La mythologie chinoise est connue grâce des textes datant
essentiellement de la dynastie Han. N’ayant guère plus de 2000
ans d’âge, ces écrits peuvent être
considérés comme récents. De plus, ils ont
été rédigés par des lettrés qui ont
parfois réinterprété la mythologie
conformément à leurs conceptions philosophiques. Ils ont
ainsi transformé les plus importants dieux en des souverains
vertueux ayant régné à une époque
très ancienne. Ils ont également associé des dieux
aux cinq directions (les quatre points cardinaux et le centre), selon
une cosmologie élaborée durant la basse Antiquité.
On peut avoir une idée de ce qu’était la mythologie
chinoise "originelle" en la comparant avec celles des
autres peuples de l’Extrême-Orient. En étendant la
comparaison à toute l’Eurasie, on s’aperçoit qu’une
grande partie de cette mythologie est d’origine indo-européenne.
Elle possède donc des ressemblances tout à fait
frappantes avec la mythologie germanique, grecque ou celle des peuples
slaves. Cela est dû à l’invasion de la Chine par un peuple
indo-européen, les Tokhariens, il y a plus de 3000 ans.
Les Chinois de l’Antiquité les appelaient les Rong-Chiens, le
terme "Rong" étant appliqué à tous
les barbares occidentaux
Mythes proprement chinois
Dans tout l'Extrême-Orient et l'Océanie, il existait
un dualisme cosmologique opposant deux principes, d’une part la
lumière, le soleil et le feu, d’autre part l’obscurité,
la lune et l’eau. Le premier principe était
généralement représenté par un oiseau. En
Chine, il s’agissait d’un corbeau. L’oiseau solaire est l’un des
thèmes privilégiés de la dynastie Shang, la
première dynastie chinoise dont l’existence soit attestée
par l’archéologie. Le second principe était
représenté par un serpent ou un animal aquatique. La
mère de Shun, l’un des souverains mythiques de la Chine,
était du clan du serpent, et son père était du
clan de l’oiseau. Shun était donc issu de l’union des deux
principes. Ce mythe illustre également le totémisme de
l’ancienne société chinoise, selon lequel chaque clan
avait un animal ancêtre, ainsi que l'exogamie, qui exigeait que
les époux soient issus de clans différents.
Xie était l’ancêtre des Shang et sa mère s’appelait
Jiandi. Un jour, elle alla se baigner avec ses sœurs dans la
rivière de la Colline Obscure. Un oiseau noir (hirondelle ou
corbeau) passa en tenant un œuf multicolore dans son bec. Il le laissa
tomber. Jiandi le prit et le mit dans sa bouche, mais elle l’avala par
mégarde. À la suite de cela, elle conçut Xie. Il
s’agit d’une forme particulière d’union des deux principes
cosmiques, puisque ce mythe fait intervenir d’une part l’eau et
l’obscurité, d’autre part un oiseau.
Le soleil résidait sur un arbre, appelé Fusang ou
Kongsang. Il se levait également de cet arbre, au matin, pour se
coucher sur un autre arbre situé à l’ouest. Autrefois, il
y avait dix soleils. Un jour, ils se levèrent tous en même
temps, infligeant aux hommes une chaleur intolérable. Yao en
abattit neuf avec des flèches, si bien qu’il n’en reste plus
qu’un seul. Selon la plupart des textes, Yao demanda à l'archer
Yi d’abattre les soleils au lieu de le faire lui-même, mais c’est
le résultat du croisement des mythologies chinoise et
indo-européenne, car Yi est un héros
indo-européen. Ce mythe des soleils surnuméraires existe
chez d’autres peuples de l’Extrême-Orient, de la Sibérie
et même chez certains Amérindiens, preuve de son
ancienneté.
On peut également mentionner le mythe de la séparation du
ciel et de la terre, qui était autrefois très proches. Il
importe de signaler qu'aucun de ces mythes ne possède le moindre
équivalent dans la mythologie indo-européenne.
Les Trois Augustes
Au début de leur histoire, les Chinois placent les Trois
Augustes (voir Sanhuangwudi): Fuxi, Nüwa et Shennong. Fuxi est
encore appelé Taihao, le Suprême Eclat. Il passe pour
avoir enseigné la chasse et la pêche aux hommes, et il
élevait des animaux pour la cuisine. Il avait également
un rôle d’entremetteur. Sa sœur, Nüwa, était une
déesse de la fécondité : elle présidait aux
mariages, comme Fuxi, et elle donnait des enfants. Shennong
était un dieu agriculteur qui jouait également un
rôle dans le commerce. Il a inventé la première
charrue et il a créé les marchés. On lui attribue
aussi la découverte des plantes médicinales.
Les plus belles illustrations de Fuxi et Nüwa proviennent de
tombes de la région de Tourfan, à l’ouest de la Chine.
Elles sont datées du quatrième au huitième
siècle de notre ère, époque où cette
région était tokharienne. Ces deux divinités ont
des queues de serpent. Fuxi tient une équerre, symbole du ciel
carré et masculin, et Nüwa tient un compas, symbole de la
terre ronde et féminine. Chez les anciens
Indo-Européens, le ciel était carré et la
terre était ronde, alors que pour les Chinois, le ciel rond
était posé sur la terre carrée. En outre, Fuxi et
Nüwa sont accompagnés par deux soleils. Dans des tombes des
Hittites datant d’il y a environ 4000 ans, on trouve des
représentations similaires de deux jumeaux, garçon et
fille, accompagnés par deux soleils.
