COMMUNISME ET ANARCHISME: DES FRÈRES ENNEMIS?

 

Par Fred Falzon

 

C'est avec l'exclusion de Bakounine de la première Internationale en 1872 que s'est concrétisée l'opposition historique entre communistes et anarchistes. Même si dans le but final, la construction d'une société sans classe et sans État et le renversement du capitalisme, les idées défendues par Marx et celles défendues par Bakounine peuvent sembler se rejoindre. C'est par leurs choix politiques, stratégiques et tactiques que les deux théories diffèrent. Or ces choix se révèlent être fondamentaux et ils conditionnent la réalisation ou non du but fixé.

 

En effet, le communisme s'oriente résolument vers la classe directement antagoniste à la classe capitaliste, la classe ouvrière. Elle qui de par son nombre, son rôle dans la production et ses traditions, est la seule classe révolutionnaire capable de mettre fin à la barbarie capitaliste et de construire une société nouvelle, débarrassée du profit, de l'exploitation et de la misère.

L'anarchisme, pour sa part, réfute l'idée d'un État ouvrier prônée par les marxistes. Par ce fait même, il dénigre au prolétariat sa capacité de gestion de la société et son potentiel révolutionnaire. Pour les anarchistes, l'État est appelé à disparaître comme par enchantement, après la révolution. Tandis que le dépérissement de l'État, pour les marxistes, ne s'effectuera qu'après la période de transition où l'État sera dirigé par la classe ouvrière.

 

Cet abandon théorique de la classe ouvrière par les anarchistes s'est accompagné d'un abandon politique et militant. Seuls les anarcho-syndicalistes ont milité dans le milieu prolétarien. Or même pour ces derniers, la cassure avec la classe ouvrière a été consommé par l'attitude des anarchistes et l'impasse de leur politique en 1914 où ils ont voté les crédits de guerre et durant la guerre civile espagnole en 1936. En perdant sa base ouvrière, l'anarchisme a perdu son énergie, sa vitalité et son prestige d'ennemi du capitalisme.

 

La nécessité d'une direction démocratique prolétarienne est vitale tant pour mener à bien la révolution que pour amener l'avènement du socialisme. La nécessité d'un parti ouvrier de masse est essentiel pour les ouvriers du monde entier. Un parti dont les dirigeants seraient choisis non pas pour leur cupidité ou leur docilité comme en régime capitaliste, mais selon leur capacité, leur désintéressement et leur dévouement à la cause prolétarienne. Cette nécessité est d'autant plus pressante que les organisations d'extrême gauche comme les anarchistes en abandonnent le principe.

 

Les anarchistes considèrent l'autorité comme mauvaise en soi, or nous communistes ne prônons pas l'autorité pour l'autorité, mais malheureusement, face à l'armée, la police et tous les organes de répression bourgeois qui eux sont fortement organisés et centralisés. Le prolétariat devra obligatoirement opposer une organisation et une discipline de classe capable d'attaquer de front les bourgeois et de renverser leur système.

 

Mais, le socialisme et le communisme, quand à eux, seront des systèmes de libre entente entre les hommes, où l'obéissance et l'autorité aveugle seront bannis, de même que la nécessité d'une police et d'une armée, en bref d'un État. Mais, l'avènement d'une telle société ne sera atteint que si le système est pour un temps régi par un État de type prolétarien. Jusqu'à ce que soient réduis les derniers vestiges de l'archaïque système capitaliste, sa hiérarchie, son humiliante autorité, son armée, sa police toutes ces vexations qui pourrissent la vie des femmes et des hommes aujourd'hui.

 

 

(...)j'ai grandi. L'évolution sociale est lente et douloureuse. Et il n'existe pas de raccourcis. Il faut avancer pas à pas. Oh, philosophiquement parlant, je suis toujours anarchiste. Mais je me rends chaque jour mieux compte que la liberté idéale de l'anarchie ne pourra être conquise qu'après le passage par une étape intermédiaire, celle du socialisme.

Grounia

 

 

J'ai donc vu les anarchistes de près et plus je les étudiais, plus j'étais persuadé que c'étaient des velléitaires, des gens totalement dépourvus de sens pratique. Ils rêvaient, ils discutaient des théories, ils tempêtaient contre les persécutions de la police, mais c'est tout. Ils ne parvenaient nulle part, ils ne faisaient jamais rien sinon se jeter dans tous les guêpiers possibles. Je parle bien entendu, des groupes violents. Quant aux tolstoïens et aux partisans de Kropotkine, ce n'étaient jamais que de paisibles philosophes à la tournure d'esprit académique. Ils n'auraient pas fait de mal à une mouche. Et les autres non plus.

Winter Hall

 

de Jack London, Le bureau des assassinats (appel à la vie).

 

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