Voiture
J.M.G. Le Clézio, écrivain français: `Est-ce
que toutes les villes ne sont pas les mêmes? Elles sont
des rues, des carrefours, des voitures qui avancent, des regards
qui cherchent.´ (Extrait de `Coeur brûlé
et autres romances´)
Jean Yanne, acteur et humoriste français: `La voiture
est le pire des fléaux de notre civilisation. Il est en
effet anormal que l'on empile les gens en hauteur dans les HLM
pour ensuite les allonger en longueur dans les embouteillages.´
Robert Rocca, chansonnier français: `Trouver une place
pour sa voiture n'est pas si difficile qu'on le croit. Comptez
le nombre de personnes qui ont réussi à le faire
avant vous.´
Régis Nicolle: `Il y a plus de gens qui meurent dans
leur lit que sur la route. J'en conclus qu'il est plus dangereux
de s'endormir dans son lit qu'au volant de sa voiture.
Luis Rego, comédien français: `Non, les accidents
de la route ne sont pas dus à l'alcool, ils sont dus à
la voiture. La preuve: mettez un alcoolo dans un fauteuil roulant,
il ne tuera personne.´ (Extrait de `C'est à ceux
qu'on aime qu'on ment le plus´)
Gilbert Cesbron, écrivain français: `Nous leur
demandons seulement d'aimer leur prochain autant que leur voiture.´
Jean Rigaux, chansonnier français: `De tous les champignons,
celui d'une voiture est encore le plus mortel.´
L'automobile a un bel avenir devant elle, tout autant que les transports en commun. A condition, bien sûr, qu'on les rende tous deux complémentaires
Ce qui frappe quand on entend parler de la voiture, c'est la dépendance de l'automobiliste vis-à-vis de son véhicule et son discours sur la liberté. Rien ne pourrait le persuader qu'il n'a pas raison de vouloir s'approprier à tout prix cet objet. Il est possédé et aucun argument rationnel ne l'atteindra. C'est le domaine de la passion et de l'irrationnel par excellence. Rien qu'en Belgique, il y a 35 000 collectionneurs!
De grâce, vertueux dirigeants de cette autocratie, cessez de prêcher l'usage raisonnable de l'auto, ça klaxonne faux!
En voiture, `on gagne du temps´. Mais plus on invente des machines à gagner du temps, plus augmente l'angoisse de manquer de temps. Le déplacement permanent et sans effort est devenu la norme, une manière d'exister, une façon d'être pris au sérieux. Tous ces déplacés se retrouvent en file indienne, à l'affût d'une possibilité de déboîtement qui va leur permettre de gagner une minute. Pour certains en revanche, la voiture est le lieu idéal pour tuer le temps ou occuper sa journée (et la place de ceux qui sont pressés). On parle du coût ou de la longueur des déplacements, jamais de leur finalité.
Les voitures sont spacieuses à l'intérieur mais laissent peu de place à l'extérieur. L'espace manque et il manquera de plus en plus. Six cents millions d'automobiles sur terre qui deviendront rapidement un milliard. Qu'on fasse rouler les voitures à l'électricité ou à l'eau chaude ne changera rien à cette donnée immuable.
Le temps et l'espace font défaut à l'auto; qu'à cela ne tienne, on les a recréés dans le rêve, l'imagerie automobile. Sur la planète Voiture, les paysages vierges n'ont pas d'horizon et le temps ne s'écoule pas. Se passer de voiture, c'est renouer avec la réalité, prendre le temps et faire les choses durablement. C'est voyager lentement et donc agrandir son univers. C'est faire évoluer corps et pensée au même rythme et les mettre en harmonie. Quand on n'a que ses jambes, on a l'éternité et le monde pour soi. Vivre sans voiture, c'est réaliser le rêve automobile. Efficace, la voiture? Elle occupe beaucoup de place et transporte rarement plus d'une personne (elle reste vide et immobile 93 pc de sa durée de vie).
Dans la plupart des villes européennes, la vitesse moyenne d'un véhicule ne dépasse pas celle d'une bicyclette et la moitié des trajets est de moins de trois kilomètres. (Dans `transport´, il y a `sport´, non?)
Un ménage belge dépense en moyenne près de 5 000 ¤ par an pour sa voiture. Deux mois de salaire pour payer l'outil de travail et le rêve qui permet de l'oublier. Bref, l'auto, c'est le mode de déplacement le moins efficace, le plus coûteux et le plus polluant.
Si l'on veut écouler un produit qui n'est pas efficace, il faut le rendre indispensable.
