FUXI ET NUGUA

L'eau dans le mythe de la création

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Comme dans les mythes de nombreuses civilisations, l'eau intervient dans celui de la Chine ancienne. Dans les temps très anciens, les quatre points cardinaux étaient hors de place, le ciel ne couvrait pas entièrement la terre. Le feu brûlait et l'eau coulait sans que rien ne puisse les arrêter. C'est alors que le monstre Gonggong, dans un accès de fureur pour avoir échoué son ambition de régner sur le monde, ébranla le mont Buzhou : la colonne cosmique ou "axis mundi", causant une inclinaison du ciel. Ce faisant, il provoqua le déluge. C'est alors qu'intervint Nügua. Celle-ci fondit des pierres de cinq couleurs pour compléter le ciel azuré, coupa les pattes d'une tortue pour fixer les quatre points cardinaux et amassa de la cendre de roseaux pour arrêter les eaux qui débordaient. A la suite de ces travaux, tout rentra dans l'ordre. Nügua avait mis fin aux perturbations de Gonggong. On dit aussi qu'avec de la terre jaune, elle fabriqua les hommes. Elle creusa les neuf fleuves, c'est-à-dire les neuf bras par lesquels le fleuve Jaune se répandait à travers la plaine. Toutefois, le personnage de Nügua n'apparaît pas toujours comme un personnage féminin. Ce qui fait d'elle une femme semble être purement son association avec Fuxi. Ils sont alors représentés l'un en homme, l'autre en femme. Fuxi est connu sous le nom de Taihao (le grand éclat) et il est né d'une ondine, celle des neuf fleuves. Frère et sœur, époux et épouse, s'ils sont séparés dans les débuts du mythe, Fuxi et Nügua se rejoignent lorsque le monde est en ordre. Personnification du Yin et du Yang, ils pallièrent, l'une le déluge tandis que l'autre domptait les cent animaux. Ce mythe a été rapproché d'un mythe des populations Miao du sud de la Chine, le mythe de Nogong et de Nomu (le seigneur No et la dame No). Il se déroule de la façon suivante : Hebi, le seigneur des plantes et Hesong le seigneur du tonnerre s'opposaient. Lors d'une bataille, Hebi fut victorieux et fit prisonnier Hesong. Mais Hebi avait deux enfants: Nogong et Nomu et ces derniers, apitoyés, libérèrent Hesong. Celui-ci, reconnaissant, leur donna des graines de melon en leur disant qu'elles les protégeraient lors du déluge qui n'allait pas manquer de survenir. Puis il le déclencha et le monde fut détruit. En hâte, frère et sœur plantèrent les graines qui donnèrent naissance à deux beaux melons à l'intérieur desquels ils se réfugièrent, échappant de justesse à la mort. Puis Hesong fit cesser le déluge. La terre redevint habitable. Nogong et Nomu, seuls survivants, décidèrent de se marier afin de repeupler le monde. Comme dans le mythe précédent, l'action du couple No fut salvatrice et réparatrice. Les schémas narratifs sont les mêmes dans les deux légendes. Ils reproduisent le phénomène de rupture de l'équilibre du monde avec pour conséquence le déluge, et pour dénouement la paix retrouvée.

Portrait de Fuxi et de Nügua en relation avec l'eau

Fuxi et Nügua, " les saints empereurs des origines ", font partie des trois augustes dont le troisième et dernier est Shennong, divin laboureur à qui sont liés tous les aspects de la vie agricole.
FUXI : Ce héros fut non seulement le premier des trois souverains augustes mais sans doute le plus fertile inventeur de toute la mythologie chinoise. Il passe parfois pour être le fils de l'esprit du tonnerre, Leishen, car sa mère Huaxu le conçut en marchant dans des traces de pas géantes lorsqu'elle sortit de son bain pris dans le lac du tonnerre.
NUGUA: Le second auguste est représenté avec un corps de serpent surmonté d'une tête humaine. Elle apparaît comme la déesse de la fécondité ou plus exactement de l'eau bienfaisante. Sous les Han, on la priait en cas de pluies incessantes. L'ethnologie ancienne nous apprend que les Miao l'ont très honorée en tant que telle. Elle était en rapport avec les grenouilles qu'ils représentaient sur leurs tambours de pluie.