Les Chinois admettent que Nüwa intervint pour réparer les
dégâts causés par la lutte entre Gonggong, le dieu
des Eaux, et Zhurong, le dieu du Feu. Elle reboucha notamment le ciel.
Cependant, selon le Lao Zi (ou Lao-tseu), son travail se situe avant la
confrontation entre Gonggong et Zhurong, ce qui laisse supposer qu’un
mythe tokharien et un mythe chinois ont été
rattachés.
Huangdi - Les lettrés de
la Chine ancienne se souvenaient que Huangdi, l'Empereur Jaune,
était l’ancêtre mythique des Rong-Chiens. Il s’agit du
dieu du Tonnerre des Indo-Européens. Les Chinois l’ont
adopté et ont fait de lui le successeur des Trois Augustes. Ils
le considèrent comme le fondateur de leur civilisation. Il avait
une résidence au sommet du Kunlun, une montagne où quatre
fleuves prenaient leur source, mais il se comportait comme un nomade.
Il se déplaçait en char et son véritable nom,
Xuanyuan, signifiait « brancard ». On lui attribue parfois
quatre têtes. D’une très grande intelligence, il sut
parler quelques jours après sa naissance, et il était
magicien et devin. L’un de ses ministres aurait inventé
l’écriture. Il était un guerrier, qui apprit « le
maniement du bouclier et de la lance », d’après
l’historien Sima Qian. Il savait aussi dompter les bêtes fauves.
Les Chinois lui ont associé deux frères, Shentu et Yulei,
qui tuaient les démons, or c’était l’un des fonctions de
Teshub, le dieu du Tonnerre des Hittites.
Huangdi mena une lutte très dure contre Chiyou,
présenté comme un fils, un petit-fils ou un ministre de
Shennong. C’était un forgeron et un expert dans la fabrication
des armes, qu’il aurait d’ailleurs inventées. Il a
été vénéré comme un dieu de la
Guerre. Huangdi utilisa contre Chiyou une armée de bêtes
fauves. L’épisode le plus célèbre de la bataille
est celui durant lequel Chiyou créa un brouillard épais.
Le Prince du Vent, souvent associé à Huangdi, fabriqua
une statue montée sur un char qui indiquait toujours le sud avec
son bras droit ; elle permit aux troupes de Huangdi de s’orienter dans
ce brouillard. Ensuite, Chiyou suscita un ouragan, avec des vents
violents et des pluies torrentielles. Huangdi fit venir sa fille Ba,
qui apportait la sécheresse. L’ouragan fut annihilé, mais
Ba ne pouvant pas remonter au ciel, son père l’exila sur les
territoires du Nord, qu’elle transforma en un désert.
Selon le Guizang, un ouvrage de la haute Antiquité connu
seulement par des citations, Chiyou s’attaqua au Kongsang afin
d’empêcher le soleil de se lever et de plonger la terre dans une
obscurité éternelle. Le mythe du combat entre Huangdi et
Chiyou trouve ainsi son équivalent chez les Slaves des Balkans.
Ces derniers racontaient que le dieu du Tonnerre devait affronter
chaque matin une créature en forme de dragon ou de serpent, qui
voulait capturer le soleil et plonger le monde dans les
ténèbres. Cette créature créait des
brouillards épais et des intempéries destructrices. Il
s’agit sûrement du mythe le plus important des Tokhariens, qui
était lié à leur vénération du
soleil levant. La mention du Kongsang s’explique par une sinisation de
ce mythe, car pour les Indo-Européens, le soleil se levait
à partir de la mer qui entourait la terre, et non à
partir d’un arbre.
Xiwangmu - Une autre
divinité, Xiwangmu, la Reine-Mère d’Occident, a toujours
été associée aux territoires occidentaux,
où vivaient les Tokhariens. C’était une déesse de
la fertilité-fécondité, à l’activité
sexuelle intense. Elle était la gardienne des pêches
d’immortalité. Elle régnait également sur les
destinées humaines et sur l’ouest, qui était la terre des
morts, et elle pouvait déclencher des épidémies.
On peut la comparer à la déesse allemande Frija ou
à la déesse scandinave Freyja. Toutes étaient
probablement des hypostases de la Terre
L'archer Yi - La ressemblance
de l’archer Yi et du héros grec Héraclès a
été remarquée depuis longtemps. Ils sont tous les
deux des héros solitaires et tueurs de monstres. Comme
Héraclès, Yi a exécuté un certain nombre de
« travaux ». Comme Yi, Héraclès était
un archer. Ne voulant pas descendre sous terre après sa mort, Yi
se rendit chez la Reine-Mère d’Occident et obtint d’elle des
pilules d’immortalité, mais son épouse Chang’e les lui
vola. De même, Héraclès parvint à
dérober les pommes d’immortalité, qui étaient la
propriété de la déesse Héra, mais il les
rendit sur l’injonction d’Athéna. Ces deux héros, qui
auraient pu éviter la mort, eurent une fin tragiqùue.
Leurs épouses et leurs disciples (Fengmen dans le cas de Yi,
Philoctète dans le cas d'Héraclès) furent
responsables de leur fin. Philoctète fut plus exactement un
successeur d'Héraclès, puisqu'il hérita de son arc
et de ses flèches.
L’immortalité était un concept essentiel de la religion
des Grecs et des Tokhariens. Chez Homère, les termes
«immortel» et «dieu» sont synonymes. De
même, la désignation tokharienne des dieux,
ñäkte, signifiait probablement "immortel".