Laval
`PIERRE LAVAL : LE CHOIX DE LA COLLABORATION.
LES BASES CONSTITUTIONNELLES DU REGIME DE VICHY
Le 9 octobre 1945, tard dans la soirée, la Haute Cour de Justice rend le verdict suivant :
«Attendu que Pierre Laval est accusé du double crime de complot contre la sûreté de l'Etat et d'intelligence avec l'ennemi, vu les articles 87 et 75 du Code Pénal, l'ordonnance du 28 novembre 1944, la Cour condamne Pierre Laval à la peine de mort, le déclare convaincu d'indignité nationale et prononce la confiscation de ses biens.»
Le 13 octobre 1945, deux de ses avocats, Maître Naud et Maître Baraduc, sont reçus par le général de Gaulle qui refuse de gracier. Son opinion est faite :Laval a joué, il a perdu,il doit payer.
Le lundi 15 octobre 1945, à 12h32, Pierre Laval est fusillé. Il y a longtemps que la justice française n'avait pas condamné à mort et exécuté un responsable politique de haut rang. Comment en est-on arrivé là ?
De 1940 à 1944, la France, gouvernée par le régime de Vichy, pratique une politique de collaboration avec le IIIème Reich vainqueur. Le concept de collaboration est né de deux événements importants de 1940, c'est-à-dire l'armistice du 22 juin et la rencontre de Montoire entre Hitler et Laval dans un premier temps et surtout Pétain et Hitler dans un second temps, le 24 octobre. Lors de ces événements l'idée de collaboration est évoquée mais rien de précis n'est décidé. Ce n'est que par la suite, sur l'insistance et à l'initiative de Vichy, que naîtra la collaboration. En effet l'article 3 de l'armistice dit: «le gouvernement français invitera immédiatement toutes les autorités et tous les services administratifs français du territoire occupé à se conformer aux règlements des autorités militaires allemandes et à collaborer avec ces dernières d'une manière correcte.» L'on parle de collaborer, c'est un fait, mais l'article reste vague et n'intéresse que la zone occupée. Quelques jours après l'entrevue de Montoire, le Maréchal Pétain répète à la nation, dans un discours radiodiffusé et avec une certaine solennité : « J'entre dans la voie de la collaboration avec le vainqueur.» Cette phrase, qui a fait couler beaucoup d'encre, reste elle aussi vague car absolument rien n'a été décidé à Montoire. L'on a coutume de dire que c'est Pierre Laval qui donnera un contenu à la formule de Pétain. Il est exact que, si pendant cette période un homme s'est identifié à la collaboration c'est Pierre Laval. Certes il est loin d'être le seul, il y aura aussi l'Amiral Darlan, Darnand, Doriot, Déat... (*1),mais le rôle de Laval sera capital.
Il est important de rappeler qu'il n' y a pas eu une seule et même collaboration mais que, suivant les hommes au pouvoir, selon que l'on se place à Vichy ou à Paris, la collaboration diffère. Ces collaborations concerneront plusieurs domaines : évidemment le domaine politique avec une tentative de Vichy de s'insérer dans le «bloc germano-italien» pour «l'Europe nouvelle» ,mais aussi une collaboration politique et militaire dans la lutte contre les Alliés, la Résistance, la communauté juive ... Cette collaboration a pris également un aspect économique, de nombreuses entreprises travaillant pour l'Allemagne. Avec l'institution de la «Relève» puis du STO, collaboration économique et politique se mêlent étroitement. N'oublions pas la collaboration culturelle suscitée par la présence à Paris de l'ambassadeur Otto Abetz, francophile notoire «un Allemand comme il faut et correct» dit-on dans certains milieux parisiens. Quelques intellectuels s'associeront à cette collaboration comme Drieu La Rochelle, Brasillach, Morand, Céline... des vedettes de cinéma comme Danièle Darrieux, Albert Préjean,Viviane Romance, Suzy Delair...
Laval a donc été l'un des promoteurs de cette collaboration. Très tôt, dès le 5 juillet 1940, cet homme qui n'a joué aucun rôle dans l'élaboration de l'armistice définit la nécessité de rapprocher les institutions françaises des systèmes totalitaires : « De deux choses l'une, déclarare-t-il aux députés réunis dans la salle du Casino de Vichy, ou bien vous acceptez ce que nous vous demandons et vous vous alignez sur la constitution allemande ou italienne ou bien Hitler vous l'imposera. » Cinq jours plus tard, le 10 juillet 1940, il insiste sur le fait qu'il n'y a pas d'autre issue : « Nous n'avons pas d'autre chemin à suivre que celui d'une collaboration loyale avec l'Allemagne et l'Italie.» A travers le cas de Laval, on peut se poser la question de savoir si la collaboration résulte d'un « opportunisme » et logiquement d'une erreur d'appréciation de certains hommes (puisque l'Angleterre ne sera pas battue ou.ne signera pas de paix séparée) ou si la collaboration s'inscrit dans un cadre plus spécifique, plus français, avec un but idéologique bien précis, la réminiscence du 6 février 1934 (*2), des Ligues, des complots de la Cagoule (*3), l'aspect anti-Front Populaire de Vichy.
Il nous faut maintenant rappeler la vie et la carrière de cet homme qui ressurgit en 1940 et qui est loin d'être un homme nouveau.
Pierre Laval est né à Châteldon le 28 juin 1883,dans une famille modeste mais pas misérable, même si plus tard il insistera beaucoup sur ses origines paysannes. Le cadre de l'enfance de Laval n'est pas la ferme mais l'auberge commerce. Il fait de bonnes études primaires et il obtient son certificat d'études en 1895. Son ancien instituteur, monsieur Aubignat, lui délivre en 1899 un certificat de bonne conduite où l'on peut lire : « Laval Pierre, âgé de seize ans...,a fréquenté l'école de Châteldon jusqu'à l'âge de treize ans ... il était un des meilleurs élèves, ... il dénotait d'excellentes aptitudes intellectuelles et ... il a toujours eu une conduite irréprochable. »(*4) Ses études secondaires le conduisent dans plusieurs établissements, le lycée saint-Louis à Paris, le lycée de Bayonne, le lycée Banville à Moulins. Il reste au lycée Saint-Louis d'octobre 1899 à juillet 1900 ; le proviseur de l'époque reconnaît que «sa conduite a été bonne mais son application aurait pu être plus soutenue. »(*5) Il demeure au lycée de Bayonne d'octobre 1900 à juillet 1901 ; on note alors «du travail et des progrès satisfaisants ».(*6) C'est au lycée Banville, à Moulins, qu'il fait sa rentrée en octobre 1901 pour préparer la seconde partie de son baccalauréat ; il y reste jusqu'en 1902. Sa scolarité n'est pas extraordinaire, il laisse le souvenir d'un élève dissipé. En janvier 1902 dans un rapport au censeur un surveillant écrit : « Je demande une punition. Les notes de conduite de cet élève laissent à désirer. » Quelques mois plus tard, dans un rapport au proviseur, un surveillant se plaint de l'élève Laval : « Au réfectoire de midi Laval entra en retard. A son entrée les cris de « Ah !âhh Laval » qui est le cri du jour accueillent cet élève. Quelques minutes après un plat entier fut renversé par un garçon. Les élèves se mirent à rire d'une façon très discrète mais ne poussèrent aucun cri. A la sortie du réfectoire Laval fut porté en triomphe par deux de ses camarades et les mêmes cris de « Ahh Laval ! » furent poussés. »
Laval ne laisse pas le souvenir d'un bon élève et il échoue à son baccalauréat à la session de juillet 1902. Pourtant il n'hésite pas deux ans plus tard à écrire au proviseur du lycée afin d'obtenir un certificat de bonne conduite, indispensable pour le poste de répétiteur stagiaire qu'il demande. A deux reprises, en février et mars 1904, il écrit : « J'espère que vous ne me refuserez pas ce certificat... il est en effet indispensable que je me crée une position me permettant de vivre et de continuer mes études. Mon passage au lycée de Moulins ne vous a sans doute pas laissé une bonne impression et pourtant j'ose croire que vous ne voudrez pas briser ma carrière. » Quelques jours plus tard il insiste : « j'ose espérer que vous ne me refuserez pas un service que M.le proviseur du lycée de Bayonne n'a pas hésité à me rendre...»(*7) Ne voit-on pas déjà celui qui est prêt à tout, le négociateur, le « maquignon »... ? Il sera donc « pion » répétiteur à Lyon, Autun, Saint-Etienne (au lycée Ampère à Lyon il croise un jeune agrégé Edouard Herriot). En 1905 il obtient une licence en sciences naturelles et en 1908 il décroche une licence en droit qui lui ouvre l'accès à la profession d'avocat. Il va d'ailleurs s'inscrire au barreau de Paris. Dès cette époque la politique l'intéresse, puisqu'il est membre de la tendance pacifiste et révolutionnaire du parti socialiste.
