«Le roi de France, rapidement guéri de sa maladie, porta son attention sur la construction de machines et de "perrières", propres à l'attaque et qu'il employait jour et nuit; il en avait une, d'une qualité supérieure, à qui on avait donné le nom de "Mauvaise voisine". Les Turcs en avaient une aussi qu'on appelait "Mauvaise cousine" et qui, par ses jets violents, mettait souvent "Mauvaise voisine" en pièces; mais le roi de France la réparait toujours, jusqu'à ce qu'enfin, par des décharges constantes, elle abattît une partie du mur principal de la ville, et ébranla la Tour maudite. D'un côté, la perrière du duc de Bourgogne harcelait, de l'autre, celle des templiers causait des ravages; cependant que celle des hospitaliers ne cessait de semer la terreur parmi les Turcs. Il y avait encore une autre perrière dont la construction avait été financée par tous, et qu'on appelait "la perrière de Dieu". A côté d'elle, il y avait, prêchant assidûment, un prêtre, un homme d'une grande probité, qui récoltait de l'argent pour la réparer et payer des personnes afin de rassembler les pierres de jet. Grâce à cette machine, une partie du mur, tout près de la Tour maudite, fut enfin abattue sur une distance d'environ deux perches. Le comte de Flandre avait une remarquable perrière dont le roi Richard hérita après sa mort et une autre plus petite et aussi bonne. Toutes deux tiraient sans trêve sur une tour, à côté de la porte que les Turcs utilisaient souvent, jusqu'à ce qu'elles abattent la moitié de la tour.
«En plus de ces deux-là, le roi Richard en avait construit deux autres, d'une qualité et d'un travail remarquables, qui pouvaient frapper une cible à une distance incalculable. Il en construisit aussi une autre vulgairement appelée Berefrid, couverte de peaux en poil et de cordes et qui avait des couches de bois très solide pour la protéger de toutes charges et du feu grégeois. Il prépara aussi des mangonneaux dont l'un avait une telle force et une telle rapidité que les pierres qu'il lançait atteignaient le centre de la cité sur les lieux du marché. Ces perrières tiraient jour et nuit et il est bien connu qu'une seule de leurs pierres tua douze hommes d'un coup; la pierre fut ensuite apportée pour qu'il l'examinât à Saladin par des messagers qui lui dirent que ce diabolique roi d'Angleterre avait rapporté de Messine, ville qu'il avait prise, ces silex marins et des pierres parfaitement polies pour punir les Sarrasins; et rien n'y pouvait résister ils mettaient en pièces ou réduisaient en poussière la cible qu'ils touchaient.»