Gun lutte contre les eaux

Une légende chinoise ancienne faisant intervenir un personnage du nom de Gun raconte qu'il lutta contre les hautes eaux qui s'abattaient sur le pays. - Un jour les hautes eaux s'élevèrent jusqu'au ciel. En ce temps-là, le quatrième empereur Yao régnait et il dit ceci : "Oh ! quatre monts sacrés! immense est la crue des hautes eaux qui s'élèvent jusqu'au ciel! elle gonfle et enveloppe les montagnes, engloutit les collines. Le peuple des basses terres est dans le malheur. Qui pourrions-nous envoyer pour remédier à telle situation?"  - Tous répondirent : "Gun en est capable!"  - Yao dit : "Gun enfreint les ordres et parle mal de ses semblables. C'est impossibe!"  Les chefs des quatre monts répliquèrent : "Revenez sur votre décision. Essayez-le toujours et s'il ne convient pas de l'utiliser, vous le renverrez. "

Aussi Yao se rangea-t-il à l'avis de ceux-ci, il utilisa donc les compétences de Gun. Pendant neuf ans, celui-ci œuvra au service de Yao, mais sans obtenir aucun résultat. Il déroba les terres vivantes de l'empereur afin d'endiguer les eaux. Il n'écoula pas les ordres de celui-ci et, de plus, la tâche surpassait de beaucoup ses faibles capacités. Ses échecs le menèrent à recevoir un châtiment. Shun, le cinquième empereur, vint et demanda à son prédécesseur Yao que Gun fût banni au mont Yu. L'empereur ordonna à Zhurong de le tuer dans les parages du mont.

Zburong était le directeur du feu et lorsqu'il mourut, il devint l'esprit du feu. Après sa mort, Gun donna naissance à Yu. Gun fut l'objet de culte de trois dynasties. Le père de Yu faillit être un héros. Ses échecs permirent à celui-ci, Yu le Grand, de briller d'un incomparable éclat. Il accepta de prendre la place de son père et servit le souverain qui l'avait fait mettre à mort. Son oeuvre la plus éminente consista à remettre de l'ordre dans les terres immergées sous les hautes eaux. Yao mourut.

L'empereur Shun demanda au quatre monts sacrés: "Y a-t-il quelqu'un qui soit capable d'accomplir en beauté les tâches fixées par Yao? Je l'installerais dans sa fonction."  Tous répondirent: "Le comte Yu est ministre des travaux publics, il est apte à accomplir en beauté les œuvres de Yao.  - "Fort bien!" dit Shun, et il donna cet ordre à Yu: "Vous régulariserez les eaux et la terre. A cela vous consacrerez tous vos efforts."

Yu était un être perspicace, serviable, capable et laborieux. Il ordonna à tous les seigneurs et aux cent familles de lever les hommes en masse afin de procéder à une division des terres. Il parcourut les montagnes et incisa les arbres, il détermina les monts vénérables et les rivières nobles. Il fut très affecté par l'échec de son défunt père Gun qui avait reçu un châtiment. Cette tâche accabla son corps et accapara toutes ses pensées, il resta dehors pendant trente ans et lorsqu'il passait devant chez lui, il n'osait point entrer. Vêtu et nourri médiocrement, il faisait preuve d'une piété sans faille envers les revenants et les esprits. Pour se déplacer sur terre, il prenait un char, pour voyager sur l'eau, il montait dans un bateau. De la main gauche, il tenait le niveau et le cordeau; de la main droite, le compas et l'équerre. C'est ainsi qu'il divisa les neuf provinces, qu'il fit communiquer les neuf voies, qu'il endigua les neuf lacs et pris la mesure des neuf montagnes. Alors Yu combla les eaux débordées avec de la terre vivante. Il aplanit les monts Kunlun afin d'en abaisser les terres. Shun envoya Yu ouvrir un passage aux trois fleuves et aux cinq lacs. Il fit convenablement communiquer et s'écouler sans interruption les canaux pour qu'ils se jettent dans la mer Orientale. Les eaux débordées s'égouttèrent peu à peu et les neuf provinces s'asséchèrent. Les peuples innombrables jouirent tous de la paix retrouvée.