En 1909 il épouse Jeanne Elisabeth Claussat fille du médecin et maire de Châteldon. La famille Claussat va devenir sa vraie famille. Ses parents, son frère aîné disparaissent avant la guerre de 14, son frère Jean est tué en septembre 1914 ; quant à sa soeur, elle épouse un adjudant et part vivre au Pays Basque et disparaît de la vie de Pierre Laval. Quand Pierre Laval entre dans « le clan Claussat »,il y a plus de vingt ans que ces derniers régnent sur le canton de Châteldon. Son beau-frère Joseph Claussat a été élu député socialiste du Puy-deDôme. De l'union entre Jeanne Elisabeth Claussat et Pierre Laval naît en 1911 une fille Josée,enfant unique qui sera idolâtrée par son père. Le ménage Laval apparaîtra toujours uni.
Pierre Laval se fait connaître comme avocat des syndicats et notamment de la CGT. En 1914 il est élu député socialiste d'Aubervilliers, dans la région parisienne, ville dont il devient également maire.
Août 1914, arrive la guerre, Laval ne part pas pour le front. Il est «exempté définitif» depuis 1902 parce qu'il a des varices. Classé par la police comme révolutionnaire dangereux, il figure sur le Carnet B parmi les agitateurs à arrêter le jour de la mobilisation,(finalement le ministre de l'Intérieur ne fera pas procéder à ces arrestations).
Battu aux élections législatives de 1919, Il quitte le parti socialiste et évolue vers le centre droit. Il se fait élire député socialiste indépendant dans le département de la Seine en 1924. A partir de 1925 il entame une carrière ministérielle ; entre 1925 et 1936, il est 11 fois ministre, 4 fois Président du Conseil :
-1925, Ministre des Travaux Publics
-1925, sous-secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil
-1926, Garde des Sceaux
-1930, Ministre du Travail
-1931, cabinet Laval
-1932, cabinet Laval
-1934, Ministre des Colonies puis Ministre des Affaires Etrangères après l'assassinat de L.Barthou et du roi Alexandre de Yougoslavie à Marseille.
-1935, cabinet Laval jusqu'en janvier 1936.
A tout cela on peut ajouter une élection de sénateur de la Seine en 1927 et une élection de sénateur du Puy-de-Dôme en 1935.
Parallèlement à sa carrière politique, il amasse une assez belle fortune (il est ainsi propriétaire du journal Le Moniteur du Puy-de-Dôme, des imprimeries Mont-Louis, de Radio-Lyon, du château féodal et de la source d'eau minérale La Sergentale à Châteldon, d'un hôtel particulier à Paris, d'une ferme dans le Bassin Parisien...) .L'achat du château prend une très grande importance pour lui. Et au comble de sa satisfaction en 1935 il marie sa fille au comte René de Chambrun descendant direct de La Fayette, fils du général de Chambrun, neveu de l'explorateur Savorgnan de Brazza et parent de la famille Roosevelt.
Durant sa carrière ministérielle on peut dire que Laval cherche à imiter celui que l'on appelle « le pèlerin de la paix », Aristide Briand (*8). Comme lui il croit aux entretiens personnels qui donnent de la force aux traités, comme lui il est sceptique et mystique, familier et orgueilleux.
Après janvier 1936, c'est un homme résoluinent dans l'opposition, face à B1um, Chautemps et Daladier (*9).(Au demeurant la politique de déflation menée par Laval, en multipliant les mécontents n'était pas pour rien dans la victoire du Front Populaire).
Après la guerre de nombreuses accusations ont été portées contre Laval et notamment au sujet de son éventuelle participation à un complot contre la république. Si l'on en croit des documents allemands publiés par le Département d'Etat américain,Laval aurait eu des contacts avec Franco, craignant un coup d'Etat communiste en France. Il aurait même songé à utiliser le prestige du Maréchal Pétain et aurait donc vu le salut de la France dans un gouvernement Pétain. En avril 1937 l'ambassadeur d'Allemagne en poste à Salamanque écrit : « M.Laval a manifesté... ses sympathies pour les nationaux. Pendant cet entretien avec un proche de Franco, l'homme politique français a parlé de la grave situation intérieure de son pays, de la menace proche d'un soulèvement communiste et il a déclaré qu'il était en relation avec Doriot, le Colonel de La Rocque et le Maréchal Pétain. Selon lui, à la fin de juillet ou au début d'août, au moment où la France devra faire appel au crédit, il faut s'attendre à un échec de l'emprunt et à la chute du gouvernement Blum. Monsieur Laval estime que le salut de la France réside dans un gouvernement Pétain et que le Maréchal est prêt à assumer ses responsabilités.» Il apparaît que Laval ait préféré attendre avant d'agir, l'historien Fred Kupferman (son meilleur biographe) écrit d'ailleurs : « Patience, prudence ces maîtres mots gouvernent sa vie. » En août 1939, un nouveau contact s'établit entre Pétain et Laval. Un envoyé du Maréchal vient rencontrer Laval pour obtenir son opinion sur la situation ; Laval réplique : « La situation ? Elle est bien simple. Il faut se séparer de Daladier. Vous direz au Maréchal que ce Daladier est un fumier et un salaud ! » (*10)
En septembre 1939, il est l'un des rares parlementaires à ne pas voter les crédits de guerre, estimant qu'une défaite est probable. Un thiernois se souvient avoir entendu Laval dire à Châteldon après la déclaration de guerre : « Les cons, on n'est pas prêt ! »(*11) Cette lucidité jouera un grand rôle par la suite, les évènements confirmant son point de vue. A mesure que se multiplient les signes de la défaite, le prestige d'opposant de Laval croît. Durant les heures dramatiques de juin 1940 à Bordeaux, il fait pression sur le président de la République, Albert Lebrun, afin que ce dernier ne quitte pas la France et il favorise la nomination de Pétain comme Président du Conseil dont il devient Ministre d'Etat. Après l'armistice à Vichy en juillet 1940, utilisant ses contacts personnels, intrigant, il joue un rôle considérable dans la disparition de la IIIème République,(le député de Thiers, le socialiste Ernest Laroche, maire de Puy Guillaume, vote les pleins pouvoirs à Pétain avec 568 de ses collègues députés ou sénateurs).
