La Droite
La droite enterre enfin ses divisions
BERNARD DELATTRE - Mis en ligne le 17/11/2002
Création historique dimanche de l'Union pour un mouvement populaire (UMP). Son chef de file, Alain Juppé, est mis en orbite pour les présidentielles de 2007. Mais on ne saura qu'à partir de 2004 si le pari de l'union est réellement gagné.
Depuis vingt-cinq ans, tel un serpent de mer, le concept d'union de la droite réapparaissait régulièrement dans la mer souvent agitée de la politique française, pour ensuite invariablement sombrer dans les profondeurs abyssales des rivalités partisanes, des querelles d'ego et des guerres de chapelles. Dimanche, pourtant, l'animal mythique est enfin apparu au grand jour, sous les traits de l'Union pour un mouvement populaire (UMP).
Ce nouveau parti regroupe la grosse majorité des élus et dirigeants des anciennes formations gaulliste (RPR), libérale (DL) et centriste (UDF). En guise de reptile marin, il s'agit en fait d'un mastodonte politique au poids écrasant. Hormis une poignée de centristes restés fidèles au patron de l'UDF François Bayrou et l'un ou l'autre gaulliste historique boudant dans son coin (tel Philippe Séguin ou Charles Pasqua), il occupe une position quasi hégémonique à droite et est dénué du moindre rival de taille comparable dans le paysage politique.
Si la droite est enfin parvenue à enterrer ses légendaires divisions, c'est parce que ses clivages d'hier (Europe, atlantisme, décentralisation, etc.) se sont atténués au fil des ans. C'est aussi parce que le dernier scrutin présidentiel a érigé Jacques Chirac en leader incontesté de cette famille politique. C'est encore parce que, pour ce même Chirac - qui aura bientôt 70 ans et effectue théoriquement son dernier mandat -, il devenait urgent de s'assurer que sa succession se déroulerait dans les meilleures conditions.
Une assise un peu floue
La création de l'UMP y contribue. Pour autant, tout n'est pas réglé. Ainsi, l'assise idéologique de la nouvelle formation demeure floue. S'agit-il d'un parti conservateur? Réformateur? De droite? Du centre? Du centre-droit? Conscients des nuances de leurs électorats, les pères de l'UMP n'ont pas tranché, et l'ont commodément baptisé `parti de la droite et du centre´. En outre, le caractère très hétérogène de la composition de l'UMP porte en elle les germes de sa balkanisation en courants. Voire de sa transformation en clone de l'ancienne UDF, confédération tellement molle et `plurielle´ qu'elle ne résista guère aux affres du temps.
Pour l'éviter, mais aussi pour faire en sorte que ce mastodonte aussi énorme ne soit pas trop lourd à gérer au quotidien, l'UMP s'est dotée de statuts taillés sur mesure, qui cadenassent pour le moins le débat interne. Ce verrouillage suscite déjà des frustrations. L'illustre la faible participation enregistrée dimanche à l'élection du premier président de l'UMP: seuls 45.000 des 164.000 adhérents revendiqués (un chiffre contesté) ont pris part au vote. L'indique aussi le score (14,9 pc) réalisé par le jeune député souverainiste Nicolas Dupont-Aignant, le principal challenger du député-maire de Bordeaux Alain Juppé, qui a été élu pour deux ans à la tête de l'UMP avec 79 pc des voix.
Ce score assez modeste illustre une autre difficulté qui attend l'UMP, liée à la personnalité de son chef de file. En effet, aussi brillant soit-il, l'ex-Premier ministre souffre d'un récurrent problème d'image et de popularité. Il traîne encore quelques fameuses casseroles judiciaires. Et son ambition de représenter son camp aux présidentielles de 2007 ne fera sans doute pas, le jour venu, l'unanimité - le ministre Sarkozy et le Premier ministre Raffarin étant eux aussi présidentiables.
C'est dire si l'unité affichée à relativement peu de frais en 2002 sera sans doute plus difficilement de mise en 2004 (quand le poste de Juppé sera remis en jeu) et à l'approche de 2007. Ce n'est d'ailleurs qu'à ce moment qu'on pourra vraiment diagnostiquer si la création de l'UMP dimanche a représenté `un grand moment de (l')histoire politique´ française - Jacques Chirac dixit. Et constater si, oui ou non, la droite hexagonale a cessé d'être `la plus bête du monde´, selon un mot célèbre de Nicolas Sarkozy lui-même.