Notes sur
L'HISTOIRE
DE LA CHINE TRADITIONNELLE
- La préhistoire, la
dynastie Xia et la dynastie Shang-Yin -
La Chine se considère comme le centre du monde. L'Occident, avec
ses deux ailes, l'européenne et la nord-américaine, se
pensait responsable de ce monde et se conduisait en conséquence.
Peu de civilisations ont échappé à
l'autocentrisme: ce qui est durable et puissant a toujours
recherché la
domination universelle. Nous comprendrons donc la prétention
chinoise à être le Pays du Milieu (Zhongguo).
La préhistoire
Dès les âges préhistoriques, les premières
manifestations humaines apparurent extrêmement
diversifiées. Durant une quarantaine d'années, le fossile
humain le plus ancien demeura celui découvert en 1921 dans la
colline de Tcheou-k'eou-tien, près de Pékin (Beijing). En
1927, D. Black l'attribua à un ancêtre de l'homme chinois
qu'il nomma Sinanthropus pekinensis, "Sinanthrope de Pékin", ou,
plus couramment, "l'Homme de Pékin". L'homme de Pékin et
son "ancien", l'homme de Lantian, ont plus de 500 000 ans d'existence.
A l'époque néolithique, la Chine, comme tous les autres
pays, fut le théâtre de grands bouleversements : naissance
et développement des cultures agricoles, sédentarisation
de la population, regroupement des habitants en agglomérations
d'importance croissante, polissage des pierres servant d'outils,
poteries, organisation des tâches économiques et sociales,
élaboration de conceptions religieuses. L'un des sites les plus
célèbres, qui a donné son nom à une
culture, est celui de Yangshao, sur le fleuve Jaune (Huanghe). Au
confluent du fleuve Jaune et de la rivière Wei se sont
montées, par le travail naturel des eaux, les couches de loess,
d'une exceptionnelle fertilité. Ce nom "fleuve Jaune" lui vient
de la couleur qu'il prend en charriant ces énormes
quantités de loess. Le loess se dépose en alluvions, ce
qui crée l'étonnant spectacle d'un fleuve qui souvent
coule au-dessus de sa propre plaine. On comprend que les inondations,
quand se rompent les digues, submergent la plaine : les gens
périssent par centaine de milliers.
La dynastie des Xia : (2207 - 1766
avant J.C. ou 2207 - 1558 avant J.C.)
Selon la légende, une succession de trois souverains et de cinq
empereurs précèdèrent les Xia. On
représente généralement le premier des trois
souverains, Fuxi, avec sa
femme, qui était aussi sa soeur, la déesse Nugua. Tout deux possèdent un
buste humain et une queue de dragon. On attribue à Nugua la
création de l'espèce humaine à partir d'argile et
l'institution du mariage, tandis que Fuxi aurait appris aux chinois la
chasse, la pêche, et l'élevage. Divinité à
tête de boeuf, Shennong
leur aurait pour sa part enseigné l'agriculture et la
connaissance des propriétés des plantes
médicinales.
De même, on impute aux cinq empereurs l'apport de certains
éléments clés de la culture chinoise. Le premier
d'entre eux, Huang Di, aurait
donné au peuple chinois le calendrier des récoltes, les
bateaux, les armures et la poterie. Un empereur plus tardif, Shun, inventa le pinceau à
calligraphier. C'est avec son abdication en faveur de Yu, le premier empereur Xia, que
s'amorca le règne dynastique.
Selon de nombreux historiens, la dynastie Xia a réellement
existé, mais pas sous la forme décrite par la mythologie
chinoise. Cette dynastie serait restée au pouvoir pendant
près de cinq siècles, jusqu'au milieu du XVIII
siècle avant J.C., avant de sombrer dans la corruption et
d'être renversée par les Shang.
La dynastie des Shang-Yin : (1766
-1122 avant J.C. ou 1558 - 1050 avant J.C.))
La deuxième dynastie, Shang-Yin, a une histoire
légendaire plus fournie ; des découvertes
archéologiques (listes de souverains par exemple) confirment
pratiquement les repères historiques qui soutiennent les
récits. Le site le plus prestigieux est celui d'Anyang, capitale
du XIV au XIème siècle avant J.C., dans la partie
Nord-Est du Henan. On a retrouvé quantité de bronzes
(vases, urnes,...) d'une technique d'alliage et du coulage si parfaite
que l'on a nommé cette époque la civilisation du bronze.
