Diversité religieuse: avez-vous le bon portrait?


Julie Perreault, La Presse, 4 février 07

On l'entend dans la rue, à la radio, dans le métro, au resto: le Québec en fait-il trop pour satisfaire aux demandes des groupes religieux qui cohabitent aujourd'hui sur son territoire? Montréal, la Ville aux 100 clochers, est-elle en train de devenir la ville aux 1000 mosquées et aux 300 temples, synagogues et gurdwaras? Pour répondre à ces questions, il faut d'abord connaître le visage de la diversité religieuse au Québec. Voici un petit test mis au point par les membres de la rédaction de La Presse, qui vous permettra de vérifier vos connaissances et vos perceptions et de remettre en perspective le débat sur l'accommodement raisonnable qui monopolise les soirées en famille et entre amis. Vous pourrez ensuite vous comparer à une dizaine de personnalités connues et à 127 Montréalais qui se sont prêtés au jeu.

La surprise était souvent au rendez-vous chez les 127 Montréalais qui ont voulu se prêter au jeu en répondant à notre test, que ce soit dans les couloirs de l'UQAM ou de l'Université de Montréal, au palais de justice, à l'hôtel de ville ou au métro Place-d'Armes. "Les gens s'imaginent qu'il y a beaucoup plus de gens très religieux qu'il y en a en réalité. On accroche sur les exceptions", s'est exclamée Jeannette Baillargeon. La Montréalaise n'est pas seule dans son cas. Près de la moitié des personnes ayant répondu à notre questionnaire ont eu tout faux, ou une seule bonne réponse. Même s'il ne s'agit surtout pas d'un sondage officiel, l'exercice est révélateur. Parmi les gens que nous avons choisis au hasard, près de deux personnes sur trois ont surestimé la proportion de groupes très conservateurs dans la pratique de leur religion. Et souvent de beaucoup, qu'on les interroge au sujet des musulmanes voilées, des sikhs qui portent le kirpan ou des juifs hassidiques.

Nos "cobayes" étaient un peu plus nombreux à savoir qu'une bonne proportion des Québécois d'origine arabe ne sont pas musulmans, mais plutôt chrétiens ou juifs. Par contre, lorsqu'il s'agit de deviner le nombre de plaintes officielles découlant d'une demande d'accommodement raisonnable, les choses se gâtent. Près de cinq personnes sur six s'imaginent qu'il y en a beaucoup plus qu'en réalité. En moyenne, la Commission des droits de la personne en reçoit seulement six par année. Quant à savoir qui se plaint le plus, c'est l'ignorance totale. Seulement deux personnes ont avancé qu'il s'agit des protestants (c'est le cas par exemple des Adventistes, qui ne travaillent pas le samedi). On a plutôt montré du doigt les témoins de Jéhovah, les musulmans et les juifs. Les leaders politiques que nous avons interrogés ont fait meilleure figure. Mais personne ne pourra se vanter d'avoir obtenu une note parfaite (voir encadré).

Les médias, une loupe déformante

Titulaire de la chaire en relations ethniques de l'Université de Montréal, Marie McAndrew n'a pas été surprise d'apprendre que la plupart des Montréalais interrogés ont fait piètre figure. "C'est d'abord la faute des médias. Il y a eu une hypermédiatisation des questions d'accommodements raisonnables. Ça a commencé avec le kirpan et ça a repris de plus belle cet automne. On a complètement perdu le sens des proportions", croit-elle. Il est temps, selon elle, de corriger la situation. "L'arbre ne devrait pas cacher la forêt. Il y a en immigration des enjeux beaucoup plus importants dont on parle très peu et qui touchent beaucoup plus de gens. Notamment le chômage parmi les immigrés. Imaginez si on faisait un article en une des journaux toutes les fois qu'un médecin immigré devient agent de sécurité", illustre l'experte.


