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Coup d'envoi d'une année cruciale

L'impôt sur la fortune n'est plus tabou

 


Coup d'envoi d'une année cruciale
BERNARD DELATTRE - Mis en ligne le 03/01/2003
 

Rentrée pour Raffarin.2003 sera une année de transition électorale, mais elle sera tout sauf insipide.
L'avenir personnel du Premier ministre y sera déterminé. Et le chiraquisme - réformateur ou conservateur? - enfin précisé.

CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS

L'échange de voeux qui a accompagné le premier conseil des ministres de l'année vendredi à Paris a marqué la fin de la trêve des confiseurs. D'un point de vue électoral, c'est une année de transition qui débute: transition entre les scrutins historiques tenus en 2002 - historiques par la configuration inédite du second tour des présidentielles et par le caractère massif de la victoire de la droite aux législatives - et les élections régionales et européennes programmées en 2004.

Mais pour autant, politiquement comme socialement, les douze mois qui suivront seront tout sauf insipides. Le président Chirac l'a rappelé vendredi: 2003 sera l'année de la réforme et de l'action. Réforme des retraites, réorganisation de l'assurance maladie, apurement du déficit abyssal de la sécurité sociale, voire l'un ou l'autre chantier institutionnel figureront notamment au menu du gouvernement Raffarin. Ils constitueront d'autant moins des parties de plaisir qu'en 2003 - sans parler d'un environnement international incertain - la croissance sera maigrichonne, la situation budgétaire acrobatique, le chômage en progression, et les conflits sociaux (dans les secteurs de la santé, des transports, etc) nombreux.

Le chef de l'Etat l'a encore répété vendredi ainsi que lors de ses récents voeux télévisés: loin de la rigidité d'un Alain Juppé en 1995, la chiraquie veut réformer le pays de manière douce, en faisant preuve d'équité, de solidarité et de pédagogie.

`Raff´ en orbite pour 2007

Ce parti pris pourrait d'autant plus s'avérer payant que, pour concrétiser son ambition réformatrice, la droite bénéficie déjà d'une série d'atouts impressionnants. Ainsi, Jacques Chirac jouit d'une majorité aussi pléthorique que docile. La nouvelle posture (moins `politicienne´, plus grave, voire consensuelle) qu'il affiche depuis le séisme du 21 avril passe manifestement bien dans la population. Son Premier ministre, l'habile Jean-Pierre Raffarin, jouit d'une popularité inoxydable. Son gouvernement, s'il n'est pas exempt d'erreurs de casting et connaît parfois des tiraillements et des baisses de régime, compte en son sein des ministres qui sont littéralement plébiscités: ainsi évidemment le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. Enfin, cerise sur le gâteau, la gauche est en pleine traversée du désert existentielle: socialistes et écologistes sont paralysés par leurs divisions, communistes et chevènementistes sont quasiment en voie de disparition.

Rarement donc, semble-t-il, les conditions n'ont été autant réunies pour enfin entreprendre en France des réformes qui ont été mises en oeuvre dans tous les autres pays d'Europe. Ce qui ne veut pas dire que ce sera facile, et encore moins que c'est gagné d'avance.

Ce qui est sûr, en revanche, c'est que deux tendances importances se dessineront en 2003. D'une part, les contours d'un chiraquisme doctrinalement encore assez flou aujourd'hui, malgré la longévité politique de son héraut, seront enfin précisés. A cet égard, l'on verra notamment si ce courant est réellement réformateur ou classiquement conservateur. D'autre part, ces douze prochains mois, les trajectoires personnelles seront tout autant clarifiées. Singulièrement, si Jean-Pierre Raffarin mène à bien sa course d'obstacles réformatrice, il pourra prétendre jouer un rôle important dans l'après-Chirac et le scrutin présidentiel de 2007, aux côtés des successeurs `naturels´ que sont Juppé et Sarkozy.

© La Libre Belgique 2003


L'impôt sur la fortune n'est plus tabou
BERNARD DELATTRE- Mis en ligne le 28/01/2003
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La droite s'attaque à une des mesures emblématiques de l'ère Mitterrand.
L'impôt `de solidarité´ qui frappe les plus gros revenus depuis vingt ans sera allégé.
Mais uniquement quand cela favorisera l'emploi, précise un Raffarin prudentissime.

CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS

Avec d'autant moins de complexes que l'électeur lui a massivement donné mandat pour ce faire, le duo Chirac-Raffarin poursuit son détricotage du legs de la gauche. Après avoir abrogé de facto les 35 heures, supprimé les emplois-jeunes, annulé la loi anti-licenciements et raboté la couverture maladie universelle - quatre jalons de l'ère Jospin -, le Premier ministre Raffarin a lancé lundi soir la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Cet impôt est depuis plus de vingt ans un monument de la politique économique française. Sous l'appellation impôt sur les grandes fortunes (IGF), il avait été instauré par le gouvernement Mauroy quelques mois à peine après l'arrivée de François Mitterrand à l'Elysée en mai 1981. Avec l'augmentation du salaire minimum et la nationalisation des grandes entreprises, il faisait alors figure de mesure emblématique d'une certaine gauche triomphante. En 1986, d'ailleurs, sitôt la première cohabitation lancée, Jacques Chirac l'avait abrogé. Mais dès le retour de la gauche au pouvoir en 1988, Rocard l'avait rétabli. Et depuis, personne - pas même les gouvernements de droite Balladur et Juppé - n'avait osé toucher à une taxation d'autant plus populaire dans l'opinion qu'elle ne frappe qu'une minorité de contribuables aisés (*).

`Mobilisation nationale´

Depuis des mois, Jean-Pierre Raffarin était mis sous pression par le patronat et l'aile la plus libérale de sa majorité, qui réclamaient à grands cris l'allégement voire l'abrogation de cet impôt jugé néfaste à l'attractivité économique nationale - rebaptisé du reste `Impôt de sortie de France´ par le secrétaire d'Etat aux PME Renaud Dutreil. Mais l'an dernier, le chef du gouvernement avait refusé une telle réforme, jugeant le sujet `sensible´ et susceptible de `bloquer´ les Français.

Le locataire de Matignon vient toutefois de céder. Conscient cependant de la probable impopularité d'une telle mesure - ou, en tout cas, de son caractère sociologiquement très marqué -, se souvenant sans doute aussi des remous qu'avait suscités l'abrogation de l'IGF par Chirac en 1986, le chef du gouvernement y a mis les formes.

Mardi encore, à l'Assemblée, il a répété qu'il ne s'agissait pas d'une réforme de l'ISF mais de son simple toilettage. Ainsi, le fait de ne plus prendre en considération, dans le calcul de la fortune imposable, les capitaux investis dans la création de PME s'intégrerait dans une `mobilisation nationale pour la création d'entreprises´, mobilisation à laquelle participerait toute la fiscalité et non le seul ISF.

Déjà, néanmoins, la gauche monte au créneau. `Après les cadeaux massifs au patronat, le gouvernement, alors qu'il supprime les lois sociales et accepte des plans sociaux massifs, s'apprête à alléger l'impôt des plus riches´, s'est insurgée la communiste Marie-George Buffet, qui a parlé de `honte´. `M. Raffarin a de la compassion pour les licenciés et de la générosité pour les grandes fortunes´, a ironisé pour sa part le socialiste François Hollande.

(*) A savoir les contribuables dont le patrimoine mobilier et/ou immobilier a une valeur supérieure à 720.000 euros environ.

© La Libre Belgique 2003

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