Yi Yin sauvé des eaux

Il y avait une fois une fille de la famille Shen qui cueillait des feuilles de mûrier. Elle trouva un nouveau-né au milieu du mûrier creux. Elle l'offrit à son prince, étant elle-même une princesse. Celui-ci ordonna à son maître-queux de le nourrir. Il fit faire une enquête sur l'enfant. On lui rapporta que sa mère avait habité sur une rive de la rivière Yi. Alors qu'elle était enceinte, elle rêva qu'un esprit lui disait: "Lorsqu'un mortier d'où sortira de l'eau, courez vers l'est et ne vous retournez pas pour regarder derrière vous!" Le lendemain, elle aperçut un mortier d'où sortait de l'eau et en informa ses voisins. Elle courut pendant dix li avant de se retourner. Tout son village était sous les eaux. A la suite de cela, son corps devint un mûrier creux. C'est pourquoi on appela son fils Yi Yin car il était sorti d'un mûrier creux.

Dieu chinois en relation avec l'eau

Le comte du fleuve  - Le dieu du plus important fleuve de la Chine du Nord a une longue histoire. Il a drainé autant d'alluvions que de légendes, mais certaines sont plus connues que d'autres. On sait que cette longue voie d'eau n'a pas toujours été paisible. Dans les temps anciens, elle exigeait même pour prix de son calme un tribut de jeunes filles. Fengyi était un homme du village de Tishou. Un beau jour, il se noya en voulant traverser le fleuve Jaune. Alors l'empereur du ciel lui conféra la charge de comte du Fleuve. Le titre de comte est un des plus important de l'Antiquité; il est d'ailleurs synonyme d'hégémon. Ces génies aquatiques sont en fait les maîtres des grands poissons, des crocodiles et des dragons. On disait du comte du Fleuve qu'il avait la pouvoir d'éloigner tous les monstres aquatiques. Jadis, alors que Yu (op. cit) posait son regard sur le fleuve il aperçut un géant à corps de poisson qui sortait des flots. Il lui déclara être l'esprit du fleuve, mais était-ce bien le comte du Fleuve ? En l'an -417, à Wei, pour la première fois on donna une princesse pour épouse au fleuve Jaune. A l'époque du marquis Wen de Wei, Ximen Bao était préfet de Ye. En arrivant à son poste, il interrogea les vénérables du lieu sur les souffrances du peuple. "Ses souffrances sont principalement dues à l'oblation (offrande à un dieu) d'une épouse au comte du Fleuve",  lui répondirent-ils. Xànen Bao s'enquit de la raison de cette situation. "C'est qu'on recueille parmi le peuple plusieurs millions de pièces: on en utilise environ trois cent mille pour organiser le mariage du comte du Fleuve et on donne le reste aux invocateurs et aux chamanesses pour qu'ils se chargent de la cérémonie." En ce temps-là, les chamanesses allaient examiner les jolies filles de famille modestes. Elles disaient parfois: "Celle-ci convient pour servir d'épouse au comte du Fleuve" et on la prenait pour en faire sa femme. Après avoir été lavée, habillée de vêtements neufs de soie et de crêpe fleuri, elle se purifiait dans une habitation située sur les bords du fleuve. On la poudrait et la paraît avant de l'installer sur son lit nuptial qu'on laissait voguer au milieu du fleuve. Il flottait ainsi sur une bonne dizaine de "li" avant de sombrer. Les familles qui avaient chez elles une jolie fille redoutaient que la grande chamanesse et les invocateurs ne vinssent la prendre pour en faire une épouse du comte du Fleuve. Aussi, nombreux étaient ceux qui décidaient de faire fuir ou d'éloigner leurs filles.

L'eau dans le quotidien

L'eau et l'habitat  - L'eau qui entoure l'habitat familial doit être de bon fengshui. Ce mot, qui signifie littéralement "vent et eau", désigne la pratique chinoise de détermination des sites favorables à l'habitation et à l'inhumation, en accord avec les forces naturelles (chi) du territoire. "Chi" désigne plus précisément les courants de la respiration vitale. Les villes sont parfois bâties suivant ces principes qui cherchent à harmoniser les énergies Yin et Yang dont l'interaction constitue l'univers sous ses diverses formes. Si une maison (ou une tombe) a un mauvais fengshui, elle n'est pas bien alignée dans le paysage et les courants du "chi" en sont troublés. Dès lors, des malheurs peuvent survenir à toute chose ou toute personne qui s'y trouve. On tient donc beaucoup à la géomancie.