PIERRE LAVAL : COLLABORATEUR première MANIERE
Juillet-décembre 1940
A ce moment là, Pierre Laval qui se considère un peu comme « le père du nouveau régime » choisit délibérément de rapprocher la France de l'Allemagne. Cette attitude résulte de son analyse de la situation, selon lui la défaite de l'Angleterre est certaine. Il manifeste alors une grande hâte à négocier avant, pense-t-il, que les Anglais ne le fassent. Laval, selon l'expression de l'historien américain Robert Paxton, décide de « briser le mur du silence.» Pour lui la France a plus d'intérêts communs avec Berlin qu'avec Londres. Il peut d'ailleurs faire miroiter son désir sincère de collaboration avec l'Allemagne car il a voté contre le Traité de Versailles en 1919 et contre les crédits de guerre en 1939. Au début il ne trouve que des interlocuteurs réticents (la plupart sont des militaires) qui préfèrent se limiter au texte de l'armistice. Laval, quant à lui, est persuadé que l'intérêt de la France est d'appliquer sans arrière-pensée la convention d'armistice mais aussi de sacrifier s'il le faut des positions économiques, militaires, même des populations, pour préserver selon lui l'essentiel aa survie de la France métropolitaine. La chance si l'on peut dire, de Pierre Laval sera d'être mis en relation avec Otto Abetz. Les deux hommes vont se lier d'amitié assez rapidement. Abetz (né en 1903 professeur de dessin) organise avant 1933 avec Jean Luchaire (journaliste, futur collaborateur) des congrès de jeunesse franco-allemande prônant la réconciliation. Puis il se rallie au régime nazi et continue à nouer de nombreux contacts avec certains milieux intellectuels français. Il revient à Paris au lendemain de l'armistice avec le titre d'ambassadeur. Les deux hommes se font confiance mutuellement et s'admirent. Abetz écrit dans ses mémoires à propos de Laval que « c'était l'un des plus grands hommes d'Etat de notre époque et en tout cas son dernier grand politique vraiment libéral. » L'admiration d'Abetz ne concernait pas en revanche la France. Ainsi, dans un de ses rapports à Berlin, on pouvait lire : « l'intérêt du Reich exige d'une part le maintien de la France dans un état de faiblesse intérieure et d'autre part son éloignement de puissances étrangères ennemies du Reich... Tout doit donc être entrepris du côté allemand pour amener la désunion intérieure et l'affaiblissement de la France. »
Le 24 septembre 1940 Laval propose à Abetz une contribution financière pour aider à la défaite de l'Angleterre. Ceci est transmis à Hitler mais sans succès : ce dernier craint encore que la France ne redevienne puissante et soupçonne des contacts Pétain/de Gaulle/Angleterre. Laval ne désespère pas, la collaboration reste chez lui une idée fixe, il est convaincu des bons sentiments de l'Allemagne envers la France. Il croit en une fédération avec les états totalitaires dans laquelle la France jouerait un rôle conforme à sa dignité et à son passé. De toute façon pour Laval il n'y a pas d'autre choix : si l'Allemagne perd la guerre, la France sera vouée à la destruction par le communisme. Le drame de Mers-el-Kébir en juillet 1940 (*12) ne fait que renforcer Laval dans ses convictions. Après l'épisode de Dakar où les troupes de Vichy repoussent une attaque anglo-gaulliste, Hitler décide en quelque sorte d'encourager les Français par un geste spectaculaire : ce sera Montoire. C'est une surprise pour Laval qui ignorait tout de la rencontre et pensait voir Ribbentrop (*13) et non pas Hitler. Montoire apparaît finalement pour Laval comme le couronnement de plusieurs mois de démarches. Cette rencontre est avant tout spectaculaire et symbolique (la poignée de mains Hitler/Pétain), en fait rien en ce qui concerne la collaboration n'est décidé précisément. On peut seulement dire qu'une voie semble ouverte à un nouveau type de rapports entre la France et l'Allemagne. Hitler qui rencontre donc Laval le 22 octobre 1940 et Pétain le 24, est certes impressionné par le Maréchal qu'il compare à Hindenburg,mais en ce qui concerne Pierre Laval il déclare à Mussolini : « Laval est un politicien malpropre, un marchand de tapis. »
Laval, qui pense qu'avec Montoire une nouvelle politique a été élaborée, souhaite toujours un rapprochement plus important avec Le Reich puisqu'il déclare qu'« avec les fruits de la collaboration en mains, [il se] fait fort d'entrainer le peuple français aux côtés de l'Allemagne. » Au lendemain de Montoire il va donc multiplier les concessions dans tous les domaines :
-il accepte de livrer l'or belge.
-il consent à l'installation de commissaires allemands auprès de la Banque de France.
-il cède les avoirs français dans le pétrole roumain et le cuivre yougoslave.
-il laisse passer en zone non occupée des commandes allemandes de pièces détachées et de cellules d'avions.
-il autorise la fusion de sociétés allemandes et françaises c'est-à-dire que les premières prirent le contrôle des secondes.
-il livre des émigrés politiques qui avaient accordé leur confiance à la parole de la France.
-il ferme les yeux sur l'expulsion des lorrains.
Mais Laval est loin de faire l'unanimité à Vichy. En effet il compte de nombreux adversaires et son passé politique dans un régime qui se veut à l'opposé de la IIIème République ne peut que lui porter tort.Ainsi le 13 décembre au cours d'une « véritable révolution de palais », Laval est renvoyé. On lui reproche d'agir seul sans en avertir Pétain. Il est même arrêté un instant et libéré sur l'intervention d' Abetz qui tente de faire pression sur Pétain pour qu'il le reprenne.
A l'origine du différend entre Pétain et Laval (un prétexte ?) un article de Marcel Déat publié dans le journal L'OEUVRE du 2 décembre 1940 et dont le Maréchal pense que Pierre Laval l'a très largement inspiré. Marcel Déat écrit: «Le Maréchal Pétain, malgré son étonnante vigueur physique, malgré l'acuité de son regard, malgré la vigilance de son esprit ne peut ni tout voir ni tout régler ... Les ministres ne sont pas toujours les plus influents : il y a ce petit ministère dans le grand que constitue l'entourage immédiat ... C'est cette clique anonyme, ce sont ces intrigants sans mandat qui, en fait, mènent le jeu depuis l'armistice ... Ils ont dans leur pauvre crâne quelques idées stéréotypées, quand ils n'en sont pas à la monomanie ... Ils étaient hier bellicistes, ils sont aujourd'hui revanchards et anglophiles, tout en feignant de suivre, le dos rond, le sentier rocailleux de la collaboration. Monsieur le Maréchal, il faut les chasser. Et vous verrez de quel élan la France vous suivra.»
