Hérouxville et l’inévitable
choix
Promulguons enfin ce que nous sommes,
nous avons ce droit de revendiquer notre héritage
Bernard Thompson, Tribune libre de Vigile, dimanche 25 février
2007
Que d’encre a coulé depuis ce 27 janvier 2007, date où la
petite municipalité d’Hérouxville publiait ses "normes de
vie".
Que la rédaction de ce "manifeste pamphlétaire" en ait
étonné plusieurs, qu’il ait trouvé des supporteurs
issus de tous les horizons, québécois de souche ou non,
qu’il ait fait l’objet d’innombrables discussions à travers le
monde, sur tous les blogues, radios, journaux et médias
disponibles, il n’en demeure pas moins qu’il a su répondre
adéquatement à ce sentiment que la nation du
Québec doit d’urgence s’affirmer. Pourquoi? Poser la question
est y répondre: protéger nos racines identitaires.
Si une loi a été promulguée pour protéger
la langue française en cette nation qu’est le Québec,
comment ne pas avoir déjà protégé l’essence
même de son existence, soit sa culture, ses us et coutumes, son
patrimoine et son histoire? Serait-ce qu’un rafraîchissement de
sa charte ou qu’une nouvelle constitution québécoise
devrait émerger? Mais pourquoi pas? À moins de vouloir
poursuivre l’odyssée vers une société pluraliste
exacerbée!
Au Canada, le multiculturalisme de Trudeau était certes une voie
envisageable, mais l’effet pervers de l’aspect "institutionnel" qui
l’occulte, n’a en réalité que ghettoïsé ses
fervents défenseurs. Il s’est greffé à ce
"multiculturalisme des droits et libertés", un profond
désir de se soustraire à des "obligations", ouvrant ainsi
la porte aux "accommodements". Était-ce raisonnable? Comment
peut-on alors blâmer un immigrant de tenter de reproduire ici le
modèle qui lui sied le mieux?
La société d’accueil n’a pas les pouvoirs en main pour
mieux gérer l’intégration de ses immigrants car
elle-même ressemble à un monstre à deux têtes
dont l’œil de l’un accuse une myopie légendaire, et l’autre une
presbytie inquiétante. Nous assistons donc ici à
l’érection de canevas multiples noyant de ce fait tout tissu
identitaire.
C’est bien connu, il est dans la nature profonde du
québécois d’être "accommodant" et son
tempérament latin s’exprime sur un continent où le mot
"liberté" se confond avec "égalité". Cette
confusion naît du fait que les "obligations" du citoyen n’ont
jamais été adéquatement définies. On
constate de plus en plus l’échec de ce multiculturalisme
non-identitaire. Il influence tellement le discours qu’on finit par le
soupçonner raciste ou xénophobe. Il ne véhicule
aucunement les valeurs propres aux "bâtisseurs" mais prolonge
plutôt des crises identitaires se consumant au fil du temps dans
ce méandre des enquêtes et commissions innombrables.
D’ailleurs, elles n’ont jamais été porteuses de solutions
prometteuses d’avenir, n’obéissant qu’à des vœux pieux
aux yeux de ceux qui les ont commises. Le politique observe son
brouillon, le révise, le corrige, en autorise la
vérification et finalement le délaisse.
Laurendeau, Dunton, Pépin, Robarts, Bélanger, Campeau,
tous ont cru bon de laisser la partisanerie de côté pour
entrevoir des solutions. Pourquoi ne pas les avoir
écoutés plutôt que de feindre de les avoir
entendus? Ce n’est certes pas l’opinion de philosophes, historiens ou
sociologues qui changeront cet état de fait. L’ouïe
politique est faible, surtout lorsqu’elle ne sait plus
reconnaître la voix de ses citoyens. Serait-ce la langue de bois
de ce politique qui rende son ouïe si imperméable aux
propos de ses commettants? Faudra-t-il attendre que les citoyens du
Québec se révoltent? Se pourrait-il que la prochaine
révolution soit moins "tranquille"? L’arme d’un peuple est sa
voix et l’expression de son courage, sa voie. Sinon, abdiquons
dès aujourd’hui!
Pendant ce temps, certaines communautés s’organisent. Elles
envahissent les champs propres à l’éclosion d’un
État que nous ne souhaitons pas. L’intégrisme reprend ses
lettres de noblesse ici et dans le monde, sans que l’élite, le
politique et la masse ne s’en préoccupent, du moins dans
l’ensemble. L’inter-communautarisme s’installe, les opinions les plus
justes se diluent dans un ensemble hétéroclite de propos
incongrus. Nous assistons à la confusion des genres. On
gère mais ne solutionne plus. On consulte, on
expérimente, on fait de la réingénierie, on
tergiverse mais on ne décide jamais. On s’adapte très
bien de notre léthargie.
Que dire de ce clivage des villes et régions sinon que le rat
des champs ne s’accommode plus du plaisir du rat des villes... "Fi du
plaisir que la crainte peut corrompre". Lafontaine aurait-il compris
qu’on avilie le citadin, l’éloignant ainsi de ses racines
profondes? Un excès de langage, me direz-vous? Non. De la
lucidité? Peut-être, bien que ce mot soit si apeurant pour
certains.
L’avenir d’une nation appartient aux hommes et femmes issus du courage
et de l’abnégation de leurs ancêtres. L’héritage
d’une nation n’est pas un leurre mais un gage d’avenir qu’on se doit de
ne pas dilapider.
Promulguons enfin ce que nous sommes, nous avons ce droit de
revendiquer notre héritage.
Bernard Thompson
Citoyen d’Hérouxville