QUESTIONS1. Quelle proportion des femmes musulmanes du Québec portent le voile?
a) entre 85 % et 95 %
b) entre 60 % et 75 %
c) entre 35 % et 50 %
d) entre 5 % et 25 %    D


2. Quelle proportion des sikhs du Québec portent le couteau rituel nommé kirpan?

a) entre 75 et 85 %
b) entre 40 et 55 %
c) entre 20 et 25 %
d) entre 5 et 10 %   D

3. À Montréal, quelle proportion de la communauté juive les hassidim représentent-ils?

a) 75 %
b) 58 %
c) 20 %
d) 12 %  D

4. Chaque année, en moyenne, combien de personnes se plaignent de discrimination pour des motifs religieux auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse parce qu'un organisme leur a refusé un accommodement?
a) 160
b) 16
c) 6                               C? sans doute D
d) aucune

5. De quel groupe religieux émane le plus grand nombre de plaintes en ce sens?
a) Musulmans

b) Juifs
c) Témoins de Jéhovah
d) Protestants                     C
e) Catholiques

6. Quelle proportion des Québécois d'origine arabe sont musulmans?
a) 96 %
b) 81 %
c) 63 %
d) 32 %             JE NE SAIS PAS


RÉPONSES:

1. d) Spécialiste de la communauté musulmane au Québec, Frédéric Castel estime que de 5 % à 25 % des femmes musulmanes du Québec portent le voile.
2. d) Seuls les sikhs baptisés portent le kirpan. Ils représentent de 5 % à 10 % de la population sikhe canadienne.
3. d) Les hassidim forment 12 % de la communauté juive de Montréal, selon l'étude Les hassidim et les ultraorthodoxes du grand Montréal (2005).
4. c) En moyenne, la Commission reçoit six plaintes d'individus ou de groupes qui croient qu'ils ont été victimes de discrimination sur la base de leur religion parce qu'un organisme leur a refusé un accommodement.
5. d) Les protestants ont fait plus de plaintes que les autres groupes religieux. Certaines de leurs revendications concernaient leur horaire de travail (certains adventistes ne travaillent pas le samedi) ou un code vestimentaire.
6. c) Selon Statistique Canada, 63 % des Québécois d'origine arabe sont musulmans. La grande majorité des autres sont chrétiens.

LE BULLETIN DES TÊTES D'AFFICHE
Ils dirigent la province, la ville, les grands partis politiques; ils sont des leaders d'opinion ou défendent les droits des minorités: leurs lunettes sont-elles mieux ajustées que celles de l'ensemble des Montréalais?

ANDRÉ BOISCLAIR, Chef du Parti québécois
Résultat : A (4 sur 6)
"La meilleure façon de lutter contre les préjugés, c'est d'investir dans l'éducation, l'intelligence. C'est la seule manière de vaincre des peurs légitimes".

LISE THÉRIAULT, Ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec
Résultat : A (4 sur 6)

"Les gens surestiment le nombre de femmes voilées parce que, toutes les fois qu'on parle de la communauté musulmane à la télévision, les femmes portent le hidjab et les hommes prient à la mosquée".

MARIO DUMONT, Chef de l'Action démocratique du Québec
Résultat : B (3 sur 6)

"Ça ne me surprend pas que ce soient les protestants qui s'adressent le plus souvent à la Commission plutôt que des groupes installés ici depuis moins longtemps. Il faut bien connaître les dédales de l'administration québécoise pour le faire."

BERNARD LANDRY, Ancien premier ministre du Québec
Résultat : B (3 sur 6)
"Je pensais que plus de sikhs portaient le kirpan étant donné que la question a été portée devant la Cour suprême. Ça démontre que c'était la bataille de quelques individus."

MARCEL TREMBLAY. Conseiller spécial auprès du maire de Montréal, Responsable des communautés culturelles
Résultat : A+ (5 sur 6)

"Ce n'est pas très préoccupant si les Montréalais ne connaissent pas les statistiques, c'est qu'ils ne s'en soucient pas. Les relations interculturelles se passent bien, à Montréal."

NOUSHIG ELOYAN
, Chef de l'opposition à la Ville de Montréal
Résultat : B (3 sur 6)

"La proportion d'Arabes qui sont aussi musulmans me surprend. À la suite de l'immigration massive des chrétiens libanais, je pensais que les chrétiens arabes représentaient une plus grande proportion."

SALAM ELMENYAWI, Président du Conseil des musulmans de Montréal
Résultat : A+ (5 sur 6)
"Il n'y a pas de meilleure façon de briser la peur et l'incompréhension qu'en étalant les faits. C'est éclairant."

JEFFREY BORO, Président du Congrès juif, section Québec
Résultat : A+ (5 sur 6)


STÉPHANE GENDRON, Animateur de radio et maire de la municipalité de Huntingdon
Résultat : C (2 sur 6)

"Wow! C'est vraiment intéressant comme test. Ça remet les choses en perspective!"

JEAN CHAREST
Joint à Paris, le premier ministre du Québec, a refusé de répondre à notre questionnaire.


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