Quelle signification donner au renvoi de Pierre Laval ?
Est-ce la fin de la politique de collaboration ? Nullement. La politique de Vichy après le 13 décembre est de réparer les dégâts causés auprès des Allemands par le départ de Laval, et avec l'Amiral Darlan, quelques mois plus tard, on se rapproche de la collaboration militaire sans réserve.
Est-ce un clin d'oeil envers les Etats-Unis ? Ceci est possible. Les Américains ont déjà rendu un grand service à Vichy en reconnaissant la légitimité du régime, et ils ne cachent pas leur hostilité envers Laval.
A Vichy, à ce moment-là, les bruits les plus divers courent sur la chute de Laval, on parle de complot gaulliste,anglais et un député affirme même aux américains qu'il s'agit d'un coup des partisans du Comte de Paris (*14) afin que celui-ci devienne le dauphin de Pétain.
Ce renvoi transforme Laval en véritable vassal d'Abetz : « ce n'est plus du côté français que je devrai chercher mes amis, c'est du côté allemand » déclare-t-il. Et la politique d'Abetz consistera à faire de lui par l'intermédiaire des journaux, une victime mais aussi un espoir. De son côté Laval va travailler à son retour au pouvoir,et malgré une tentative pour l'empêcher, le Maréchal Pétain (sur pressions des allemands) le nomme Chef du gouvernement en avril 1942.
PIERRE LAVAL : COLLABORATEUR deuxième MANIERE
Avril 1942 - Août 1944
A son retour au pouvoir, Laval cumule la direction du gouvernement, les Affaires Etrangères, l'Information et l'Intérieur. Les pressions allemandes pour son retour ont été réelles ; le 7 avril 1942 Hitler déclarait que « si Laval n'était pas rappelé il en tirerait les conséquences. » En avril 1942, la situation est très différente de celle de décembre 1940, l'Angleterre n'a pas été battue, l'URSS et les Etats-Unis sont entrés en guerre.
En ce qui concerne cette deuxième phase de la politique de collaboration menée par Laval, on retiendra la Relève, le STO et la déportation des juifs.
Au printemps 1942, Laval se veut l'homme de la temporisation : « Je ne reviens que pour tâcher d'éviter le pire » déclare-t-il. On est assez proche de l'image du « syndic de faillite » utilisée après la guerre par son gendre René de Chambrun. Le but de Laval à ce moment là, c'est d'offrir une association volontaire de la France à l'Allemagne en échange de conditions de vie plus acceptables et d'une place honorable dans « l'Europe nouvelle ». En 1942 la situation en Allemagne a évolué, le Reich a besoin d'hommes pour remplacer dans les usines et dans les champs ceux appelés essentiellement sur le front de l'est. Sauckel est nommé en mars 1942 responsable des travailleurs étrangers. Il vient à Paris le 15 juin, rencontre Laval et exige l'envoi de «250000 volontaires», sinon il menace de réquisitionner. Pour échapper à ce dilemme Laval propose le fameux système de « la Relève » : quand trois ouvriers qualifiés partiront pour les usines allemandes, un prisonnier sera libéré. La Relève va faire l'objet d'une propagande insistante par l'intermédiaire des actualités, de la radio, des journaux, des affiches. Malgré tout ce battage en juillet 1942 30000 ouvriers se sont présentés dans les bureaux de recrutement.Berlin juge le résultat médiocre. Sous la pression d'Abetz, Vichy promulgue la loi du 4 septembre 1942 qui assujettit les hommes de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans « dont l'aptitude physique aura été médicalement constatée » à effectuer tous les travaux que le gouvernement jugera utiles dans l'intérêt supérieur de la nation. A partir de cette loi et jusqu'en février 1943, nous sommes dans une période ambiguë où volontariat et contrainte se mêlent en ce qui concerne les départs pour l'Allemagne. Enfin, en février 1943, ce sont des classes d'âge entières qui sont soumises au Service du Travail Obligatoire (hommes nés en 1920, 1921, 1922). Au total 700000 ouvriers partiront pour l'Allemagne et 100000 prisonniers seront libérés. Certes les Allemands demandaient beaucoup plus de main d'oeuvre (plus de 2 millions d'hommes) mais une chose est certaine, c'est qu'à partir de février 1943 la France est devenue (la Pologne mise à part) le plus large réservoir de la main d'oeuvre du Reich et elle est le pays qui fournit le plus grand nombre d'ouvriers qualifiés.
Avec la Relève, le STO, l'image de Pierre Laval auprès du public s'est sérieusement dégradée. Il est vrai que sa déclaration du 22 juin 1942 a beaucoup choqué lorsqu'il a dit : « Je souhaite la victoire allemande parce que sans elle le bolchévisme s'installerait partout. » Etait-il sincère ? S'agissait-il comme il le dira à son procès de parler pour ne pas avoir à agir ?
Venons-en maintenant à ce qui pèse lourd dans l'acte d'accusation contre le régime de Vichy c'est-à-dire sa participation à la solution finale, à la tentative d'extermination de la communauté juive.
Dès l'automne 1940 et de sa propre initiative le régime de Vichy avait lancé une offensive législative contre les juifs (statut du 4 octobre 1940,instauration de quotas pour certaines professions libérales...)
Lorsque commença la « mise en oeuvre de la solution finale », le régime de Vichy offrit volontairement de traquer et de livrer aux Allemands les juifs étrangers de la zone non occupée.
En ce qui concerne Pierre Laval, s'il n'a pas pour les juifs la haine d'un Xavier Vallat, d'un Darquier de Pellepoix (*15), si on ne lui connaît pas de sentiments antisémites, il se prêtera sans scrupules à cette politique. Certes s'agissant des juifs français, il tentera parfois de les « protéger » mais en sacrifiant les juifs étrangers. De toute façon il n'interviendra que pour quelques cas particuliers (ainsi il procurera des faux papiers au père de l'acteur Roger Hanin). Il ira même au devant des demandes allemandes, ainsi dans un rapport du 6 juillet 1942 l'officier SS Dannecker responsable des questions juives en France écrit : « Les pourparlers avec le gouvernement français ont abouti jusqu'à présent au résultat suivant : le président Laval a proposé, lors de la déportation des familles juives de la zone non occupée, d'y comprendre également les enfants âgés de moins de seize ans. La question des enfants juifs restant en zone occupée ne l'intéresse pas. » Parmi ces enfants, 2000 de moins de 6 ans seront déportés à Auschwitz. Pour autant qu'on puisse le savoir aucun n'a survécu.
A la fin de l'année 1944, environ 75000 juifs ont été déportés de France, 2500 seulement ont survécu. La moitié des déportés étaient des Français, les autres des réfugiés étrangers. La police française était indispensable pour mener cette opération et à propos de la raffle du Vel d'Hiv en juillet 1942, le général SS Oberg écrivit à René Bousquet (un proche de Laval) : « Je vous donne volontiers acte, en outre de ce que la police française a accompli jusqu'ici un travail louable. »(*16)
La question mérite d'être posée : combien de morts y aurait-il eu en moins si les nazis avaient été contraints d'identifier, d'arrêter et de transporter eux-mêmes, sans aucune assistance, chacun des juifs de France qu'ils voulaient exterminer ?
