentée par les images des façades des églises
qui, malgré le vent et
la pluie, continuent à annoncer l'amour de Dieu pour les hommes".
Le Pape ne s'est pas contenté de rappeler le passé lointain
de la Roumanie.
Dès sa descente d'avion il a voulu rappelé le drame de
la dictature.
"Votre patrie a connu, en ce siècle qui touche à sa fin,
les horreurs de
systèmes totalitaires durs, partageant dans la souffrance le
sort de
beaucoup d'autres pays d'Europe. Le régime communiste a supprimé
l'Église
de rite byzantino-roumain, unie à Rome, et persécuté
des évêques et des
prêtres, des religieux, des laïcs, dont beaucoup ont payé
par leur sang
leur fidélité au Christ. Certains ont survécu
à leurs tortures et sont
encore parmi nous". Certains ont enduré la prison, comme le
Cardinal
Alexandru Todea qui passa 16 ans en prison et fut assigné à
résidence
pendant 27 ans.
Démocratie et intégration en Europe
Mais le temps des persécutions est terminé. Le printemps
89 a inauguré un
nouveau printemps d'espérance en Roumanie. Il s'agit selon le
Saint Père
"d'un processus qui n'est pas sans obstacles" et dans lequel il faut
"sauvegarder la légalité et renforcer les institutions
démocratiques". Il a
pour cela demandé le "soutien politique et financier de l'Union
Européenne", communauté à laquelle la "Roumanie
appartient de par son
histoire et sa culture".
L'Église catholique souhaite également apporter son soutien
à ce processus,
même si les difficultés ne manquent pas. Lors du repas
qu'il a partagé avec
les évêques, Jean-Paul II a rappelé un problème
particulièrement crucial :
celui de la restitution des biens de l'Église catholique confisqués
par le
régime communiste et donnés aux orthodoxes. Le Pape n'a
pas exigé une
restitution immédiate mais il a souligné que "la justice
demande que ce qui
a été confisqué soit restitué dans la mesure
du possible".
Il a ainsi manifesté sa confiance dans le travail réalisé
par la Commission
d'orthodoxes et de catholiques qui est en train de tenter de résoudre
la
question. Il a par ailleurs reconnu que sa présence à
Bucarest a avant tout
pour but d'être une contribution au dialogue.
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"LA VISITE DU PAPE FAIT SORTIR LES CATHOLIQUES DES CATACOMBES"
L'archevêque de Bucarest : les catholiques ont triplé
en Roumanie
BUCAREST, 7 mai (ZENIT) - L'archevêque de Bucarest, Mgr Ioan Robu,
ne cache
pas sa joie de voir Jean-Paul II en Roumanie. Il savait que ce voyage
dépendait du dialogue difficile avec l'Église orthodoxe
et que rien n'était
joué d'avance. Le voyage de Jean-Paul II "est un pas un avant"
souligne-t-il, "car c'est la première fois qu'il vient rendre
visite à ces
deux Églises soeurs.
Un pas vers la normalité
Pour l'archevêque de Belgrade, ce voyage signifie avant tout
entrer en
syntonie avec la catholicité : "Nous avons attendu le Pape pour
avoir la
même joie que les autres communautés catholiques du monde
qui l'ont
accueilli". Cette visite "a certainement une dimension oecuménique
et
peut-être même politique, mais pour nous, elle a une valeur
surtout
pastorale", a-t-il tenu à souligner. "La mission du Pape est
de confirmer
les siens dans la foi et cela vaut pour tous ceux qui entrent en contact
avec lui. L'ouverture de l'Église orthodoxe à cette nouveauté
nous
donnerait une grande espérance pour l'avenir".
Dialogue oecuménique
La visite du Pape pourrait contribuer à soulager les tensions
entre les
fidèles des deux confessions chrétiennes. "Le Pape s'est
ouvert aux
orthodoxes, donnant un exemple à tous. Je pense que la communauté
catholique sera maintenant aussi plus ouverte par rapport à
l'Église
orthodoxe. J'espère que ce sera aussi le cas de la hiérarchie
et du clergé
orthodoxe, car les fidèles sont déjà ouverts".
L'Église catholique est minoritaire en Roumanie, mais l'archevêque
de
Bucarest croit que la visite du Pape "fera naître un intérêt
pour cette
minorité. Il est bon que les autres confessions reconnaissent
notre
présence au même titre que toutes les autres, même
si parfois on veut nous
donner l'étiquette d' 'Église étrangère'.
Nous sommes chrétiens et roumains".
Une église des catacombes
L'Église catholique roumaine est en pleine reconstruction. Il
y a dix ans,
elle est littéralement sortie des catacombes. "Dans le passé"
explique
l'archevêque, "elle ne pouvait pas s'organiser dans le domaine
social, même
s'il y avait déjà des petits groupes caritatifs dans
les paroisses.
Maintenant, cet engagement s'est renforcé. Nous devons faire
face aux
pauvretés qui sont apparues après 1989. Nous travaillons
dans deux
directions: la formation des enfants et de la jeunesse et nous tentons
d'assurer une base matérielle pour une pastorale normale. Je
remercie les
conférences épiscopales allemande et italienne qui nous
aident chaque année".
L'un des points les plus délicats dans le dialogue oecuménique
est la
restitution des églises et des édifices qui furent confisqués
à l'Église
catholique par le régime communiste, et en partie donnés
aux orthodoxes.
Pourra-t-on parvenir à un accord pour la restitution des édifices
aussi
symboliques que les cathédrales de Baia Mare et Oradea ? Mgr
Robu se
déclare confiant même si le dialogue est difficile des
deux côtés.
Les orthodoxes refusent parfois de rendre les églises aux catholiques
sous
prétexte que ceux-ci sont trop peu nombreux. Mais l'archevêque
de Bucarest
n'est pas d'accord : "Il faudra refaire le recensement de 1992. Il
a été
organisé trop vite et les gens n'étaient pas préparés.
Il y a eu beaucoup
de confusions et certains ont eu peur de se déclarer catholiques.
Le nombre
de catholiques a beaucoup augmenté depuis 1992, je crois qu'il
a triplé.
Mais l'important est que cette Église commence à vivre
dans l'espérance, la
joie et la sérénité. Mon souhait est que le moment
vienne aussi pour notre
Église d'accomplir sa mission dans le pays, comme le font les
autres. Le
Pape est venu nous en donner le courage".
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