Ecole
EPA
CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS
Mardi, quelque 483 000 lycéens se sont attaqués à l'épreuve de français. Lundi, 520 000 élèves de terminale les avaient précédés en planchant sur la philo. Le baccalauréat millésime 2001 est lancé: rituel immuable des beaux jours de juin, pilier décidément indéracinable d'une certaine exception culturelle française. Cette année, 630 000 jeunes sont concernés par ce qui, à l'échelle du vieux continent, reste une originalité. En effet, rares sont les pays européens à soumettre l'attribution du diplôme de fin d'études secondaires à la réussite d'un examen considéré par le système éducatif comme le premier grade universitaire et dans l'imaginaire populaire comme le sésame pour l'accès au marché du travail.
Le bac est profondément enraciné dans l'histoire de l'Hexagone. Cette «baie des lauriers» donnée sous l'Antiquité aux jeunes vainqueurs trouve en fait son origine dans l'ère napoléonienne et le souci très républicain affiché dès cette époque de gommer les inégalités existant entre élèves, écoles et régions de France. Comment? En organisant à l'échelle du pays et de manière anonyme un seul et même examen national pour tout le monde, corrigé selon des critères identiques. Deux siècles plus tard, le bac est devenu une immense machine. Cette année, 4 000 sujets d'examen ont été élaborés, 4 millions de copies devront être corrigées, 120 000 enseignants ont été mobilisés et 3 000 locaux d'examen réquisitionnés, le tout pour un budget global dépassant les 200 millions de FF, soit un coût moyen de 390 FF par candidat.
Chaque mois de juin voit l'éclosion des mêmes polémiques à propos du bac, sans parler de l'éternelle jérémiade des professeurs rétribués 9 FF par copie corrigée. Le bac est généralement critiqué pour trois de ses dérives présumées. Son côté de plus en plus indigeste, d'abord. À titre d'exemple, cette année, pas moins de 44 langues vivantes et 10 langues régionales seront évaluées, les arts du cirque faisant même leur apparition dans les options. La perte graduelle du caractère égalitaire originel de cette épreuve, ensuite. Entre le bac professionnel, souvent encore relégué au bas de l'échelle, et le bac scientifique, tout en haut, une hiérarchie très stricte existe désormais entre les bacs. La diminution progressive de la valeur prêtée à cet examen, enfin. D'année en année, le taux de réussite au bac augmente, le record ayant été atteint en 2000 (79,9 pc). Si l'on tient compte du nombre d'étudiants n'atteignant pas le niveau du bac et/ou ne le réussissant pas du premier coup, ce taux tombe à 62 pc à l'échelle d'une classe d'âge. Il n'empêche, le refrain du bac «bradé» revient à chaque mois de juin, ponctué par le nombre important d'échecs constatés en première année universitaire.
DES RÉFORMES TRÈS COSMÉTIQUES
Contesté, le bac n'a pourtant plus été réformé dans ses fondements depuis la création des bacs technologiques et professionnels, dans les années 80 . En son temps, Lionel Jospin, alors ministre de l'Éducation, pensa limiter l'inflation du nombre d'options proposées aux candidats-bacheliers. Claude Allègre, ensuite, tenta de revoir la dissertation, considérée comme une épreuve trop élitiste. Surtout tabou des tabous , il voulut introduire une dose de contrôle continu dans le bac, afin de mieux tenir compte du travail accompli par les élèves pendant toute la durée du cursus. Les syndicats enseignants hurlèrent tellement à la surcharge de travail, notamment que son successeur, Jack Lang, referma prudemment le dossier.
Le ministre de l'Éducation cible à présent ses ambitions réformatrices sur des projets plus consensuels (ainsi, le renforcement des arts et de la culture dans le bac). Du reste, comme elle nous l'a précisé mardi, son administration est persuadée que,
«aussi lourd et complexe qu'il puisse apparaître vu de l'étranger, le bac fonctionne dans l'ensemble assez bien, la majorité des Français y étant très attachés».
© La Libre Belgique 2001
Savoir plus
Le bac philo invitait les bacheliers à s'interroger,
en 4 heures, sur la passion, le bonheur, la conscience ou la science.
«La liberté se définit-elle comme un pouvoir
de refuser?», «La question 'Qui suis-je?' admet-elle
une réponse exacte?», «Tout pouvoir s'accompagne-t-il
de violence?», «Notre connaissance du réel
se limite-t-elle au savoir scientifique?», «De quelle
vérité l'opinion est-elle capable?»...
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