Laval ignorait-il le destin de ces milliers de juifs déportés ? Probablement pas, même s'il se persuadait du contraire ; lorsqu'en août 1942 le pasteur Boegner rencontra Laval et lui livra son inquiétude au sujet de menaces éventuelles, Laval s'en tint à la version des nazis : les juifs édifiaient une colonie agricole. Après la guerre le pasteur Boegner déclara : « Je lui parlais de massacres, il me répondait jardinage. »
Il est vrai que cette politique s'est déroulée le plus souvent dans une certaine indifférence. Rares furent les protestations comme celles du cardinal-archevêque de Toulouse J. Saliège : « Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n'est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes... Ils sont nos frères comme tant d'autres. »(*17)
Pour terminer on peut affirmer que la politique de Vichy et donc de Pierre Laval est selon l'expression de l'historien Henri Michel, « pleine d'ambiguïté ». Il n'est absolument pas certain qu'elle ait amélioré le sort des Français durant l'occupation. En revanche il est sûr qu'elle allait à contre-courant du conflit et qu'à partir du moment où l'URSS et les Etats-Unis étaient en guerre, cette politique était erronée. Cette ambiguïté concerne bien évidemment Pierre Laval qui, malgré les événements qui annoncent une défaite de l'Allemagne, continue à s'en rapprocher. Tardivement, en août 1944, il tentera de faire pression sur Edouard Herriot (*18) pour réunir les Chambres afin de barrer la route au général de Gaulle tentatives vaines.
Toujours est-il que Laval semble avoir été lucide sur son sort puisqu'après l'attentat du 27 août 1941 dont il fut victime, il déclarait: « J'ai reçu les deux premières des douze balles qui m'attendent parce que les Français ne comprendront pas ce que je tenterai lorsque je reprendrai le pouvoir. »(*19)
Le jugement que l'historien américain Robert Paxton porte sur Vichy s'applique aussi à Pierre Laval : « Les hommes de Vichy, plutôt que de se cantonner dans des tâches administratives, ont délibérément choisi de mettre à profit l'occupation pour faire une révolution dirigée contre leurs ennemis de l'intérieur. Ils ont revendiqué le plein exercice de la souveraineté en présence de l'ennemi. Au nom de l'ordre, ils ont mobilisé toutes les ressources de l'Etat pour maintenir un armistice n'ayant plus aucun sens. »
Après un départ pour l'Allemagne(à Sigmaringen), une tentative pour se réfugier en Espagne, Laval se retrouve en France en août 1945. Il témoignera au procès de Pétain et connaît lui-même l'heure de son procès à l'automne 1945. Ce procès fut une parodie assez inique (certains jurés l'insultent). Le jour de son exécution il tenta de se suicider, il fut ranimé et fusillé. Jusqu'au bout il se montra persuadé d'avoir aidé la France. Pierre Laval repose désormais au cimetière du Montparnasse. Madame Laval est décédée en 1959. Josée Laval-de Chambrun, la « fille chérie », est décédée en 1992. Le comte René de Chambrun (né en 1906) continue seul à défendre opiniâtrement la mémoire de son beau-père.
Quel jugement porter sur Laval ? Ce que l'on peut dire, c'est qu'il fut détesté par tous les horizons politiques et au sein-même de Vichy. La droite détestait en lui le politicien de la IIIème république, la gauche détestait en lui le traître qui avait changé de camp. Quant aux pétainistes, ils tentèrent de faire porter l'ensemble des responsabilités sur Laval pour mieux blanchir le Maréchal.
Enfin deux avis complémentaires, celui de l'historien Fred Kupferman : « Il fut le mal aimé. Il s'en flatta, il crut porter une couronne d'épines. Sans lui le Front Populaire ne l'eût peut-être pas emporté, le Maréchal aurait dû prendre ses responsabilités. Le destin fut-il injuste, qui fit de ce politicien assez ordinaire une figure symbolique ? »
L'avis de l'un des grands acteurs de cette période, à savoir le général de Gaulle qui dans le tome II de ses Mémoires écrit: « Porté de nature, accoutumé par le régime, à aborder les affaires par le bas, Laval tenait que, quoi qu'il arrive, il importe d'être au pouvoir, qu'un certain degré d'astuce maîtrise toujours la conjoncture, qu'il n'est point d'événement qui ne se puisse tourner, d'hommes qui ne soient maniables. Il avait, dans le cataclysme, ressenti le malheur du pays mais aussi l'occasion de prendre les rênes et d'appliquer sur une vaste échelle la capacité qu'il avait de composer avec n'importe quoi ... Il jugea qu'il était possible de tirer parti du pire, d'utiliser jusqu'à la servitude, de s'associer même à l'envahisseur, de se faire un atout de la plus affreuse répression. Pour mener sa politique, il renonça à l'honneur du pays, à l'indépendance de l'Etat à la fierté nationale ...Laval avait joué. Il avait perdu. Il eut le courage d'admettre qu'il répondait des conséquences. »
D'un côté l'honneur avec de Gaulle qui permit à la France de se retouver aux côtés des Alliés le jour de la victoire, de l'autre Pierre Laval et « l'éclipse de la France » selon la formule de l'historien britannique Geoffrey Warner.
Pierre CHEVALERIAS
NOTES
(*1) L'Amiral François DARLAN(1881-1942), Commandant de la flotte en 1939-1940, ministre de la Marine puis vice-président du Conseil et successeur désigné de Pétain. Il se rallie aux Américains après le débarquement allié en Afrique du Nord. Il fut assassiné le 24 décembre 1942.
Joseph DARNAND(1897-1945), Chef de la Milice en 1943, secrétaire général au Maintien de l'ordre en 1944. Condamné à mort et exécuté.
Jacques DORIOT(1898-1945), ancien responsable communiste, il fonde en 1936 le Parti Populaire Français, il combattit sous l'uniforme allemand.
Marcel DEAT(1894-1955), dissident SFIO, fervent collaborationniste, secrétaire d'Etat au travail en 1944 .
(*2) Le 6 février 1934 les manifestations des Ligues à Paris tournent à l'émeute faisant une quinzaine de morts et plus de mille blessés.
(*3) La Cagoule, organisation secrète d'extrême droite.
(*4) Archives Départementales de L'ALLIER.
(*5) id
(*6) id
(*7) id
(*8) Aristide BRIAND(1862-1932), onze fois président du Conseil, vingt-cinq fois ministre notamment des Affaires Etrangères.
(*9) Leon BLUM(1872-1950), Camille CHAUTEMPS(1885-1963) et Edouard DALADIER(1884-1970) ont présidé des gouvernements issus du Front Populaire.
(*10) Edouard DALADIER était président du Conseil au moment de la déclaration de guerre.
(*11) Témoignage
(*12) MERS EL-KEBIR, base navale sur le golfe d'Oran, le 3 juillet 1940 une escadre française fut bombardée par la Royal Navy (1300 morts).
(*13) Joachim von RIBBENTROP(1893-1946), ministre des Affaires Etrangères du IIIème Reich.
(*14) Henri d'ORLEANS, COMTE de PARIS(1908-1999), prétendant au trône de France.
