TABLEAU COMPARATIF
ENTRE
L'ÉPICURISME ET LE STOÏCISME



ÉPICURISME


STOÏCISME
Dans la lignée de Démocrite (matérialisme), d'Anaxagore et de l'école cyrénaïque. Dans la lignée de Zénon de Citium, de Chrysipppe, de Cratès le cynique et de Diogène "le Chien" (cynique vient du grec et signifie "du chien").


Epicure = l'école du Jardin.

Epictète = l'école du Portique (stoa, en grec).


1)  POUR LA CONNAISSANCE:



La base de la connaissance = nos SENSATIONS,  le témoignage des sens, à partir desquelles nous concevons des idées générales. Nos perceptions  ne peuvent être fausses. L'erreur réside dans l'opinion qu'on s'en fait, ou dans l'interprétation qu'on en fait.

Il y a aussi les AFFECTIONS (plaisir et douleur), les deux seuls états possibles de notre corps.


La base de la connaissance = notre PERCEPTION des choses, qui sont à la source de notre représentation et de notre jugement.. Ainsi, pour la mort, ce qui est effrayant n'est pas la mort elle-même, mais  l'idée qu'on s'en fait.

Bien et mal y résident.

Bien et mal se trouvent non dans les choses - ou dans nos sensations-, mais dans notre attitude envers elles, dans les idées qu'on s'en fait.


2) POUR LA PHYSIQUE (MONDE ET UNIVERS):



L'atomisme de Leucippe et de Démocrite: les corps sont formés de la rencontre fortuite d'atomes. Pour l'âme, il s'agit d'atomes subtils, mais tout aussi périssables.


Le monde est un Tout, vivant, doué d'âme (de feu) et divin, régi par un principe actif, le logos, conçu comme étant la raison divine. L'âme en est une manifestation et est immortelle.

Il n'y a ni nécessité, ni destin. Les dieux sont indifférents au sort des humains. Par conséquent, il faut se libérer de la crainte des dieux et des superstitions.

Il n'y a rien de fortuit (dû au hasard),  tout est nécessaire. D'où: morale axée sur une vie en conformité avec la nature, avec ses lois. La sagesse stoïcienne consiste à ne pas s'écarter de la nature, à se régler  sur sa loi et son exemple, à vivre en conformité avec l'ordre divin de l'Univers. Il est vain de tenter de modifier la nature des choses. Il faut accepter ce que les événements et le destin nous apportent, si ce n'est pas de notre ressort.


3) POUR L'ETHIQUE:



Ethique du plaisir, bien surprême, but et fin de l'existence.

Ethique du devoir: "Fais ce que dois" (Epictète, Manuel no 50): faire coïncider sa volonté avec ce qui arrive. Amor fati, l'amour du destin. La devise stoïcienne est: "Endure et renonce".
(On parle aussi d'ascétisme.)


À propos des désirs: 3 types:
a) naturels et nécessaires (se nourrir, se loger, se vêtir)
b) naturels et non nécessaires (ex: le sexe)
3) ni naturels, ni nécessaires (ex: le luxe)

Pour éviter la souffrance, il faut éviter les sources de plaisir qui ne sont ni naturels ni nécessaires.


La passion est une sorte de maladie de l'âme, "un mouvement de l'âme qui s'écarte de la droite raison et qui est contraire à la nature" (Cicéron, Tusculanes). Y sont inclus le plaisir, le désir, la douleur et la crainte.

Le but de la vie = vivre une vie aussi plaisante que possible, mais sans excès, mesurée (cf "l'arithmétique des plaisirs", la recherche de l'équilibre entre le plaisir et la douleur).
L'atteinte de la tranquillité, de la quiétude (qui est le vrai bonheur), état appelé ataraxie, par la maîtrise de soi, la modération et le détachement.

Le but de la vie =  s'occuper de son âme, des choses intérieures, pour acquérir la maîtrise de soi, l'insensibilité, la liberté et la sérénité.
Atteindre un état de l'âme qui n'est troublé par aucune émotion ou douleur (sérénité).
Etre délivré des passions et des désirs.
Cette maîtrise de soi est nettement supérieure au plaisir. On pourrait même dire qu'elle est.... le plus grand des plaisirs, la plus grande des satisfactions.


Le plaisir =  la privation de douleur, l'absence de trouble (de l'âme, surtout, mais aussi du corps).



Le bonheur = le plaisir, défini comme absence de douleur, absence de trouble, repos, sérénité. (Rien à voir avec la démesure sensuelle.)
C'est aussi la sérénité qui résulte de l'absence de crainte, particulièrement des dieux, de la mort et de la vie après la mort.