Définition du fengshui

FENG, qui se prononce également fong, signifie, suivant les dictionnaires classiques de la langue chinoise, le vent, la brise, mais également le souffle.

SHUI, qui se prononce aussi shuci, chouei, choi, signifie eau, liquide. Les commentaires classiques ajoutent qu'il s'agit d'un des cinq éléments de l'énergétique chinoise correspondant à l'origine profonde, aux sources, aux racines, à ce qui est avant le commencement, à la face cachée des choses. Shui représente le ruissellement et les courants souterrains.

FENGSHI, qui se prononce souvent fongshuei, suivant le dictionnaire signifie "vents et cours d'eau" et, par extension, l'antique géomancie (technique divinatoire fondée sur l'observation des figures formées par la terre) chinoise traitant des influences fastes et néfastes qui résultent du site et de l'environnement choisis.

Dans la symbolique chinoise, le Nord représente le froid (eau). Si la chambre ne pouvait être orientée correctement, il devenait par contre difficile d'orienter le lit suivant cet axe essentiel. Les premières applications du fengsbui consistèrent donc à pallier ce déséquilibre en utilisant divers moyens. Le premier et le plus simple consistait à matérialiser l'énergie du Nord (eau) par un symbole représentant l'eau (shui) disposé sur le mur sur lequel reposait la tête du lit. Lorsqu'un lieu manque d'énergie apportée par l'élément eau, il est évidemment possible de faire creuser un lac, un étang ou un bassin. Il est aussi possible de disposer un aquarium ou un simple bocal rempli d 'eau qui symboliseront cet élément défaillant s'ils sont disposés au bon endroit.

Aussi, dans le fengshui des cinq éléments, à l'hiver correspond le Nord, l'eau, la liquéfaction, la déliquescence, la dissolution, et on lui attribue la couleur noire.

Dans les remèdes du fengshui, on retrouve la purification du lieu par l'eau et le sel: il s'agit de procéder soit à des ablutions rituelles, que l'on retrouve dans le rite du baptême chrétien, avec de l'eau lustrale (qui sert à purifier), soit de projeter cette eau, et parfois du sel, sur le lieu à consacrer et à purifier. A l'origine, après avoir jeté de l'huile sur le feu, d'où une expression encore très utilisée dans un sens populaire, on jetait du sel sur le brasier, ce qui le faisait crépiter et ravivait la flamme, puis de l'eau salée, ce qui produisait un son particulier (shimmy) qui justement est le son de l'eau. Eau et sel sont toujours usités aujourd'hui pour purifier un lieu.

La légende du thé

Tout reste enveloppé dans les brumes de la légende. Le thé, contrairement à beaucoup d'autres boissons, nous permet de remonter à un point où l'histoire et la légende se confondent.

En Chine, c'est à l'empereur Shennong, le laboureur divin, que nous avons déjà rencontré, en 2737 avant J-C, que nous devons ce magnifique breuvage. Un jour de grande chaleur, Shennong se trouva pris d'une soif intense. Par hygiène, par diététique ou peut-être selon la coutume de l'époque, il mit de l'eau à bouillir avant de la boire. Ceci se passait dans un jardin au pied d'un arbre. Une brise légère rit tomber quelques feuilles de cet arbre, un théier bien sûr, qui vinrent se poser en douceur dans la tasse d'eau bouillante. Celle-ci s'en trouva délicieusement parfumée. L'empereur apprécia et en redemanda. La chose se sut et devint bien vite à la mode. Le thé était né. Le thé est préparé de différentes façons selon l'époque: sous la dynastie chinoise Tang (620-907) était le thé bouilli, sous la dynastie chinoise Song (960-1279) le thé battu et sous la dynastie chinoise Ming (1368-1644) le thé infusé. L'Europe a hérité de cette dernière manière de faire le thé: le thé se présente sous forme de feuilles et on verse sur elles de l'eau frémissante pour leur permettre d'infuser.
 



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