(*15) Xavier VALLAT et Louis DARQUIER de PELLEPOIX ont dirigé le Commissariat général aux questions juives.
(*16) René BOUSQUET(1909-1993),secrétaire général à la Police à partir d'avril 1942, coorganisateur des rafles de juifs en zone libre et en zone non occupée. Il quitte son poste en décembre 1943. Acquitté en 1949, il entame alors une brillante carrière dans les affaires. Il a, semble-t-il, bénéficié de la «protection» de François Mitterrand. En juin 1993, trois jours avant la notification de son inculpation pour crime contre l'humanité, il est assassiné.
(*17) Lettre pastorale du 20 août 1942.
(*18) Edouard HERRIOT présidait la Chambre des Députés en 1940.
(*19) Le 27 août 1941,Pau1 Collette ouvrier ajusteur, probablement recruté par Eugène Deloncle, ancien chef de la Cagoule, blesse au cours d'un attentat à Versailles Pierre Laval et Marcel Déat.
BIBLIOGRAPHIE
Fred Kupferman Laval 1883-1945 Editions Balland 1987
Jacques Baraduc Pierre Laval devant la mort Plon 1970
Albert Naud Pourquoi je n'ai pas défendu Pierre Laval Fayard 1948
Geoffrey Warner Pierre Laval and the eclipse of France Eyre&Spottiswoode 1968
Alfred Mallet Pierre Laval Amiot-Dumont 1954-1955
René de Chambrun Laval devant l'histoire France-Empire 1983
René de Chambrun Le Procès Laval France-Empire 1984
Le procès Laval compte-rendu sténographique Albin Michel 1946
Jean Paul Cointet Pierre Laval Fayard 1993
Robert Paxton La France de Vichy 1940-1944 Seuil nouvelle édition 1997
Guy Bechtel Laval, vingt ans après Robert Laffont 1963
Henri Michel Pétain,Laval,Darlan,trois politiques Flammarion
Otto Abetz Histoire d'une politique franco-allemande, 1930-1950 Stock 1953
Michaël Marrus Robert Paxton Vichy et les juifs Calmann Lévy 1981
Pascal Ory Les collaborateurs 1940-1945 Seuil 1976
Charles de Gaulle Mémoires de guerre : L'Unité(1942-1944) Plon 1956
Le 3 septembre 1939, la France déclare
le guerre à l'Allemagne suite à l'invasion de la
Pologne. Pendant 8 mois, la situation reste figée dans
ce qu'on appela alors la « drôle de guerre ».
Enfin, le 10 mai 1940, en pleine débâcle, le Maréchal
Pétain succéde à Paul Reynaud à la
présidence du conseil. Le 22 juin, l'armistice est signé
avec l'Allemagne. Bien qu'il n'ait été imposé
aucun changement dans la constitution française, le fonctionnement
miimal pouvant être assuré comme ce sera le cas en
Belgique et aux Pays-Bas, la Chambre des députés
et le Sénat se réunissent à Vichy dés
le 7 juillet 1940. Nous verrons donc tout d'abord le d »roulement
chronologique de cette réunion de l'Assemblée Nationale,
qui est la réunion commune des deux chambres. Puis nous
verrons ensuite dans quelle mesure les décisions prises
alors peuvent être considérées comme légales
ou non d'un point de vue constitutionnel.
Le 7 juillet 1940, les 2 chambres se réunissent en session
extraordinaire à Vichy afin d'examiner un projet de résolution
pour la réforme des lois constitutionnelles de 1875.
Ces lois constitutionnelles, qui sont à la base de la II°
République, prévoient que, pour une révision,
chacune des 2 assemblées doit décider séparément
de l'ordre du jour de la convocation de l'Assemblée Nationale.
Les discussions qui ont alors lieu sont l'objet de nombreuses
discordes concernant l'opportunité de cette convocation
et l'ordre du jour.
Léon Blum s'opposait à cette révision et
a essayé de convaincre ses amis. En effet, selon lui, « cette
révision là [] est le suicide du suffrage universel
et de la République ». « On va nous
demande [] « s'il y a lieu ou non » de réviser
[les lois constitutionnelles de 1875]. S'il y a lieu, c'est à
dire si c'est l'occasion ou non. Le temps ou l'occasion, tout
au contraire, prononcent une interdiction absolue. Après
la guerre, c'est entendu, s'il existe encore une France libre,
[il y aura] à refaire la constitution, comme le reste.
De grands changements seront alors inévitables. »
Léon Blum, lorsqu'il fit ces remarques au reste de son
groupe, s'est rouvé en opposition avec nombre d'entre eux.
Ceux-ci s'appuyaient sur le fait que la parti socialiste s'était
toujours déclaré contre les lois constitutionnelles
de 1875 qu'il considérait comme une émanation de
la bourgeoisie et de l'orléanisme . Ces socialistes
pensaient donc qu'il était impossible de lutter contre
et de prononcer contre cette révision constitutionnelle.
De grands noms du socialisme d'alors, par ailleurs tous hommes
politiques d'envergure, comme Georges Monnet, Jules Moch, Vincent
Auriol et même Marx Dormoy voulaient que le débat
ait lieu, non dans chacune des deux chambres lors de la convocation
de l'Assemblée Nationale, mais au moment de la rédaction
de la révision, lors de cette même Assemblée
Nationale. Léon Blum « ne [parvint] pas à
convaincre ses amis. Ils tenaient bon pour laisser passer sans
débat la résolution séparée des [deux]
chambres et pour ne manifester d'opposition qu'à l'Assemblée. »
Le 9 juillet, le projet de convocation de l'Assemblée Nationale
est adopté par 395 voix sur 398 à la Chambre des
députés et par 229 contre 1 au Sénat.
Le 10 juillet, l'Assemblée Nationale examine un projet
de loi constitutionnelle présent ée par Pierre
Laval qui vise à donner tout pouvois au gouvernement « sous
l'autorité du maréchal Pétain »,
ceci dans le but de promulguer une nouvelle constitution.
Ce même jour,MM Tourines et Dorman présentent un
contre-projet au nom des Anciens Combattant. Ce dernier est repoussé
par Laval qui concéde alors la ratification de la nouvelle
constitution par la nation.
L'après-midi, l'Assemblée Nationale vote par 598
voix pour, 80 contre et 17 abstentions la loi constitutionnelles
du 10 juillet 1940, constituée d'un article unique qui
énonce :
« L'Assemblée Nationale donne tout pouvoir au
gouvernement de la République sous l'autorité et
la signature du maréchal Pétain, à l'effet
de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution
de l'Etat Français. Cette constitution devra garantir les
droits du travail, de la famille et de la patrie.
Elle sera ratifiée par la nation et sera appliquée
par les assemblée qu'elle aura créées. »
Le débat espéré par les socialistes n'a donc
pas eu lieu et la révision s'est faite en douceur, sans
grande contestation.
Anatole de Monzie a dit de cette révision que les parlementaires
avaient quitté la séance comme « des
pénitents » qui avaient « consenti
tous abandons de pouvoirs et tous sacrifices de liberté
dans la conviction que l'ordre nouveau assurerait l'ordre ».