Les ruines ont montré des villages constitués avec des
enceintes, ce qui suppose une prédominance de l'agriculture. On
a pu reconstituer deux groupes : les nobles (clientèle et
parenté du souverain) et les roturiers (agriculteurs,
éleveurs, artisans). La dynastie des Shang-Yin voit les
débuts de l'écriture ; en témoignent les milliers
de fragments d'inscriptions divinatoires sur des omoplates de boeuf ou
des écailles de tortues géantes, les jiaguwen, recueillis
depuis le début du siècle. Les tombes attestent
déjà le culte des ancêtres. La chute des Shang-Yin,
comme celle de toutes les dynasties qui devaient lui succéder,
ne fut pas conçue comme l'effet de hasards malheureux : Les
Chinois virent toujours dans ces revers du sort la juste punition d'une
déchéance. L'antique lignée avait perdu son
éfficacité et n'assurait plus le lien du groupe avec
l'univers.
* * *
Autres
légendes chinoises
La légende de Pangu
raconte qu'au début un oeuf contenait un homme. Cet oeuf se
brisa, sa partie supérieure forma la voûte céleste
et sa partie inférieure devint la Terre. Entre elles, un
être nommé 'Pangu', se mit à grandir chaque jour de
dix pieds, au même rythme que le ciel et la Terre. La croissance
de ces trois éléments dura 18000 ans, ne s'arrêtant
qu'avec la mort de Pangu, devenu gigantesque. Les hommes ne sont en
fait que les parasites qui peuplaient son corps. Une autre
légende raconte que le ciel rond couvre la Terre, qui est
carrée. A l'origine, il y avait aux quatre coins de la Terre
quatre piliers qui empêchaient le ciel de tomber, mais un monstre
appelé 'Goggong', ébrécha le mont Buzhou, le
pilier nord-est; c'est pourquoi, depuis, les astres marchent vers
l'ouest.
Les divinités chinoises étaient d'abord
représentées avec des attributs animaux; au fur et
à mesure que s'élabore l'histoire de la Chine, elles
perdent ces caractéristiques et deviennent les premiers
'Augustes', maîtres du ciel et de la Terre, dont le comportement
doit servir d'exemple. Le premier est Fuxi, qui a un corps de poisson,
un torse humain et qui, selon la tradition, règne, en compagnie
de sa soeur-épouse Nugua, de 2852 à 2737 av J.-C. C'est
à lui que les chinois doivent les règles du mariage,
c'est lui qui leur enseigne la chasse et la pêche, lui encore qui
invente les premiers caractères de leur écriture en
regardant les traces laissées sur le sable par les oiseaux.
Shennong, le 'divin laboureur', a, lui, une tête de buffle. Il a
une connaissance approfondie des graminées et invente
l'agriculture, ainsi que la houe et la charrue, avec lesquels il
dessine le champ tian, carré divisé en quatre
carrés égaux. Selon la tradition, ce ne sont pas Fuxi,
Nugua et Shennong qui ont structuré le monde, mais trois
Augustes, qui règnent l'un sur le ciel, le deuxième sur
la Terre et le troisième sur les hommes.
Le premier historien chinois, Sima Qian (v. 145-86 av. J.-C.), commence
un des ses récits avec cinq souverains. D'autres textes
indiquent qu'il y en eut huit. Les uns comme les autres n'ont
probablement pas plus de réalité historique que les
Augustes. Les mythes de la protohistoire sont tous
caractérisés par le choix de la couleur jaune pour le
premier souverain - sans aucun rapport avec l'or-, parce qu'elle est la
teinte du centre de la Terre, celle qui sera attribuée aux
parures impériales. Le premier souverain, Huangdi, le 'souverain
jaune', sait avant les autres utiliser le feu pour fabriquer des
objets. Ainsi naissent les premières poteries, les
premières fontes d'armes. Il invente aussi le char et le bateau,
tandis que son épouse découvre la soie. Des souverains
qui suivirent, il faut retenir les deux derniers, Yao et Shun, qui
durent combattre le déluge provoqué par
l'ébranlement du mont Buzhou. Ils appellent aux affaires de
l'Etat des hommes réputés pour leur sagesse, auxquels ils
sont prêts, en cas de succès, à céder le
pouvoir. Le principe de la transmission du pouvoir de sage en sage est
ainsi posé avant le principe héréditaire. La
sagesse a pour corollaire l'âge, synonyme d'enrichissement par
l'expérience. Ainsi Shun, appelé auprès de Yao
alors qu'il est déjà âgé, va-t-il
régner pendant près de quatre-vingts ans.