L'environnement a été transformé en fonction de la voiture et de façon à ce que le transport individuel et motorisé soit favorisé, voire imposé. Comme l'auto rétrécit le monde, les gens se sont éloignés les uns des autres. En adaptant la ville à l'auto, on l'a rendue invivable, ses habitants sont partis urbaniser la campagne. A la campagne, les villages sont coupés par la route et les paysages tagués à l'asphalte.
Dans le même temps, on a démantelé les transports en commun. La Belgique était un des pays les plus ferrés d'Europe; la SNCB a supprimé des centaines de gares et d'arrêts dans les 20 dernières années et a injecté les milliards publics dans le trafic routier. De même devant le nombre de morts causés par ce trafic routier (1 500 morts par an), on devait imposer une vitesse maximale non pas aux conducteurs mais aux constructeurs (réjouissons-nous: à défaut d'oser imposer quoi que ce soit à ces bienfaiteurs de l'humanité, la Commission européenne annonce victorieusement l'obtention d'un Accord volontaire des constructeurs pour arrondir leurs carrosseries, et cela, pour `protéger´ les piétons!).
C'est peu de dire que nos gouvernants sont des mordus du volant, qui n'ont (forcément) pas les pieds sur terre, persuadés qu'ils sont que toute la population pense comme eux.
Résultat: aujourd'hui et pour longtemps encore, c'est le chaos. L'illusion automobile présente sa facture à la collectivité: 10 pc en moyenne du PIB des pays membres de l'Union européenne, 2 pc rien que pour la congestion. Et malgré tous ces sacrifices, personne n'est content!
Tout système poussé au bout de ses possibilités finit par s'auto-détruire. La voiture aurait déjà dû disparaître de la ville dès l'apparition des premiers embouteillages. On lui a sacrifié l'espace qu'elle ne méritait pas au détriment des transports en commun et des autres usagers. La rue, où plus aucun enfant ne joue, est devenue voirie, les trottoirs sont devenus des parkings. On a fermé les yeux, on a laissé faire. Les pouvoirs publics, qui invoquent si souvent les lois immuables du marché, ont faussé la concurrence entre les différents modes de transport. Dans des conditions de concurrence normales, ce système obsolète aurait évolué ou aurait disparu pour le plus grand bien de tous.
A ceux que l'auto fait encore rêver, je souhaite bonne route.
© La Libre Belgique 2001
Alors même que s'ouvrait, le 21 janvier dernier, devant le tribunal correctionnel de Poitiers le procès du carambolage de l'autoroute A10 (15 morts et 53 blessés en novembre 1993), le ministère des transports a présenté le premier bilan des accidents de la route survenus en 2001. Avec 7 616 tués contre 7 643 l'année précédente, le solde de l'hécatombe annuelle serait en légère baisse (-0,4 %).
Les chiffres du département des Alpes-Maritimes semblent meilleurs : 105 tués en 2001 contre 112 l'année précédente, ce qui représenterait une baisse encourageante de 6,25 %. Encourageante mais étonnante dans la mesure où ces dernières années le département n'a pas spécialement fait figure de bon élève en matière de sécurité routière.
Généralement revus à la hausse lors du comptage final, ces chiffres souffrent également d'une « exception française » qui consiste à ne considérer comme victimes de la route que les blessés décédant six jours au plus après leur accident. Dans la plupart des autres pays d'Europe, le comptage se fait jusqu'au trentième jour suivant l'accident.
Pourtant, malgré cela, notre pays détient toujours le triste record des morts sur la route, le véritable chiffre se situant obstinément, d'une année sur l'autre, autour de 8 000 victimes. Une hécatombe qui touche en priorité les jeunes pour lesquels la route est la première cause de mortalité.
Que faire ?
En présentant le bilan, le ministre Jean Claude-Gayssot
a dit que le nombre de victimes était « totalement
insupportable pour notre société » et
jugé « indispensable une évolution plus
sensible des comportements des conducteurs ». Il n'a
pas dit, hélas, comment il comptait s'y prendre pour les
faire évoluer.
La « nouvelle peur du gendarme » que le ministère a voulu instituer au printemps dernier en mobilisant chaque week-end de grande migration plus de 20 000 gendarmes et policiers, ne semble pas avoir porté ses fruits. Que faire alors ? Peut-être tout simplement écouter les familles de victimes de la route raconter leur calvaire et se convaincre avec elles qu' « il faut arrêter ça ».
Philippe DUPUY.