Le 11 juillet, le maréchal Pétain annonce qu'il
assume officiellement son rôle de « chef de l'Etat
Français ». Les deux chambres sont alors dissoutes
et les actes constitutionnels 1,2 et 3 donnent au maréchal
les pouvoirs législatifs et exécutifs de manière
totale sans en réferrer à l'assemblée sauf
pour ce qui concerne la déclaration de guerre.
Après cette chronologie des faits qui ont mené à
la révision des lois constitutionnelles de 1875 en juillet
1940, nous allons maintenant nous pencher sur l'examen de cette
révision et donc plus précisement la légalité
du régime de Vichy.
Au sortir de la guerre, cette révision a provoqué
de nombreuses critiques. Tout d'abord, a été évoqué
le rôle exact de Pierre Laval lors du vote de l'Assemblée
Nationale. Ensuite, le fait que n'avait été fixé
aucun calendrier. Enfin, et surtout, nous le verrons plus précisemment,
la légalité de la loi du 10 juillet 1940.
Concernant Pierre Laval, on peut estimer qu'il n'a pas manuvré
l'Assemblée Nationale. En effet, bien qu'après la
guerre on ait affirmé le contraire, il faut voir qu'il
fut alors considéré comme un bouc émissaire
idéal car il venait d'être fusillé dans la
cour de sa prison. « Pierre le noir », comme
on l'appelait alors, fut désigné comme un manipulateur
machiavélique alors que son rôle, en juillet 1940,
s'est limité a présenter le projet de résolution
et à négocier de menus aménagements avec
les représentants des chambres. Il faut dire que sa physionomie
avec un visage rond, son teint basané, son éternelle
cigarette et sa cravate blanche, et son nom, qui faisait de lui
le seul politicien dont on pouvait le lire aussi bien de droite
à gauche que de gauche à droite, en faisaient un
envoyé des dieux pour les caricaturistes de l'époque.
Pour ce qui est de l'absence de calendrier, l'on est fort logiquement
conduit à penser que l'Assemblée Nationale a estimé
que le maréchal Pétain, qui devait promulguer la
nouvelle constitution, étant donné son grand âge,
il avait 84 ans en 1940, se mettrait immédiatement à
la tâche. Ce ne fut malheureusement pas le cas comme on
le verra par la suite. L'Assemblée Nationale s'est donc
montrée tropconfiante dans son estimation. Mais cela ne
constitue pas une entrave à la légalité de
la révision des lois constitutionnelles de 1875 même
si cela va à l'encontre de leurs principes. On pourrait
d'ailleurs ajouter que l'Assemblée Nationale n'a pas non
plus défini qui devait rédiger la nouvelle constitution
en précisant s'il s'agirait d'une assemblée constituant
démocratiquement élue, il pouvait donc aussi bien
s'agir d'un régime autoritaire.
Abordons maitenant la question de la légalité de
la révision constitutionnelle qui a abouti à la
création du régime de Vichy. Nous verros ici seulement
le point de vue juridique relatif à la forme du pouvoir.
Alors donc, d'un strict point de vue juridique, je le répète,
les lois constitutionnelles de 1875 cessèrent d'être
en vigueur le 11 juillet 1940, date à laquelle le maréchal
Pétain a édicté les trois actes constitutionnels
cités auparavant. Mais en fait, on peut dire qu'elles céssèrent
d'être en vigueur dans la nuit du 16 au 17 juin 1940 lorsque
fut fondé le gouvernement Pétain.De façon
légale, certes, mais avec l'intention d'en faire, en fait,
l'instrument de la « Révolution Nationale »
au travers de la convocation de l'Assemblée Nationale.
Alors, par l'article unique de la loi constitutionnelle du 10
juillet 1940 , l'Assemblée Nationale n'a, en fait,
pas fait une révision des lois constitutionnelles de 1875
mais a transféré le pouvoir constituant au gouvernement.
Pouvait-elle le faire ?
Nombre d'auteurs ont dit que non, cela en faisant valoir la régle
selon laquelle une autorité constituée ne saurait
déléguer une compétence qu'elle détient
de la constitution à un autre. Ceci est une conséquence
nécessaire de la suprématie des lois constitutionnelles
mais il n'est pas certain que cela s'applique à l'autorité
constituante elle-même. Donc, pour l'Assemblée Nationale,
remettre le pouvoir constituant au gouvernement revient à
modifier les règles valables quant aux modifications constitutionnelles,
elle aurait aussi bien pu changer les régles concernant
l'exercice du pouvoir législatif, par exemple.
Si l'on admet le contraire, on tombe alors dans un point de vue
courant à l'époque révolutionnaire qui distinguait
le pouvoir de révision, c'est à dire un pouvoir
limité que peut exercer un organe constitué, et
le pouvoir constituant, c'est à dire le pouvoir qui n'appartient
qu'au peuple statuant souverainement dans les formes qu'il juge
opportunes. Mais cette distinction aboutit à ne voir le
pouvoir constituant que dans l'établissement révolutionnaire,
donc en dehors de toute constitution. C'est là le contraire
de ce que l'on voulait en 1940.
Cette situation se renouvellera d'ailleurs en 1958, le Parlement
modifiera alors la procédure de révision prévue
à l'article 90 de la constitution de 1946 pour transférer
le pouvoir constituant au Général de Gaulle. La
situation politique était certes différente mais
l'opération était identique en 1940.
En 1940, il n'y a donc pas eu de délégation de pouvoir
mais l'institution d'un nouvel organe constituant, le maréchalPétain,
ce qui élimine la critique évoquée précédemment
concernant l'absence de rédacteur institué par la
loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 . L'Assemblée
Nationale a alors donné un pouvoir qui lui appartenait,
elle s'en est dépouillé en jouissance comme en exercice.
On peut donc dire que, juridiquement, la loi constitutionneelle
de 1940 est correcte.
Par la suite, elle a été considérée
comme « illégitime » car adoptée
sous la pression des circonstances. D'ailleurs, l'article 89 de
la constitution de 1958 « interdit d'engager ou poursuivre
une révision constitutionnelle lorsqu'il est porté
atteinte à l'intégrité du pays ».
On peut dire, en conclusion, que pendant 4 ans la France a vécu
sans gouvernement constitutionnel. Le régime de Vichy était
bien légal mais non légitime car il n'avait pas
l'adhésion de l'opinion. A l'inverse, le Gouvernement de
la France Libre était légitime mais non légal
car il tirait sa compétence non d'une norme juridique positive
mais de l'opinion. Si la légitimité se base uniquement
sur le soutien de l'opinion celle-ci se révèle,
malheureusement, trop difficile à mesurer et fort fluctuante.
On peut en conséquence, en donner une autre définition,
c 'est à dire « la qualité d'un
gouvernement dont l'action [] paraît conforme à l'intérêt
du pays au sens de l'histoire ou de la justice ».
Sources :
- Robert PAXTON,
La France de Vichy 1940-1944, Paris, Seuil, Points histoire, 1973
- Georges BURDEAU,
Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris ?
LGDJ, 14° édition
PETAIN
Maréchal de France et homme politique français.
Vice-président du conseil lors du gouvernement de Paul
Reynaud le 18 mai 1940. Le 15 juin 1940, lors du conseil des ministres
de Bordeaux, Pétain et le Général Weygand
s'opposérent vivement à Reynaud,qui voulait continuer
la lutte dans les colonies après que les armées
françaises de la métropole eurent capitulé .