Une légende raconte qu'un dragon, sorti du fleuve Jaune, apporta
à Yu le Grand les plans du monde, témoignant ainsi du
rôle du fleuve dans l'organisation de la Chine. Les plans du
monde se traduisent en chiffres allant de un à neuf. Sur le
modèle d'un carré divisé en neuf parties
égales, Yu crée neuf provinces. Le chef de chacune
d'elles lui apporte un trépied en bronze, sur lequel sont
gravées la carte du pays, ses ressources et la physionomie de
ses habitants. Pour le souverain, il s'agit de ne pas laisser se
disperser les neuf trépieds, au risque de mettre en péril
sa propre autorité. Cette conception du monde trouve sa
réalisation dans la 'maison du Calendrier' (mingtang).
Erigé à partir du deuxième siècle av.
J.-C., ce bâtiment carré est divisé en neuf maisons
dans lesquelles le souverain se déplace et effectue parfois
plusieurs stations. Quand, au début de chaque mois, il entre
dans l'une des maisons, la constellation, les fruits, la
météorologie, ..., de ce mois-là doivent se
manifester.
Contrairement à sa réputation occidentale, le dragon est,
en Chine, un animal éminemment sympathique quoique lié au
pouvoir. Il n'a pas hésité, par exemple, à sortir
de son fleuve pour aider Yu Le Grand à organiser l'empire. Il
existe en Chine une quantité de dragon différents qui
peuvent revêtir plusieurs formes. D'apparence animale, humaine ou
les deux à la fois, ils deviennent nuage ou source profonde,
vivent dans les cieux ou dans les mers. Ils ont des cornes ou des bois
de cerf, des ailes, sont couverts d'écailles ou de poils, ont
les griffes d'un oiseau de proie, et l'air qu'ils soufflent peut
devenir nuage pluie ou feu. Dans la religion populaire, le dragon
devient le maître de la pluie. De grande cérémonies
lui sont consacrées. On peut aussi l'attirer en lui
présentant une belle femme sur un rocher et en la subtilisant au
dernier moment: on provoque ainsi sa colère et donc le tonnerre
et la pluie. L'année du dragon est une bonne année, signe
de paix, de richesse et de bonnes récoltes. Le dragon est
l'animal du levant, il est vert ou bleu. En lui prédomine le
yang, et il est l'incarnation de cette énergie. Comme le
souverain, il est un "pivot" entre le ciel et la terre et participe au
maintient de l'harmonie. Sa semence, déposée et
congelée dans les entrailles de la Terre, devient le jade,
pierre précieuse entre toutes pour les chinois.
En Chine, la création s'explique par le yin et le yang,
énergies qui fusionnent pour créer l'Univers. Le yang est
une énergie mâle, active, claire et impaire; le yin est
considéré comme le principe femelle, en repos, sombre et
pair. Ils sont représentés par les moitiés noire
et blanche d'un cercle et constituent tous les aspects de la vie. Dans
l'Univers, ces énergies pouvant être en expansion et se
diluer, ou, au contraire, se resserrer et se concentrer. Elles sont
symbolisées par deux traits: continu pour le yang, discontinu
pour le yin. Dans un des plus anciens livres de divination chinois, le
Yiking (Livre des mutations), des signes, appelés les
'hexagrammes' et les 'trigrammes', combinent les lignes qui furent le
yin et le yang et traduisent une certaine vision de l'Univers. Les
chinois attribuent à leurs souverains mythiques le dessin de
certains signes, comme Fuxi et ses huit trigrammes.