Le bonheur est l'état dans lequel vit "une âme libre, élevée, intrépide, constante, inaccessible à la crainte comme au désir, pour qui le seul bien est la beauté morale, le seul mal, l'avilissement, et tout le reste un amas de choses incapables d'enlever ou d'ajouter rien au bonheur" (Sénèque).
Le bonheur est "une allégresse profonde" qui "met sa joie dans ce qu'elle possède et ne désire rien au-delà de ce qu'elle trouve dans son milieu" (Sénèque).
Etre heureux, c'est accepter ce qui arrive tel qu'il arrive, sans l'avoir désiré.


Le bien =  ce qui procure du plaisir.

Le bien = la beauté morale (vs l'avilissement, qui est le mal).
Est bien ce qui correspond à la nature et à ses lois.


La sagesse =  "l"arithmétique des plaisirs".

La sagesse consiste à accorder notre volonté à la vraie nature des choses, à vivre en conformité avec la nature, l'univers. S'y soumettre, c'est se garantir une vie heureuse et sans troubles. C'est LA SÉRÉNITÉ.


Le sage = celui qui sait bien calculer, bien mesurer, bien doser les plaisirs.



Celui qui méprise la politique et préfère "vivre caché", en retrait. (Meilleure façon d'éviter les coups durs.)

Le sage est celui qui sait "garder son démon intérieur à l'abri des outrages, innocent, supérieur aux plaisirs et aux peines" (Marc-Aurèle)
Le sage est celui "pour qui la vraie volupté est le mépris des voluptés" (Sénèque).
Celui qui accepte ce qui ne peut être changé (Meilleure façon d'éviter les coups durs.)
Celui qui sait souffrir sans se plaindre, qui réagit à ses malheurs comme s'ils arrivaient à autrui.
Celui qui, sachant que tout ce que nous avons est un don provisoire, en jouit comme un cadeau des dieux et en profite, mais ne s'apitoyera pas sur leur perte.
Le sage est un modèle de vertu pour ses concitoyens.


La liberté =

La liberté est procurée par "l'indifférence aux coups du sort" (Sénèque), et on devient libre en contrôlant les représentations que nous nous faisons des choses, des faits et des événements, en méprisant les choses qui ne dépendent pas de nous.


Notre guide:
Ce sont les affections (plaisir et douleur) qui nous guident dans les choix que nous avons à faire. Aussi, on doit juger en fonction de l'utile et du nuisible.

Notre guide:
la raison, qui détermine ce qui dépend de nous, et ce qui n'en dépend pas, et n'attache d'importance qu'à ce qui dépend de nous, c'est-à-dire la représentation que nous nous faisons des choses.


Attitude face à la mort:
La mort n'est rien parce qu'elle est la privation de la sensation, source du bien et du mal. Raison de plus pour apprécier les joies de cette vie éphémère, et de ne pas désirer l'immortalité.

Attitude face à la mort:
La mort n'est rien  - ou, plutôt: elle est un bien - parce que l'âme est immortelle et qu'un monde supérieur et meilleur l'attend. Ce monde-ci est éphémère, on n'y est que de passage. Le jour de ta mort = "le jour de ta naissance à l'éternité" (Sénèque, Lettre à Lucilius).



NOTES

1) A y regarder de près, il y a d'étonnantes ressemblances entre le stoïcisme et le... bouddhisme!!
2) L'épicurisme est à l'origine de l'utilitarisme (tout est basé sur ce qui est utile-nuisible, plaisant-déplaisant.), de l'empirisme (toute connaissance passe d'abord par les sens) et du sensualisme (évidemment!!).
3) On a ajouté "Le quadruple remède" à la Lettre à Ménécée d'Épicure: "Les dieux ne sont pas à craindre. La mort n'est rien pour nous. On peut atteindre le bonheur. On peut supprimer la douleur." - Ma foi, un stoïcien dirait la même chose!
4) Il y a des ressemblances entre l'épicurisme et le stoïcisme, malgré que ces deux systèmes semblent apparemment opposés. En particulier,  chacun vise à l'érection d'une forteresse intérieure pour se protéger contre les coups durs; chacun souligne l'importance de vivre le moment présent et veut atteindre la sérénité, mais ces mots n'ont pas le même sens - ou le même contenu - pour l'un que pour l'autre.
5) Selon Epictète, la question principale à laquelle il faut répondre est de savoir comment il faut vivre sa vie. En ce sens, Albert Camus qui, dans Le mythe de Sisyphe (1942), affirme dès le départ que "juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie", se situe dans la même ligne de pensée mais, évidemment, il ne donne pas la même réponse qu'Epicure à cette question cruciale.



Références:

Claude Paris et Yves Bastarache, Philosopher, Pensée et argumentation, éd. C.G., Québec 1995 (incluant de nombreux textes de philosophes)
Wikipedia.org (articles: Épicurisme, Épicure, Stoïcisme, Epictète et Le Manuel d'Épictète)
fr.encarta.msn.com (articles sur l'épicurisme et le stoïcisme)



Thérèse-Isabelle Saulnier
Victorivaville, 2 fév. 09


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