Pétain refusait cette solution, qui lui semblait déshonorante
pour l'armée, et il insiste pour que le gouvernement entamât
les négociations en vue d'une armistice.Dés ce moment,
il obéissait à la pensée qui n'allait cesser
de l'inspirer jusqu'en 1944 : à ses yeux le devoir
essentiel était de rester au milieu des français
de la métropole pour les protéger, dans la mesure
du possible, contre les rigueurs de l'occupation. Reynaud, mis
en échec par l'autorité des chefs militaires, se
retira et Pétain futchargé de constituer un nouveau
cabinet (le 16 juin).
A cette date la résistance de l'armée française
s'était partout effondrée : Paris occupée,
laWehrmacht venait de franchir la Loire et se trouvait sur la
Saone. Pétain demanda aussitôt l'armistice, qui fut
signée le 22 juin 1940.
Le 10 juillet 1940, à Vichy , sur la proposition de
Laval, l'Assemblée Nationale, par 569 voix contre 80, donna
au maréchal Pétain « tous pouvoirsà
l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution
de l'Etat français ». Dés le lendemain,
des actes constitutionnels accordèrent à Pétain
le titre de « chef de l'Etat », avec le
pouvoir législatif jusqu'à la formation de nouvelles
assemblées, le droit de promulguer les lois, de disposer
de l'armée, de nommer et révoquer les ministres,
responsables seulement devant lui.
Dans une France abasourdie par le défaite, la popularité
du « vainqueur de Verdun » était
alors considérable, et il est certain que si Pétain,
au cours de l'été 1940, avait organisé un
référendum, il aurait été approuvé
par la nation à une immense majorité.
Chef de l'Etat, Pétain rompit avec le régime du
passé en éliminant de son gouvernement les parlementaires
(sauf Laval) et en s'entourant de préférence de
technocrates. Il inaugura la « Révolution Nationale »
autoritaire, paternaliste et corporative, résumée
dans la nouvelle devise del'Etat français : « Travail,
Famille, Patrie ».Mais la liberté d'action dont
disposait Pétain était restreinte, car la majeure
partie de la France était occupée par les Allemands,
dont les exigences politiques et économiques n'allaient
cesser de croître. La division de la France en fractions
opposées, la perte successive des colonies passées
sous le contrôle de la France libre, enfin l'occupation
totale du territoire et le sabordage de la flotte (novembre 1942)
enlevérent à Pétain tous les atouts dont
ildisposait pou résister aux injonctions allemandes.
Aussi bien les jeux diplomatiques de Vichy étaient-ils
inconnus des français. Pétain avait envoyé
unmessage à la légion des volontaires français
contre le bolchévisme engagée dans les rangs de
la Wehrmacht sur le front russe (5 novembre 1941) ; il avait
félicité les troupes allemandes qui avaient repoussé
le raid allié de Dieppe (19 aout 1942), il avait ordonné
ausx troupes d'Afrique du Nord de résister au débarquement
allié (8 novembre 1942), il avait donné sa sanction
à la création de la Milice (30 janvier 1943) ;
il avait laissé passer sans protestation publique et solennelle
les éxécutions d'otages et les déportations
de juifs.
Le 20 aout 1944, Pétain fut enlevé à
Vichy par les allemands. Au moment de la défaite allemande,
apprenant que son procés allait commencer à Paris,
il obtint de Hitler l'autorisation de rentrer en France. Traduit
devant la Haute Cour (23 juillet-15 aout 1945), il se contenta
de lire une bréve déclaration, puis s'enferma dans
un mutisme absolu laissant ses avocats présenter sa défense.Il
fut condamné à la peine de mort, à l'indignité
nationale et à la confiscation de ses biens, mais en raison
de son grand âge, la Haute Cour émit le vu que la
condamnation à mort ne fut pas éxécutée.De
Gaulle signa la grâce. Enfermé d'abord dans la fort
du Portolet (aout-navembre 1945), puisdans celui de l'Ile d'Yeu,
Pétain mourut après une captivité de 6 ans.
LAVAL
Nommé ministre d'Etat le 23 juin 1940 par le maréchal
Pétain, il obtint par le parlement le vote des pleins pouvoirs
constitutionnels (10 juillet).
Deux jours plus tard, il devenait vice-président du Conseil.
Toute l'attitude de Laval pendant l'occupation allait reposer
sur un fait fondamental : sa conviction absolue de la victoire
allemande et il allait mener la politique de collaboration inaugurée
à l'entrevue de Montoire le 24 octobre 1940 . Renvoyé
par Pétain (le 13 décembre 1940), il fut arrété
avant d'être libéré. Pendant plus d'un an,
Laval se vit de nouveu éloigné par le pouvoir, mais
les relations entre le gouvernement de Vichy et les autorités
d'occupation devenant de plus en plus difficiles, Petain dut se
résigner à Laval, qui semblait pouvoir obtenir des
conditions plus favorablees des allemands (17 avril 1942). Laval
prit alors ses précautions pour éviter un nouveau
renvoi : cumulant la direction du gouvernement, les Affaires
Etrangéres, l'Information et l'Intérieur, il devint
en fait le maître absolu et prit rapidement l'habitude de
placer le maréchal devant le fait accompli. Indifférent
à l'animosité grandissante de l'opinion publique,
il déclara souhaiter la victoire de l'Allemagne (22 juin
1942).
Après avoir rapporté sa sanction aux mesures de
répression les plus sévères, Laval dut faire
entrer dans son ministère le chef de la Milice, Joseph
Darnaud, puis le collaborationniste Marcel Deat. En aout 1944,
quand il vit sa cause complétement perdue, Laval prit contact
avecHerriot, qui se trouvait en résidence surveillée
prés de Nancy, pour lui demander de réunir le parlement
afin de constituer un gouvernement provisoire qui accueillerait
les alliés et devancerait ainsi De Gaulle. Mais cette tentative
des heurta aux tergiversations d'Herriot et à l'hostilité
des extrémistes de la collaboration. Les allemands exigèrent
le départ du gouvernement français pourBelfort.
Laval protesta mais dut se soumettre. Désormais, comme
Pétain, il se considéra comme prisonnier des allemands.
Il gagna l'Espagne en mai 1945 mais Franco le remit aux autorités
françaises le 1er aout 1945. Son procés fut instruit
en hâte et se déroula dans un climat de passions
déchainées.
Laval fut condamné à mort le 9 octobre avant d'être
fusillé 6 jours plus tard.
l'autorisation de rentrer en France. Traduit devant la Haute Cour
(23 juillet-15 aout 1945), il se contenta de lire une brève
déclaration, puis s'enferma dans un mutisme absolu laissant
ses avocats présenter sa défense. Il fut condamné
à la peine de mort, à l'indignité nationale
et à la confiscation de ses biens, mais en raison de son
grand âge, la Haute Cour émit le vu que la condamnation
à mort ne fut pas exécutée. De Gaulle signa
la grâce. Enfermé d'abord dans la fort du Portolet
(aout-novembre 1945), puis dans celui de l'Ile d'Yeu, Pétain
mourut après une captivité de 6 ans.